Sardaigne

Mercredi 11 avril

 

Départ d’Alghero, au Nord Ouest de la Sardaigne. Tout de suite la route fut difficile avec de bonnes côtes mais dans un paysage sauvage de maquis embaumant les ajoncs en fleurs, suivant par les crêtes la côte escarpée et les falaises. Dommage que la pluie nous ait attrapés alors que nous n’avions effectué qu’un tiers de l’étape. Une pluie sans vent, régulière et dense, le genre de pluie qui donne l’air de ne jamais devoir s’arrêter. Pantalons de pluie, surchaussures, capes, gants de caoutchouc.  Dans les montées nous transpirions, presque aussi mouillés dedans que dehors - mais le phénomène est bien connu de tous les cyclistes - , dans les descentes nous étions gelés, la pluie crépitant sur le visage. A Bosa le soir nous ne trouvions pour planter la tente qu’une aire de camping rustique fermée mais porte ouverte, dans un terrain détrempé et spongieux. Sacoches, capes, enfin tout ce qui était trempé, trouva place dans l’abside de notre tente décidément bien pratique et, la boite de haricots avalée froide, nous nous enfilions dans nos duvets.

Voilà, cela c’était pour vous raconter la pire journée de cette semaine et vous entendre dire – peut-être! – «Oh les pô…vres !»

Maintenant j’écris ce texte du bateau qui vient de quitter la Sardaigne pour la Sicile en espérant trouver dans les jours proches un point wifi pour le mettre en ligne.

Du pont de ce bateau qui s’écarte lentement du quai, la ville de Cagliari est belle, étageant sur son éperon rocheux ses bâtisses roses et ocres. L’avenue du front de mer est bordée d’immeubles style niçois de tous les tons de rose et rouge sombre, festonnés d’une guirlande d’arbres de Judée en pleine floraison. Nous avons passé quelques heures à déambuler dans la citté, de vieilles rues en escaliers, entre d’anciens palais aux façades sévères qui ne cachent peut-être plus que de minuscules appartements. Une belle esplanade ombragée de quelques palmiers offre un panorama sur toute la ville et la baie. C’est l’endroit où viennent apparemment se rencontrer les amoureux, où les Giulietta se pavanent le téléphone à l’oreille, où les touristes se font prendre en photo, où les Tuppin viennent manger leur sandwich sur un banc.

Nous retrouvons les habitudes de pain-fromage et bols de céréales sur les bancs publics, les toilettes de stations services.

Le premier chapitre de notre périple qui ne fait que commencer vient de se boucler. Tout s’est plutôt bien passé. Nous n’avons eu qu’une journée de pluie et depuis trois jours il fait de plus en plus beau et chaud. Nous avons traversé une région très sauvage et très belle, pédalé avec entrain dans une plaine d’oliveraies et de plantations d’artichauts. Mais nous sentons que cela n’a été qu’un rodage pour ce voyage qui devrait durer  environ six mois. Comme nous sommes bien en voyage!

PS. Les mimosas sont tout en fleurs, cela nous paraît bien tardif. Les citronniers sont surchargés de fruits dans les jardins. Les corbeaux sont superbes dans ce pays, gros comme des pigeons, avec le corps d’un beau gris et les ailes et la tête noires comme il se doit.

Nous trouvons la vie chère et il n’est pas facile de faire ses courses dans les supermercato. Pas encore goûté ni pâtes ni pizzas.

L’Italien, c’est facile. Les pharmacies s’appellent des pharmacia, les laveries lavanderia et les supermarchés supermercato. Capito ?

Jamais vu autant de gens faire du footing. Mais où courent-ils tous ces Sardes ?

J'aimerais tant voir Syracuse

mercredi 24 avril 2013 à 22:13,

 

Dix jours en Sicile et nous n’avons finalement pas vu grand-chose. D’une part parce-que nous avons renoncé à en faire le tour, d’autre part parce que nous avons pris notre temps, notamment à Palerme, enfin parce que nous n’avons que la Grèce et la Turquie en tête.

Deux jours à marcher dans le vieux Palerme, entre des palais armoriés, des églises surchargées, des fontaines Renaissance, des immeubles s’écroulant, des restes de palais aux fenêtres murées, des quartiers en ruines, en passant par des ruelles où les matrones se crient les nouvelles du jour d’un balcon à l’autre. C’est un peuple pauvre et cosmopolite qui vit dans un décor de théâtre. Trop de saints, trop d’arabesques, trop de chérubins fessus, trop de trompe-l’ œil. C’est beau, c’est lépreux, c’est sale. Jamais vu une ville aussi sale, d’autant que nous arrivons en pleine grève des éboueurs. Des tonnes d’ordures s’entassent à chaque croisement de rues, se répandent sur la chaussée et empuantissent l’atmosphère.

 

 

A Capo d’Orlando, Nicola et Alexandra nous ont accueillis dans leur maison et offert une soirée très amicale. Nicola et sa maman tiennent une librairie. Quel plaisir de parler des auteurs que nous aimons et de ceux qui devraient nous faire découvrir un peu mieux la Sicile, et l’aimer un peu mieux aussi.

 

La vie y est difficile pour le voyageur indépendant. Aucune information, qu’elle provienne d’un Office du tourisme, des panneaux routiers ou d’un guide, n’est fiable. Les kilométrages sont complètement fantaisistes, les adresses des  offices de tourismes et leurs horaires erronés, les campings soit disant ouverts fermés, les numéros de téléphone faux. Et l'état des routes, on ne vous dit pas. Aussi défoncées que les petites routes du fin fond des campagnes chinoises. C’est usant à longueur de journée. Finalement, je vais vous dire, c’est bien la Thailande…

 

 

 

Pani, salumi , bibite e formaggi Y a tout c’qu’il faut, chez Rinaldo

Vendredi 3 mai 2013 à 18:10,

 

 

Nous avons suivi le détroit de Messine par un vent à décasquer les cyclos puis avons longé la botte, sans guère nous arrêter, avec des bonnes étapes de 80-90-100 km.

Pas grand-chose à raconter si ce n’est que la côte est belle, toute plantée d’oliveraies avec des arbres vénérables, noueux et tordus à souhait, des vergers d’orangers aux fortes effluves, mais que, hélas, dès qu’on arrive dans ce qui semble être – ou avoir été – une station balnéaire, ce n’est plus que déchets, sacs en plastique, cartons et canettes sur les plages et dans les jardins publics qui d’ailleurs ne sont plus entretenus, des monceaux de sacs à ordures aux carrefours, des herbes folles qui bouchent les évacuations d’eaux de pluie. Bref, un pays guère entretenu.

Nous arrivions un après-midi dans un camping fermé – mais « oui vous pouvez rester » nous dit la propriétaire qui nous accueillit avec des petits gâteaux et nous proposa la cuisine du restaurant fermé à cette saison pour faire notre popotte. Un autre soir, nous trouvions le camping trop cher et le vieux bonhomme qui le tenait nous a demandé combien ce serait en France, puis diminua ostensiblement le prix de notre nuit. Sur une plage nous installions la tente, peinards, et l’unique voisin nous donna une bouteille d’eau minérale à la place de l’eau du robinet que nous lui demandions. Nous avons aussi atterri dans des villages de vacances uniquement occupés par des Allemands qui passent l’hiver là, tout près du magasin Auchan. Ah !c’est sûr, il y avait tout le confort, mais nous faisions un peu tâche avec notre guitoune au milieu de ces monstrueux camping-cars. Et puis nous avons fait près de 50 km sur une autoroute, faute d’avoir trouvé un autre moyen. Notre route s’était transformée en une 4 voies, interdite à tout véhicule de moins de 250 cm3, encore plus aux vélos bien sûr. Nous demandions à plusieurs quidam comment allez à Taranto à vélo. « Impossible » nous répondirent-ils. Impossible n’est pas gaulois, car je me sentais exactement dans la peau d’un Gaulois au pays des Romains. Finalement un flic nous dit « Vous voulez prendre l’autoroute ? » - « C’est permis ? » - « C’est tout droit » répondit-il avec geste à l’appui. Et nous foncions, nez dans le guidon et un œil constamment dans le rétroviseur. Epuisant de bruit.

Nous sommes maintenant à une journée de Brindisi où nous pensons prendre le bateau pour Patras (Grèce) demain soir. Alberobello : le pays des trulli, ces maisons faites de pierres sèches qui rappellent les bories et cazelles de chez nous. C’est beau.mais un peu décor conservé pour les touristes. Jamais contents ces touristes.

La Grèce nous attend ou plutôt c’est nous qui l’attendons, inquiets de ce que nous allons y trouver – ou y retrouver après 20 ans d’absence.

 

Les trullis d'Alberobello 

 

Retour en Grèce

jeudi 9 mai 2013

 

Car il s’agit bien d’un retour. Après plus de 15 ans …

Les retrouvailles ne furent pas idylliques tout de suite puisque nous commencions par nous voir refuser l’entrée du camping de Patras par un propriétaire de camping en pleine crise révolutionnaire, puis par nous faire importunés par deux mecs « pas tibulaires » (ce n’était pas des Grecs je vous rassure tout de suite). Dix minutes plus tard Dany s’apercevait qu’il s’était fait piquer son porte-monnaie. Ensuite nous roulions sans en voir le bout vers un autre camping sur la route d’Athènes avec une circulation éprouvante.

Mais bientôt tout s’arrangea. D’abord quand nous demandions notre route à une famille en train de fêter Pâques – car j’ai oublié de vous dire que nous sommes arrivés le dimanche des Pâques orthodoxes – dans leur jardin autour d’une table bien chargée. Ce fut tout de suite l’hospitalité grecque, le verre d’eau de bienvenue, puis le verre d’Ouzo - que nous refusions avec regret mais il faisait 30 ° et nous avions encore de la route – et les petits gâteaux que nous acceptions avec plaisir.

Au camping ouvert enfin trouvé, ce fut une terrasse presque privée au dessus de la mer pour planter notre tente, et le soir une salade grecque, un tsatsiki et de l’agneau grillé dégustés en compagnie de deux autres cyclovoyageurs canadiens qui revenaient d’Asie du Sud Est. Quelle bonne soirée ! Tout cela vécu par une douce tiédeur d’été pendant que vous vous gelez, mais ce n’est pas de notre faute si nous sommes en short et chemisette depuis trois semaines.

Les maisons sont bien entretenues, les jardins débordent de roses et de géraniums. Tout est beau.

 

Aujourd’hui, Corinthe. Petit-déjeuner sur la plage puis visite de l’ancienne Corinthe. Ouzo le soir sur la plage aussi, accompagné de grosses olives de Kalamata.  Enfin retrouvées les vieilles pierres, les colonnes, l’odeur des herbes sèches et de la camomille en fleurs. Nous respirons l’antique à pleins poumons (la phrase n’est pas de moi, mais je ne me souviens pas de qui)

 

PS. Nous pensons chaque jour à nos amis Louis-Philippe et Lysanne qui nous aont fait découvrir les trekker lounge (voir photo), le comble du confort pour des campeurs. Merci à Patricia qui nous les a rapportés des USA.

Vive les trekker lounge !

 

2 250 km : Athènes

Dimanche 19 mai 2013

 

De Corinthe à  Mycènes nous pédalions dans un tel décor que c’était du vrai bonheur : mer d’oliviers chargés de fleurs aux vagues argentés sous le vent, abricotiers et orangers, vignes pour les fameux raisins de Corinthe, le tout surmonté de collines de rocailles gris bleuté, le sommet griffant les nuages.

A Mycènes, monté jusqu’à la forteresse d’Agamemnon juchée sur sa colline dorée, dos à la montagne sombre, exactement comme dans mon souvenir. De là, vue sur la baie de Nauplie, la mer Egée (enfin !) et sur la droite la forteresse d’Argos sur sa colline pointue. Argos – Thyrinte– Mycènes : tous ces petits roitelets de la même famille s’épiaient du haut de leurs fiefs et envoyaient régulièrement leurs soldats s’étriper dans la plaine pour une poignée d’oliviers.

Mycènes sur fond d'Argolide

 

Une vieille femme en noir me dit bonjour et me souhaita longue vie. « pola kronia ». Ca tombe bien. Hier devant le temple de Corinthe, Dany m’a déclaré : « J’espère que tu as envie de bourlinguer encore plusieurs années » et aujourd’hui, sur le site de Mycènes, nous évoquons le Mexique, Persépolis, Borobudur … Chacun de notre côté craignons que l’autre en ait assez du nomadisme. Jamais ressenti une telle liberté.

La dernière et unique fois que nous sommes venus à Mycènes, c’était chargés de la caméra, des appareils photos, bobines de films et pellicules, magnétos … Aujourd’hui nous faisons un croquis, sortons un minuscule appareil de la poche pour nous souvenir de certaines statuettes vues au musée, notamment des figurines de terre d’environ 70 cm de haut très impressionnantes, prenons le temps de rêver devant ces montagnes et vergers de l’Argolide, puis réenfourchons nos vélos pour  en faire le tour par Nauplie, Epidaure.

Nous roulons entre les vergers d’oliviers et d’orangers. Au camping d'Epidaure, il suffit de tendre la main pour se servir de fruits juteux et sucrés. Nous évitons sciemment le théatre d’Epidaure déjà visité 4 fois car il est bien convenu entre nous que nous ne refaisons pas le tour des sites grecs aimés. Nous allons en Turquie !

Orage sur l'Egée

 

Le mardi 14 mai, départ sous un ciel très chargé. Nous mettons la veste et les surchaussures. A la première côte nous transpirons. Il ne pleut presque plus. On enlève tout. Dix minutes plus tard, il pleut. Nouvel arrêt, on se rhabille. Après trois ou quatre arrêts changement de tenue, nous décidons de rester en tee-shirt. Et le temps nous donne raison puisque le ciel se soulève un peu et nous finirons l’étape par grand soleil. La côte en contrebas de la route est superbe. Au large, Egine dont j’ai la nostalgie. Nous grimpons de bonnes côtes mais avons la forme, traversons des causses arides de caillasses avec troupeaux de chèvres et abris de bergers dans les collines. Les derniers quinze kilomètres nous offrent une belle descente dans la bonne odeur des pins sur le golfe de Corinthe et l’isthme. D’en haut nous voyons les deux mers séparées par une bande de terre étroite. Nous finirons la journée sur la plage d’Isthme, face aux cheminées des raffineries qui ne sont pas si laides que cela à croquer. Mer très douce. Ouzo sur la plage.

coup de fatigue

Isthme et entrée du canal de Corinthe

Le canal de Corinthe

 

Nous avons traversé pendant cette petite semaine dans la région de l’Argolide, de Corinthe  à Corinthe, des paysages qui non seulement sont beaux mais qui nous conviennent tout simplement, typiquement méditerranéens, qui font que nous nous sentons chez nous et heureux d’y être.

 

Après 2 250 km, nous arrivons à Athènes

Nous avons beaucoup aimé arriver à Athènes par la mer. Nous avons suivi la côte jusqu’en face de l’ile de Salamine, avec vue sur les monts de l’Attique qui surplombent Athènes noyée dans son nuage jaune de pollution. Un bac pour Salamine, puis, de l’autre côté de l’île, un autre pour Le Pirée. C’était un peu étrange de revenir, après 13 ans d’absence, à Athènes, mais cette fois-ci à vélo.

Un petit encas en attendant le bac

Arrivée au Pirée

 

Nous marchions dans les quartiers de la rue Athina du côté du marché central où je me souviens avoir enregistré les cris des vendeurs en 83-84, de Monasteraki et de Plaka au pied de l’Acropole, consternés de voir la ville envahie de tags. Pas un mur, par une villa, pas un rideau de magasin qui soit épargné. L’Acropole est encore épargnée, toujours en travaux depuis 30 ans que nous la connaissons.

Un authentique kouloury sur la place de Singtama

Tags et ruines antiques

 

 

Nous avons visité le nouveau musée de l'Acropole pour revoir les frises du Parthénon et autres superbes pièces, en regrettant une fois de plus de n'être toujours pas allés au British Museum de Londres où sont exposées les plus belles.

 

 

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