Première pause-café sur la route du Mexique. Quand nous aurons fini d’aller voir ailleurs comment c’est, nous nous arrêterons ici.

Rocamadour in lot
Rocamadour in lot

Jeudi 18 Cancun

 

« Réveillés par des cris d’oiseaux inconnus. Un arbre à longues feuilles de manguier obstrue l’une des deux fenêtres de la chambre. Devant l’autre, un arbre énorme à grosses fleurs rouges. Nous avons repoussé le drap. Il fait chaud. Ma montre indique 13 h ; en fait il n’est que 7 h du matin et le jour vient de se lever. Je tente de faire chauffer de l’eau pour le café avec ma résistance mais impossible. Ah ! C’est vrai ! Le Mexique est branché en 110 volts. Ce sera donc un café froid qui n’en dissipera pas moins j’espère les brumes de nos cerveaux et le mal de tête. Car nous sommes très enrhumés et aphones tous les deux – crève attrapée sur un quai de gare français, le train ayant une heure de retard ! Fait extrêmement rare à la SNCF comme chacun sait – Vraiment pas en forme. Dommage, nous aurions aimé sauter du lit pour flairer l’atmosphère. Le voyage va démarrer doucement. »


Recomposer nos sacoches, remettre les vélos en état de rouler et deux repas à la gargote du coin suffiront à remplir le reste de cette journée chaude et humide. Longue sieste. Les repas furent l’occasion de nous remémorer les bribes d’Espagnole acquises en Argentine il y a deux ans. « Pollo » veut dire « poulet », s’il est « asado » c’est qu’il est grillé, «  queso » veut dire « fromage » et les « empanades con queso » furent aussi insipides qu’en Argentine, « sope » ne veut pas dire « soupe » mais une espèce de petite galette garnie qui doit différer du « taco » mais je n’ai pas bien vu en quoi. Quant à ce que j’aurais appelé « dal » en Inde, il est fait de haricots rouges et n’a lui  non plus aucun goût.

A la tombée de la nuit, dès 18 h, nous avons vu les grilles des petites épiceries se fermer, mais le commerce n’en continue pas moins, à travers une toute petite ouverture. Le vendeur est enfermé à l’intérieur et les clients font la queue sur le trottoir pour acheter des sodas (la consommation de soda est évaluée à 200 litres par personne et par an), quelques cigarettes au détail, une barre chocolatée ou un rouleau de papier toilette.

 


A Cancun il n’y a absolument rien à voir. Construite dans les années 70 pour désengorger Acapulco, cette agglomération n’existe que par et pour les innombrables hôtels de luxe qui s’alignent en bord de mer sur plus de 20 km. Je ne sais pas à quoi ressemble Acapulco, mais ici c’est bien laid.

 

Deux jours de route sous un soleil de plomb et sur une 2X3 voies à circulation rapide, mais heureusement avec une bande latérale. Pas très intéressant. Circulez, il n’y a rien à voir.

En arrivant à Playa del Carmen vers 13 h avons bien cru devoir nous contenter de tacos ou de pollo azado (voir ci-dessus) mais désignions l’assiette d’un client qui nous paraissait digne d’intérêt et ce fut une soupe de légumes… con pollo. Exactement ce qu’il nous fallait. Nous étions trempés – comme des soupes -, ne rêvions que d’une douche et d’une sieste. 

1ère gargote
1ère gargote

L’hôtel réservé sur Booking.com ne fut pas facile à trouver bien que nous en ayons l’adresse exacte, pour la bonne raison qu’il n’avait aucune enseigne. C’était la même chose avec celui de Cancun. Des hôtels anonymes en quelque sorte que même les voisins ne connaissaient pas. Cela ne va pas être facile de trouver un petit hôtel si c’est partout pareil.

Nous voici donc dans un hôtel qui pouvait être sympathique s’il n’était situé dans un quartier populaire, ce qui signifie musique et télévision hurlant dans toutes les maisons. Si je pensais au prime abord que le bruit était lié à la pauvreté du quartier, la petite promenade jusqu’au bord de mer me fit réviser mon à priori. Plus on s’en approche plus les hôtels sont chers, sinon chics, et de chaque bars et restaurants à touche- touche sort un vacarme insupportable. La plage est elle-même hautement sonorisée. Pour ceux qui connaissent,  c’est Khosan Road, Huain et Sihanoukville tout à la fois. Tout ce qu’on aime quoi.

Arrivions trempés de sueur à Tulum, devant l’hôtel réservé près des ruines, dans une ambiance un peu vulgaire – tourisme de masse dirais-je. Ce n’est pas vraiment dans nos habitudes de réserver nos hôtels à l’avance, je dirai même que nous détestons cela, mais c ’est le moyen pour le moment de trouver des chambres pas trop chères. Il y a bien quelques campings dans cette région balnéaire mais par cette chaleur nous n’avons aucun courage pour dormir sous la tente, et encore moins pour nous priver de la sieste sous un ventilo. Il y a par ici de nombreux « cenotes », des piscines naturelles soi-disant provoquées par la chute de météorites. Tous sont privés et transformés en parcs d’attractions payants où l’on peut s’éclater et faire les cons. Il semblerait que les Mexicains aient aménagé leurs sites naturels à la chinoise. C’est bien le seul rapprochement que je ferais pour l’instant avec la Chine car même dans ce lointain Orient, il est plus facile de se nourrir qu’ici. A part un amuse-gueule sur une minuscule galette – les tacos- et avalé en une bouchée, on ne trouve pas grand-chose. Pour 5 € nous déjeunions d’une sorte de courgette fourrée d’un fromage liquide et insipide nageant dans une sauce tomate très rallongée. Heureusement il y avait des tortillas – encore un autre genre de minuscules galettes – dont nous nous sommes bourrés. Il semblerait que, du Sud de l’Amérique jusqu’au Nord, la nourriture soit vraiment médiocre. Et je repense à T. Serstevens qui écrivait, à l’issue d’un voyage d’un an à travers le Mexique en 1955, que le Mexicain mettait son argent dans sa voiture et sa garde-robe et se moquait bien de ce qu’il y avait dans son assiette. Il semblerait qu’il y ait du laisser aller dans les garde-robes sinon dans les voitures.

A 8 h du matin nous étions dans le site Maya de Tulum, surplombant la mer des Caraïbes d’où arrivèrent en 1518 les premiers galions espagnols. C’était alors une grosse ville en pleine activité. Les ruines sont massives et sans sculptures, mais les lieux sont aménagés en un agréable jardin où il faisait bon se promener dans le silence avant l’arrivée des groupes. Pélicans et frégates survolent le site. Tandis que nous dessinions je pensais qu’il y a quelques lunes seulement nous croquions les ruines d’Ayuthaya en Thaïlande ou d’Angkor au Cambodge. C’est un peu magique et même perturbant d’être à plusieurs endroits presque simultanément, car je suis à peine revenue de là-bas.

Iguanes et oiseaux aux couleurs vives nous retinrent autant que les bâtiments.

Arrivée aujourd'hui 23 novembre à Coba, sous la pluie, et là aussi une rencontre surprise

Rédigé le 8 décembre de Campeche

 

Il faut maintenant vous avouer de quelle façon nous finançons notre voyage :

 

Voir ci-dessous Daniel, le roi de l'or et Freddy Tuyin, le vaillant matador

Et voici Freddy, le vaillant torero dans l’arène

Nous vous avions laissés à Coba, site préhispanique en pleine forêt.

En fait on ne voit pas grand-chose d’autre que des bases de bâtiments en grosses pierres, deux restes de pyramides très endommagés et quelques stèles peu lisibles. Le jeu de pelote est assez beau. La règle était de faire passer la balle dans le cercle, l’ancêtre du basket en fait, mais en plus violent. On tranchait la tête des perdants. C’est aussi l’occasion de faire une belle promenade dans la forêt humide et d’observer de superbes oiseaux.

jeu de pelote à Coba
jeu de pelote à Coba

Tandis que ses ouailles anglophones escaladaient la grande pyramide, un guide local se mit à nous parler en Français de son pays, ici, le pays Maya « qui n’est pas le Mexique » (sic). Le système d’allocations chômage mexicain qu’il nous décrivit nous parut, au premier abord, assez judicieux. « Si vous n’avez pas de travail, on vous aide financièrement, mais il faudra rembourser. Aussi on  tente de trouver vite un emploie pour ne pas avoir trop à reverser. Pas comme en France où ce sont les travailleurs qui payent pour ceux qui ne font rien » (sic).

La pluie des deux derniers jours avait bien rafraîchi l’atmosphère et la route – toujours toute droite et toute plate- nous parut facile.

L’arrivée dans Valladolid ne ressembla à rien de ce que j’attendais. Plus de quatre ou six voies, mais des rues bordées de cases de béton sans étage et plutôt petites, puis, en approchant du centre, des façades toujours basses mais colorées. 

Une rue de Valladolid
Une rue de Valladolid

 C’était enfin une vraie ville, avec des gens du cru qui vivaient, travaillaient, faisaient leurs courses. Nous trouvions une chambre très basique et vétuste - quand l’un de nous deux bougeait sur le lit l’autre était quasiment éjecté-  mais avec tout de même sanitaires privés pour 15 €, ce qui allait rééquilibrer un peu notre budget. Sur le zocalo ou place centrale, les quelques touristes s’ennuyaient assis sur les innombrables bancs. Les citadines, courtes sur pattes et larges d’épaules, sont nombreuses à porter la robe traditionnelle blanche décorée de fleurs à l’encolure et de laquelle dépasse un jupon en dentelle. La majorité d’entre elles ne mesure pas plus d’ 1,50 m et les hommes, râblés, ne sont guère plus grands. C’est bien la première fois que je fais partie des grands. J’eus pitié de la flic qui sévissait près de notre hôtel. Toute petite au milieu du carrefour on la voyait à peine dans le flot des véhicules. Son rôle consistait à les arrêter quand le feu passait au vert et les faire démarrer quand il était rouge. A midi elle sifflait et agitait le bras comme une automate. A 17 h elle  était encore là. A 21 h elle était toujours là.

Robes traditionnelles super jolies mais pas très pratiques pour le voyage à vélo
Robes traditionnelles super jolies mais pas très pratiques pour le voyage à vélo

Dans une fabrique du cacao un petit musée explique le processus de culture de la plante jusqu’à sa consommation et l’on nous fit déguster des échantillons de chocolat aromatisés à la cannelle, au miel, à l’anis, au piment, à l’origan… Nous terminions par une boisson chocolatée à l’eau additionnée de miel et de cannelle – la boisson préférée du roi Moctezuma- absolument délicieuse et servie dans une petite calebasse.

J’aimais les quelques places calmes et ombragées de la ville. J’aimais surtout le Chinois chez qui nous dînions d’une copieuse assiette de poulet aux légumes et riz pour le même prix que nos deux tacos ridicules du midi.

 

Chichen Itza

Il y avait du monde, beaucoup de monde, mais qui se répartissait assez bien dans l’immense espace. Les visiteurs étaient finalement moins gênants que les centaines de vendeurs d’horribles babioles installés dans toutes les allées, tapant sur leurs calebasses ou jouant de leurs sifflets à rugissements de jaguar pour attirer le chaland qui, lui, est venu pour admirer des vieilles pierres. Des murs énormes, des frises de jaguars et d’aigles en train de manger des cœurs humains, des masques monstrueux à nez crochus, des têtes de serpents à crocs terribles et langue pendante, des enfilades de têtes de morts, un bassin profond dans lequel on précipitait des jeunes filles en offrande au dieu de la pluie… On n’approche pas de grand-chose en fait, des cordes gardant les visiteurs un peu trop loin de tout pour créer l’envie de s’attarder.

Et à nouveau une route toute droite à travers une jungle basse. Nous traversions quelques  pueblo  avec leur zocalo proposant des bancs à l’ombre bien appréciables pour la pause de 10 h. Les maisons basses sont souvent entourées de murets de grosses pierres chaulées, ce qui est assez joli. A l’entrée et à la sortie de chacun de ces villages, comme à chaque intersection, une succession de ralentisseurs oblige tous les véhicules, vélos y compris, à passer au pas sous peine de tout casser. Si c’est un peu agaçant pour le conducteur on peut tout de même imaginer que ce ne serait pas une mauvaise chose dans nos villages européens puisqu’il n’y a pas moyen de faire ralentir les automobilistes autrement.

Le village d’Izamal forme un quadrillage de rues rectilignes autour d’un couvent franciscain perché sur une plateforme entouré d’arcades. Toutes les façades sont peintes d’ocre jaune et de blanc, sans exception. Ce dimanche matin il y avait foule de gens endimanchés allant à la messe. Nombreuses étaient les femmes habillées de blanc, noyées dans la dentelle pour certaines. Toutes petites,  rondes et potelées, on aurait dit des poupées. Une procession de porteurs de bannières et de fleurs pénétrait dans l’église. L’intérieur était bondé et pendant la messe nous allions visiter le petit musée de photos relatant la visite de Jean Paul II en 1993 et le somptueux vestiaire de la Vierge. Car la Vierge d’Izamal est la patronne du Yucatan et l’on célébrera sa fête le 6 décembre. Des moines vendaient des flans sur le parvis et nous nous laissions tenter. Pendant ce temps, dans l’église, la Vierge était descendue de son piédestal et nous arrivions dans les lieux au moment où l’officiant, en chasuble violette, lui ôtait sa couronne pour la coiffer d’une autre. La foule applaudit, heureuse du spectacle. Elle allait rester exposée à l’adoration des fidèles toute la semaine avant d’être sortie en procession dimanche prochain et réintégrer sa niche. L’église se vida. Quant à nous, nous avions passé une excellente matinée qui allait se terminer chez le Chinois du coin – au faciès et à la silhouette typiquement maya.

D’Izamal à Merida nous empruntions une petite route secondaire bien plaisante. Vu nos premiers champs d’agave – production principale de la région de Mérida qui vécut de la récolte du sisal et de la fabrication de cordage pendant la première moitié du XXe siècle jusqu’à ce que le Brésil, puis le synthétique ne lui fassent une trop forte concurrence. A la vue de ces plantes hérissées de piquants et plantées en rangs serrés, on imagine la difficulté du travail des ouvriers agricoles. (Lire Fleur Noire de Kim Young-ha -Ceci est l’histoire vraie de 1.033 Coréens partis émigrer au Mexique au début du vingtième siècle. Vendus à leur insu à des propriétaires terriens pour travailler sur des plantations de sisal, ils doivent s’adapter à des conditions de vie effroyables sur une terre hostile. Quarante-deux d’entre eux s’enfoncent dans la jungle pour rejoindre la révolution qui a éclaté au Guatemala et fondent un Etat éphémère sur le site maya de Tikal.)

Mérida. Ville basse aux rues rectilignes comme toutes les autres, bien tranquilles jusqu’à ce qu’on arrive vraiment dans le centre. Et là, ça grouille. Le vacarme des sonos dans les rues commerçantes et les supermarchés est infernal. Notre auberge de jeunesse est au premier étage d’un immeuble autrefois bourgeois situé sur le zocalo. Une fois montés, les vélos sont en sécurité et heureusement notre chambre ne donnait pas sur la grand place.

Vu d’intéressantes peintures murales (4x5 m minimum) au Palais du Gouverneur

"la nuit", peinture murale de Fernando Castro Pacheco
"la nuit", peinture murale de Fernando Castro Pacheco

Dans la cathédrale, forêt de piliers massifs et un christ monumental impressionnant.

dans la cathédrale de Mérida
dans la cathédrale de Mérida

Visite du musée Maya, inauguré en 2012. Nous nous y rendions en bus de ville. A 8 h du matin le conducteur commençait sa journée au son d’une musique quasi psychédélique en boucle. Agé d’à peine une trentaine d’années, il avait déjà pas mal de tics. Le musée est très didactique mais contient tout de même quelques belles pièces parmi lesquelles un superbe Chac mool. 

Merida possède plusieurs musées intéressants, les pièces étant bien mises en valeur, les nombreux gardiens on ne peut plus serviables. L’entrée, la plupart du temps gratuite, permet de pénétrer dans d’anciennes demeures dotées de patios et de jardins.

 Mais notre grande découverte fut la collection d’œuvres du peintre Fernando Castro Pacheco dans le musée de la ville. Un superbe travail de dessins et de peintures dont nous réussissions à prendre quelques photos.

A Muna nous décidions de nous arrêter. En effet le site d’Uxmal était encore à 16 km et il n’y aurait pas d’hôtels dans nos prix. Chambre sobre mais propre, hélas en face d’une cantina qui mit sa sono en route dix minutes après que nous soyons installés. Trop tard pour déguerpir. Nous avions payé et pris notre douche. Nous réservant pour le soir le Pollo Asado (poulet grillé) proposé dans pas moins de 3 restaurants autour de la place centrale, nous cherchions de quoi nous sustenter pour midi et ne trouvions que des tortas à la viande – sandwichs garnis de miettes de viandes peu alléchantes – ou tacos – la même chose mais dans une tortilla au lieu de pain. Pas bon et peu nourrissant après 65 km à vélo. Heureusement qu’il y a les bananes. Pendant que j’écrivais Daniel feuilletait le guide sur le Guatemala, à la recherche de la rubrique culinaire et, catastrophé, m’annonça qu’il n’y en a pas. Ça promet !

Le déjeuner du cycliste affamé : des tacos à manger avec les doigts
Le déjeuner du cycliste affamé : des tacos à manger avec les doigts

Dans la soirée nous partions à la recherche de notre pollo asadomais, surprise !, tous les « restaurants » étaient fermés. Dans les petites villes il n’est possible de manger, le soir, devinez quoi ?, que des tacots ou des tortas. Et pas un Chinois dans le coin ! Nous nous rabattions sur le plus gros hamburger proposé, composé de viande hachée heureusement carbonisée, d’une tranche de salchichon recomposé et d’une rondelle d’ananas. Fameux ! Il était 18 h et il faisait déjà nuit depuis une bonne demi-heure. Si dans l’après-midi la place était vide, elle se remplissait maintenant de gens venus prendre le frais. Les échoppes du marché avaient toutes rideaux baissés mais un autel à la Vierge avait été dressé, enguirlandé d’ampoules clignotantes, et un groupe de femmes se faisait une petite messe. Juste à côté, toujours sur le trottoir, des adultes jouaient avec des machines à sous. Quelques pétards éclataient çà et là. Et dans la cantina face à notre chambre c’était toujours un vacarme d’enfer sur lequel dansaient quelques couples d’âge mûr. 

De bonne heure le samedi matin nous enfourchions les vélos à vide pour aller visiter les ruines d’Uxmal, ville maya en pleine forêt, abandonnée dès le XIIe siècle. Et si Chichen Itza ne m’avait pas émue, là c’était fabuleux. Les bâtiments, gigantesques, sont assez près les uns des autres pour qu’on ait une idée d’ensemble. La pyramide, ovoïde, atteint 35 mètres de haut. Les façades sont ouvragées, décorées de frises, de croisillons, de masques, d’oiseaux et de personnages que l’on peut approcher assez près pour les admirer en détails. Nous y passions quatre bonnes heures de pur bonheur et dans une paix royale car les lieux n’étant visiblement pas aux programmes des voyages organisés, les marchands de camelotes eux aussi boudent le site.


Non loin d’Uxmal est le petit site de Kabah où l’on peut admirer des masques du dieu Chac au long nez crochu et sourire divin (le dieu de la pluie)  recouvrant toute une façade. 

Rencontre de pèlerins mexicains à vélo, avec pour tout bagage la protection de la Vierge. Nous en croiserons d'autres encore sur la route. C'est que dans quelques jours, c'est la fête de la Vierge de la Guadalupe, et on ne risque pas de la louper. On la voit partout.

Ce soir, nous voici à Campeche. Après 90 km de route, pas le courage d'aller voir à quoi cela ressemble avant demain. On vous racontera la prochaine fois.

Pause pamplemousse sur le bord de la route
Pause pamplemousse sur le bord de la route
les trottoirs très hauts de Campeche
les trottoirs très hauts de Campeche

Rédigé le 18 décembre

 

Mardi 8 – mercredi 9 – jeudi 10 décembre 2015 – Campeche

 

 

La route traversa d’abord des champs de maïs, puis des vergers d’agrumes et de papayes. Nous devenions de vrais petits Mexicains en déjeunant d’un sandwich au poulet et d’un coca cola dans un village peu avant Campeche. Mais nous n’allions pas tarder à découvrir les jus frais de tamarin ou d’hibiscus vraiment délicieux.
La petite ville de Campeche est vraiment jolie avec ses maisons basses et colorées alignées le long de rues toutes droites. 

une rue de Campeche
une rue de Campeche

Le zocalo - ou grand place- est entouré de belles demeures à arcades. Les deux musées archéologiques sont riches de belles pièces. 

au musée de Campeche
au musée de Campeche

Comme partout en fin de journée, les églises étaient ouvertes et des fidèles y priaient en silence. Nous constations une fois de plus la pauvreté de leur ornement. Très nombreuses les effigies de la Vierge de la Guadalupe dont la fête, grand moment de la vie mexicaine, tombe le 12 décembre. Le soir, sur cette grand place, a lieu un spectacle son et lumière, d’une durée de 20 minutes, seulement et heureusement .... Nous y assistions en compagnie de Josée et Jean Robert qui nous suivaient à deux jours sur la route depuis une dizaine de jours et nous avaient contactés par l’intermédiaire de notre blog. Nous passions deux bonnes heures chez le Chinois du coin de la place à faire connaissance. Nous devrions continuer à suivre le même parcours jusqu’à San Christobal de las Casas. Là ils prendront la direction du Guatemala jusqu’en Equateur.

A Campeche avec Josée et Jean Robert
A Campeche avec Josée et Jean Robert

Les pèlerins de la Guadalupe, à vélos, suivis ou non de pickup up alarme hurlante se suivaient sur la route.

les pèlerins de la Guadalupe
les pèlerins de la Guadalupe

Après avoir franchi quelques collines nous rejoignions la mer. Dans un petit port où nous faisions une pause banane un pêcheur voulut être pris en photo avec ses prises. Une grosse colonie de pélicans gris pêchait plus que lui. Il y avait là une petite flottille de barques de pêche et je me faisais la réflexion que j’avais rarement vu des bateaux de pêche aussi tristes, sans couleurs, sans fanions, même pas une petite vierge fétiche.

Route valonnée et sans grand intérêt. Pause sous une paillotte-troquet vers 1O h dans l’idée de nous caler les joues avec un tortas. « On peut avoir des tortas ? » - « Si, si, au poulet ou à la viande ? »(Sic) Si j’ai bien appris ma leçon d’Espagnol Mexicain, un tortas c’est un morceau de pain avec quelque chose dedans. Eh bien, après un bon quart d’heure d’attente pendant lequel nous dégustions notre coca  quotidien, arrivèrent sur notre table poisseuse deux gaufrettes parsemées de quelques miettes de poulet, quelques lamelles de salade et deux rondelles de tomates. Pas cher, mais ça ne valait vraiment pas plus. Ils n’ont vraiment pas grand-chose à servir.

Dîné le soir à l’hôtel d’une soupe de nouilles instantanée, deux tomates et un yaourt. Vers 22 h de grands coups de boutoir ébranlèrent l’hôtel. C’était les basses d’une sono qui allait taper dans nos murs et sur notre système nerveux jusqu’à 6h30 du matin.

 

C’est en bus que nous sommes arrivés à Palenque, ne voyant sur les cartes aucun village pouvant offrir un hébergement sur les 200 km à parcourir, route à camions toute droite et sans un coin d’ombre à travers des marécages servant de pâturages à des troupeaux de bovins.


Palenque il faisait plus chaud ce dimanche soir que dans le Yucatan que nous avions définitivement quitté. Palenque, c’est déjà le Chiapas, au pied de la Sierra Madre. Alors que la frontière guatémaltèque était toute proche, du côté d’Emiliano Zapata, il y eut deux contrôles militaires, avec chien dans la cale des bagages.

Un petit tour dans le centre-ville. Beaucoup de monde, des échoppes d’objets souvenirs et artisanaux, un petit orchestre de percussions sympathiques, des gens aux terrasses des cafés, d’autres simplement sur les bancs de la place pour prendre le frais ou manger une glace. L’ambiance était très bon enfant.

Vers 17 h sur le zocalo des milliers d’oiseaux noirs, plus gros que des merles, arrivent pour nicher dans un vacarme ahurissant.

Visite du site maya de Palenque, oublié, enfoui dans la végétation entre le 10e et le 19e siècle. Nous y allions à vélo. 8 km et nous arrivions sur les lieux dégoulinant de sueur, la chemise à tordre. La petite côte d’un km nous laissa très perplexes à la pensée du dénivelé de 2000 m qui nous attendait pour rejoindre San Cristobal. L’idée de reprendre un bus commençait à prendre forme.

 

Le site ressemble à un jardin tropical bien entretenu, menacé par la jungle puissante qui domine les édifices massifs. 

De nombreux restes de décorations en stucs. Nous y étions quasiment seuls à 8 h du matin et curieusement bien peu nombreux vers midi lorsque nous en ressortions. Les marchands de boissons et souvenirs attendaient vraiment le client. Dans le musée une belle collection d’encensoirs anthropomorphes – de véritables cheminées en fait où faire brûler diverses résines et plantes – et de plaques sculptées trouvées sur place. 

Dommage que la fameuse dalle de Palenque, ce couvercle de sarcophage bel et bien reproduit dans une salle reste difficile à voir.

 

La traduction des glyphes mayas me laissa perplexe. On pourrait tout aussi bien m’en donner une autre, je veux bien après tout. Je ne vois dans ces cartouches de pierre que des figures amusantes qui me font penser aux œuvres du peintre Brauner.

écriture maya
écriture maya

A 6 h du matin nous montions dans le bus. Je ne vis rien du paysage, rien de la montagne sur laquelle nous grimpions. Malade ? Bien fait, t’avais qu’à pédaler.

 

Le marché d’Ocosingo est très animé et de nombreux petits étals de fruits et légumes semblent tenus par des campagnards venus vendre leurs produits. Mais nous ne faisions que traverser rapidement le marché pour aller jusqu’au site maya de Tonina. La petite route qui mène à Tonina traverse un paysage de prairies et de montagnes très agréable. De nombreux ranchs vivent par ici d’élevage.

Ah ! les grandes oreilles ! Les mêmes qu'en Thaïlande
Ah ! les grandes oreilles ! Les mêmes qu'en Thaïlande

De loin la pyramide de Tonina, très impressionnante, dresse ses ruines sur fond de montagnes verdoyantes.

Dans l’église d’ Ocosingo le soir , deux musiciens jouaient l’un sur une harpe à grosse caisse de résonance, l’autre sur une sorte de luth tandis qu’un homme à genoux devant la statue d’un saint psalmodiait sans fin en se balançant. L’église était quasiment vide à par nous deux et une petite famille qui discutait et téléphonait. Nous notions une fois de plus la pauvreté de décoration – qui frôle le dénuement – et l’absence curieuse de crèche. La crèche du village était dressée sur la place, à côté du Père Noel et de la scène d’orchestre. Il y avait un monde fou dehors. Les enfants défilaient, déguisés en chérubins ou en Père Noël et porteurs de lampions.

défilé de Noël à Occosingo
défilé de Noël à Occosingo

Nous profitons d’être coincés à Ocosingo par une pluie diluvienne pour mettre ce blog à jour. Dès que la pluie voudra bien s’arrêter, nous poursuivrons, toujours par le bus, jusqu’à San Christobal de Las Casas à 2000 m d’altitude.

le dieu su soleil maya
le dieu su soleil maya

rédigé le 23 décembre 2015 de San Cristobal de Las Casas

 

Vendredi 18 – jeudi 24 décembre 2015 – San Cristobal de Las Casas

 

Dès notre arrivée à San Cristobal (2145 m d’altitude) le centre-ville nous sembla tout de suite agréable, joli. La chambre investie à l’Auberge de Jeunesse de Los Camellos, où nous étions accueillis en Français, agréablement décorée. Après avoir sorti du fond des sacoches pulls et vestes imperméables nous allions faire un tour. Le soir tombait déjà. Dès les premiers pas nous étions invités à boire un chocolat chaud et manger un petit pain sous un stand. Une femme faisait chauffer un grand chaudron de chocolat sur la braise tandis qu’une autre servait des grands gobelets à la louche en appelant les passants : « Chocolate gratis ! » C’était étrange de boire ce chocolat chaud dans cette rue noyée de pluie à la tombée de la nuit. Nous avions en deux heures de route changé de pays. Tout au long de notre promenade dans le centre et autour du zocalo des stands proposaient du chocolat gratuitement et nous comprenions bientôt que ce jour était le « Festival du chocolat ». Vraiment sympa.

Il plut encore toute la journée du 19, ce qui ne nous empêcha pas de marcher jusqu’à la cathédrale puis l’église Santo Domingo à la façade couverte d’une dentelle de pierre et d’y assister à des scènes impressionnantes. Un homme vêtu d’un gros gilet noir à longs poils de laine parlait à son dieu à haute voix, plus loin c’était une petite vieille qui semblait lancer ses supplications. Une femme se confessait à un homme vêtu d’un jean et d’un blouson. Dans une autre chapelle le même genre d’officiant avait tout l’air de faire une séance de désenvoûtement ou de guérison sur un homme jeune, lui passant des bougies le long du corps, le frappant avec du buis béni tout en lançant des incantations. Tout ce monde avait l’air de se passer tout à fait de curé dont nous ne voyons pas la silhouette d’ailleurs.

Dans la rue ces gens aux grosses jupes et vestes noires à longs poils comme des flokati étaient nombreux, les femmes de petite taille mais moins rondes que les Mayas vues dans le Yucatan.

 

Des expos artisanales  montraient de très beaux tissus, de broderies d’oiseaux et de fleurs, de tissages, des bijoux fabriqués à partir de ce fameux ambre du Chiapas. Nous assistions encore à un défilé de gens déguisés en tout et n’importe quoi et de scènes vivantes de la passion du Christ. Il paraîtrait que ces défilés n’ont rien à voir avec les fêtes de Noël mais ont lieu tous les dimanches. Les églises étaient en revanche absolument désertes en ce dimanche matin.

défilé du dimanche matin
défilé du dimanche matin

Le musée Na Bolom nous retint une bonne partie de l’après-midi. Franz Blom et Gertrude Duby, anthropologues et explorateurs de la forêt qui s’étend d’Ocosingo à la frontière guatémaltèque, réunirent dans cette superbe maison acquise dans les années 50 toute une collection d’objets et photos concernant le peuple Lacandon. Visite passionnante autant par la découverte de ces Indiens que par le personnage de Gertrude Duby qui resta engagée dans son œuvre jusqu’à sa mort en 1993, à l’âge de 92 ans. (Voir Wikipédia,https://fr.wikipedia.org/wiki/Gertrude_Blom

Le musée Na Bolom, maison de Franz et Gertrude Duby Blom
Le musée Na Bolom, maison de Franz et Gertrude Duby Blom

La ville de San Cristobal est dominée par une montagne réservoir d’eau. C’est sans doute la raison pour laquelle Coca Cola a installé ici l’une de ses plus grosses usines. Et si le Mexique est le plus gros consommateur au monde, devant les Etats Unis, de cette boisson bizarre et infâme –que nous ne rejetons pas toujours d’ailleurs – la région du Chiapas arrive en tête du peloton des buveurs.

 

Le beau temps étant revenu nous allions flâner sur le marché aux fruits et légumes. Si l’ambiance était assez calme vers 10 h du matin, ce fut ensuite une cohue indescriptible. La plupart des vendeuses, que ce soit dans les stands couverts ou dans la rue, ont le type indien et nombreuses d’entre elles sont vêtues de la robe de laine noire et du corsage coloré des Chamulas. Quelque peu anachroniques les smartphones et tablettes qu’elles ont en main. On trouve tout ce qu’il faut pour faire une très bonne cuisine ( on se demande donc pourquoi on mange si mal), toutes sortes de légumes, des herbes et épices (menthe, coriandre, gingembre parmi celles que nous connaissons), des fruits en quantité (mangues, sapotilles, des fraises aussi et de très grosses mûres), plus ceux que nous ne connaissons pas. Dans les allées des femmes circulaient avec des gamelles en criant « Riz au lait ! Café ! » D’autres proposaient de la soupe de légumes. Sur le trottoir des femmes vendaient, à même le sol, de la laine noire non filée comme celle utilisée pour la confection de leurs jupes. Elles s’occupaient en brodant. Et le fait est que certaines portent des chemisiers et des châles superbement brodés. Pas de photos de toutes ces scènes, tout d’abord parce que la cohue était trop dense, ensuite parce que les locaux n’aiment pas cela. Seulement regarder et se souvenir.

Un matin nous partions à vélo, en compagnie de Josée et Jean Robert (nos deux amis cyclistes rencontrés à Campeche venus nous rejoindre), vers San Juan de Chamula, le village de montagne d’où descendent chaque matin vers la ville tous ces gens vêtus de lourdes pelisses de laine noire. La route serpentait et grimpait entre des petits champs de maïs.

sur la route de San Juan de Chamula
sur la route de San Juan de Chamula

En fait d’un village il s’agit d’une grosse agglomération plutôt prospère de 70 000 habitants. Sur la place centrale se dresse l’église toute blanche au porche décoré de motifs floraux colorés, exactement comme les châles des femmes. Les touristes peuvent entrer dans l’église après s’être acquitté d’un droit  de 25 Pesos. Il y est absolument interdit de filmer et photographier. Et quand on entre, c’est le choc. C’est beau. Pas un banc dans cette nef et le sol est jonché d’aiguilles de pins sur lesquels sont agenouillés ou assis des groupes d’hommes, de femmes avec leurs enfants, devant des centaines de bougies. La lumière en est de ce fait tamisée par la fumée. L’odeur d’encens est forte.  Pas de prêtre – le dernier a été chassé des lieux en 1867. Des murmures et des prières  montent vers Saint Jean Baptiste, le patron du village. Les autres saints représentés portent tous un miroir sur le torse pour chasser le mauvais œil, ainsi que la Vierge lourdement chargée de chapelets de grosses graines. Les fidèles boivent des petits verres d’alcool ou du Coca, additionné parait-il également d’alcool. L’atmosphère est assez envoûtante. On se sent voyeur, pas à sa place. Je pensais que les banderoles, les fleurs et toutes ces bougies avaient été mises pour l’approche de Noël, mais non. Cette église  étant la seule pour cette grosse communauté, c’est tous les jours que des fidèles viennent prier, faire des incantations ou des sacrifices de poules et de coqs. On est finalement content de ressortir à l’air libre – tout en regrettant de ne pas avoir pu emmagasiner toutes ces scènes – sur le marché aux fruits et produits artisanaux, sous le ciel bleu et dans cette lumière limpide, à 2 400 m d’altitude.Nous buvions un café sur une terrasse donnant sur le marché et l’église, tentant de dessiner quelques scènes vues à l’intérieur.

Nous devions en apprendre un peu plus sur la tribu des Chamula qui a ses propres lois, ses propres règles, sa police privée. La police mexicaine ne vient pas mettre son nez dans ce qui s’y passe. Les lois locales sont aussi sévères que les sanctions. Drôle de lieu où l’étranger est accueilli avec gentillesse et sourire mais pas vraiment invité à rester plus que le temps d’une visite.

Nous allons maintenant nous diriger vers le Guatemala, mais sans les vélos que nous laissons à l’hôtel ainsi que la plus grosse partie de nos bagages. Ce sera, pour une fois, un voyage sac au dos.

 

A suivre…

Camionetta ou chicken bus
Camionetta ou chicken bus

Article rédigé d'Antigua (Guatemala) le 11 janvier 2016

 

C’est donc un voyage dans le voyage qui a commencé il y a quinze jours en arrivant au Guatemala. Nous sommes cette fois-ci sac au dos et nous déplaçons par les transports en communs. Et c’est épuisant. Du monde, du bruit, des bus déglingués, des chauffeurs suicidaires… Bref, si on avait cru se reposer en laissant les vélos, c’est raté.

Depuis que nous sommes au Guatemala nous vivons des journées rythmées par les explosions de pétards aussi gros que des bâtons de dynamites. Il y a aussi letap tap discret des nombreuses femmes qui façonnent les tortillas entre leurs paumes à tous les coins de rues et de marché.

 

De Comitan (Mexique) à La Mesia (ville frontière côté Guatemala) la route est belle, dans un paysage de montagnes, descendant de plateaux en plateaux plantés de maïs et d’arbres fruitiers. Notre minibus doubla Josée et Jean Robert qui pédalaient bon train et nous nous demandions bien pourquoi nous n’étions pas avec eux.

 

Douane passée on se retrouve dans un capharnaüm de bus, camions, tuc-tuc, dans l’artère principale de La Mesia encombrée d’un déballage d’articles en tous genres. 

chargement et déchargement des bus en gare routière
chargement et déchargement des bus en gare routière

« Hué ! Hué ! » Nous montions dans un Chicken Bus – sans doute appelé ainsi parce que le mot complet n’existant pas on peut y être entassés comme des poulets dans un poulailler industriel. Ces anciens bus scolaires américains qui vivent une seconde vie au Guatemala sont très beaux, à défaut d’être confortables et silencieux. On se tasse à trois par banquette et c’est parti pour deux heures. Un crucifié accroché au rétroviseur intérieur nous assure la sécurité. Il y a bien sur la radio mais à peu près couverte par le bruit du moteur. A chaque arrêt des gamins montent dans le véhicule pour proposer des boissons, des fruits ou d’autres friandises. La route de La Mesia àHuehuetenango est absolument superbe, dans une gorge, entre des pentes abruptes toutes plantées de café. Dans les villages traversés les sacs de grains blancs non torréfiés s’empilaient. Nous regrettions une fois de plus d’être enfermés dans ce bus et de ne pouvoir profiter pleinement du paysage.

 

Notre hôtel était situé à deux pas du marché et il nous sembla que la petite économie locale était beaucoup plus active qu’au Mexique. La vieille femme à qui nous achetions des avocats nous fit comprendre de faire attention à notre porte-monnaie et de ne pas le ranger dans notre poche. Les vendeuses arboraient toutes un petit tablier tout en dentelles en forme de jupette assez amusant. Sur la grand place en fin d’après-midi les stands de tacos (eh oui, ici aussi !), de poulet et saucisses grillées, de frites et confiseries s’installèrent. Un gigantesque sapin de Noël s’illuminait au rythme de la musique diffusée. Un manège de chevaux de bois était tourné à la main pour quelques enfants. Les sonos étaient omniprésentes. Une ambulance passa avec des enceintes sur le toit en guise de sirène. Les pharmacies sont les plus bruyantes au point que j’ai dû répéter plus fort ma demande de paracétamol pour soigner le gros rhume que j’ai de nouveau attrapé. Un cyclo-pousse se promène toute la journée en ville avec un haut-parleur diffusant de la pub. 

Je me réveillais tellement gênée et fatiguée par mon rhume que nous décidions de ne pas bouger le dimanche. Un petit tour sur le marché, puis dans l’après-midi un chocolat – pas très bon- à une terrasse pour observer le remue-ménage sur la grand place furent toutes nos activités. C’est alors que nous rencontrions nos amis qui arrivaient à vélo, après une étape de huit heures avec un bon dénivelé mais enchantés par le décor. Ils regrettaient cependant la conduite courtoise des Mexicains, les Guatémaltèques n’ayant pas l’habitude de ralentir ni  de faire de cadeaux sur la route.  L’église avait été pleine le matin, elle l’était encore à 17 h. Amplis, table de mixage, écran géant, le curé était bien équipé pour faire son show, mais les sonneurs montent dans le clocher pour frapper les cloches manuellement, au risque de devenir sourds, ce qui n’a pas l’air d’être une préoccupation dans ce pays. Les vendeurs de la journée pliaient leurs étals et rangeaient leurs marchandises dans de grands sacs en plastique et ceux du soir arrivaient avec leurs cantines à roulettes.

 

 

Lundi 28 décembre 2015 – Todos Santos – 2 400 m d’altitude

 

 

Rien que le trajet pour y aller valait la peine. Un premiercollectivo nous amena en ¾ d’heure à Tres Camino (environ 3 000 d’altitude) par une route en lacets dans une côte à faire mourir un cycliste. La vue plongeait de plus en plus vers la plaine de Huéhuétenango et en levant les yeux nous découvrions des volcans impressionnants. Puis l’on débouche sur un plateau aride et semé de roches noires et pourtant toujours habité et découpé de petits champs de maïs et pommes de terre clôturés de haies d’agaves bleus aux gigantesques fleurs jaunes. Impossible de photographier à travers les vitres fumées du minibus, encore moins possible de dessiner bien sûr. Grrrh ! Nous changions de véhicule et ce fut la descente vers Todos Santos. A noter que tout au long de cette route il y a des hameaux et des  villages et les passagers ne  cessèrent de monter et descendre, parfois nous semblait-il au milieu de nulle part. Une adolescente, debout près de moi dans le minibus, était si jolie, si fine que je la regardais. Elle portait cette tunique en gros tissu bleu tout rebrodé de fleurs et motifs géométriques, resserrées par une ceinture colorée, que toutes les femmes du coin, absolument toutes, portent.

Le village de Todos Santos à 2 400 m d'altitude
Le village de Todos Santos à 2 400 m d'altitude

Todos Santos, bourgade de 4 000 habitants encaissée entre des montagnes boisées, n’est pas belle. Les habitations n’y sont que des immeubles de béton à toits plats plutôt récents. Quelques vieilles maisons d’adobes coiffées de grosses tuiles rondes donnent une idée de l’habitat d’autrefois, avant la guerre, avant aussi que les hommes partent comme travailleurs saisonniers aux USA et ne ramènent des dollars. Mais dans la rue tout le monde est en costume traditionnel. Ça fait un peu costume d’opérette et quand on découvre ce petit peuple si joliment vêtu on croit arriver un jour de fête. Mais il s’agit bien de l’habit de tous les jours. Les tissus utilisés pour la confection de ces vêtements sont en vente sur le marché et au cours de notre promenade nous voyions de nombreuses femmes travailler sur des métiers à tisser très rudimentaires, une simple chaîne de fils tendue entre un poteau et leur taille. Tous ces gens nous parurent très tranquilles, avec des gestes très lents. Sur le marché les femmes faisaient leurs courses en prenant largement leur temps pour choisir et bavarder en Mam, leur langue maternelle, avec les marchandes. Beaucoup de rires doux et de sourires étincelants, clinquants même, car les dentitions sont plaquées d’argent ou cerclées d’or. Le jour de la grande fête de Todos Santos, le 1er Novembre, toute la contrée s’y retrouve pour une grande parade de chevaux. C’est le seul jour de l’année où l’ébriété sur la voie publique est tolérée et tout le monde s’en donne à cœur joie. Ceci dit l’alcoolisme reste un vrai problème au Guatemala. Dans l’après-midi il y eut un enterrement et nous suivions le convoi de toute cette foule rouge et bleue jusqu’au cimetière. Les hommes allaient à pied et la plupart des femmes dans des pickups et un camion. Personne ne parlait mais des lamentations de pleureuses s’élevaient. Le cimetière, dans lequel nous ne pénétrions pas par respect pour la peine de ces gens, est un fouillis de cases en béton colorées, parfois à étages, très serrées les unes contre les autres

Le retour vers Huéhuétenango se fit à 20 km/h. Un couple de Suisses Allemands demanda au chauffeur s’il ne pouvait pas aller plus vite. Quelle idée ! Nous étions ravis de pouvoir contempler le paysage, voir les fleurs, les femmes tisser devant leurs maisons, les gens dans les champs. La réponse du chauffeur fut la suivante : « j’ai besoin de trouver plus de passagers ». Et le fait est que son minibus était à moitié vide. Au début il roulait presque au pas et quand il voyait des gens sur le bord de la route, il s’arrêtait carrément et leur annonçait : « Terminal Huéhué ! ». Alors, les gens, qui n’avaient pas fait un geste pour l’arrêter, semblaient se concerter et se détachait parfois l’un d’entre eux qui avait dû se dire : « Huéhué ? Pourquoi pas ? » et montait dans le véhicule. Tout se passait comme par hasard, sans préméditation ni programme, très lentement et sans paroles.

 

San Francisco el Alto (2 600 m d’alt.)

Deux heures de route dans un bus bondé – trois personnes par banquette faite pour deux plus les mômes sur les genoux- coincée pour ma part entre un mec qui ne veut pas se pousser, la radio dans une oreille et les hurlements d’un nourrisson dans l’autre. Entr’aperçu un paysage superbe tandis que la route montait, montait toujours.

 

San Francisco est  situé  15 km avant Quezaltenango, dit Xela par les locaux. Nous étions venus à San Francisco, capitale du vêtement, pour son marché aux fringues. Nous ne serons pas déçus. Les étals de dentelles, blouses brodées, étoffes chamarrées, mais aussi de jeans, gilets, pulls, godasses, débordent dans les ruelles. Des couleurs, un capharnaüm, la foule… On marche dans les ordures, tout est jeté par terre. Des enfants aident aux étalages, vendent des confiseries. Des gamines sont déjà entourées de bambins et en portent un dans le dos. Des petits frères ? Pas sûr. Nous verrons de toutes jeunes mamans donner le sein. Les détritus pénétraient jusque dans la grande église blanche, havre de paix. Derrière l’autel des femmes touchaient le tabernacle et pleuraient, se lamentaient. Religion de la douleur…
Dans l’après-midi les rues se vidèrent peu à peu et seules restèrent ouvertes les boutiques de tissus, bobines de fils de couleurs et machines à coudre. Quelques hommes pas frais titubaient sur la chaussée. Nous rentrions dans notre chambre d’où nous avions la vue, à travers un écheveau de câbles électriques, sur le volcan Santa Maria qui culmine à 3 772 m d’alt.

Vu de notre chambre, le volcan Santa Maria
Vu de notre chambre, le volcan Santa Maria

Momostenango est atteint par une route toute en lacets de 10 km. Bus bondé et conduite musclée comme à l’ordinaire. Nous y avions été attirés par l’article du Lonely Planet qui annonce dans ce village la production et la vente de belles couvertures et ponchos. Pas vu un seul. Le centre-ville n’était qu’un vaste marché de tout et de rien, surchargé, serré dans lequel se bousculait la foule. Jamais vu autant de marchands de pétards. Dans le marché couvert nous buvions un riz au lait – ou plutôt un lait au riz- parfumé à la cannelle.

En haut d’une rue très en pente est un sanctuaire maya où des rituels sont encore pratiqués. Ce n’est qu’une colline de cendres noires avec trois ou quatre emplacements pour les feux. Quelques personnes surveillaient leur foyer et parlaient à leurs dieux. L’endroit nous parut triste et glauque. Pendant ce temps les fidèles catholiques faisaient la queue dans l’église pour aller toucher le tabernacle.

Le matin du nouvel an les rues de San Francisco étaient immondes et vides. La gare routière étant déserte nous nous dirigions à pied vers la route principale à 2 km seulement. C’est là qu’un chien m’attrapa le mollet par derrière, ne me mordant heureusement que superficiellement. J’en fus quitte pour une belle peur. Pas sympa de commencer l’année ainsi. Les 15 km decamionetta pour atteindre Quetzaltenango, Xela pour les locaux, me parurent bien longs, avec la radio hurlante, un receveur fatigué et trois ivrognes à côtés de nous. Là encore, la gare routière était jonchée d’ordures. Un taxi nous amena par des rues toujours désertes jusqu’à un hôtel repéré dans notre guide. A Xela, pas grand-chose d’autre à faire ce jour férié que de manger une part de pizza sur la grand place et faire le tour de ladite place sur laquelle des petites familles buvaient un verre de riz au lait ou au chocolat. Nous étions affligés par toute cette viande saoule sur les bancs et les trottoirs. La ville nous parut triste. Envie de silence, de vues panoramiques, de promenades. Des randonnées accompagnées étaient possibles vers les volcans tout proches mais je ne me sentais pas assez en forme pour marcher. A 18 h la nuit tomba à grands coups de pétards et branlebas des cloches de l’église. El Nino, le petit Jésus, tout vêtu d’or et entouré d’anges, fut sorti de l’église sur un grand char porté par une bonne vingtaine de femmes avançant à petits pas chaloupés. Toute une procession suivait. La fanfare clôturait le tout, au son d’une musique lente et lourde. Aucun débordement de joie, même parmi la foule qui se pressait pour voir passer l’enfant Jésus, en lançant parfois des fusées sur son passage. De tous les coins de rues et du centre de la place partaient des pétards. Le temps que le défilé fasse le tour nous allions nous réchauffer d’une soupe de légumes dans un petit restaurant. El Nino réintégra sa place dans l’église qui se remplit encore une fois pour une messe. Lors de notre première visite vers midi, elle était déjà pleine de fidèles attentifs.

 

Samedi 2- jeudi 7 janvier 2016 – Panajachel (1 600 m d’alt.)

Je ne me sentais décidément pas très bien –douleurs dans le dos, légère fièvre, mal de tête.

 

Le trajet jusqu’à Panajachel faillit bien m’achever. Uncollectivo pour rejoindre la gare routière, toujours aussi sale, 1h30 de minibus avec conduite toujours aussi musclée, un bus camionetta  bondé comme d’habitude jusqu’à Solola avec une radio intempestive, puis un autre enfin pour débarquer à Pana, en pleine foire touristique. Un immense bazar de fringues, articles de souvenirs, stands de fritures dans lequel on piétine les uns derrière les autres pour arriver jusqu’au lac. La vue y est superbe sur les volcans, mais que l’on aimerait un peu de paix. Heureusement notre hôtel était un peu à l’écart. Je n’avais qu’une envie : prendre un paracétamol et dormir. Trois jours plus tard, quand je pus ressortir de mon lit, la rue principale et les rives étaient beaucoup plus tranquilles et un peu plus propres, les vacanciers de fêtes de fin d’année étant partis. Et nous pouvions enfin profiter du spectacle de ce grand cratère rempli d’eau (130 km2) limité par trois volcans dépassant les 3 000 mètres. Des petites embarcations reliaient les villages du pourtour.

Le lac Atitlan et le volcan San Pedro
Le lac Atitlan et le volcan San Pedro

Nous déjeunions par deux fois sur le marché de la vieille ville d’un bol de bouillon et d’une assiette garnie de quelques légumes cuits à l’eau. C’était simple, copieux et pas cher.

Je voulais en savoir un peu plus sur le travail des enfants, car ils sont nombreux à vendre des bonbons, de l’artisanat, à laver les voitures ou à trimballer leur attirail de cireur de chaussures. Voici quelques informations glanées auprès de notre Allemand collectionneur et des articles sur Internet.

-        Il y a seulement 15 ans existaient des supermarchés d’enfants. On pouvait s’en procurer un pour environ 20 000 $. C’est désormais interdit, ce qui veut peut-être dire que c’est caché.  Une prostituée peut vendre son bébé avant la naissance. Finalement faire des bébés est peut-être plus rentable que de se faire des mecs. Mais les deux c’est encore mieux bien sûr.

-        Plus de 20 % des enfants guatémaltèques sont contraints de travailler pour contribuer aux ressources de leur famille. Cette situation est l’une des pires de l’Amérique latine.

-        Le travail des enfants dans les entreprises est officiellement interdit par la loi, mais toléré (!?).   

Ainsi des propriétaires de canne à sucre emploient-ils des enfants pour la coupe de la canne, labeur oh combien pénible comme nous avions pu le constater en filmant la récolte en Martinique voici quelques années. Des enfants seraient également employer dans des usines, en tant que domestiques et  dans le tri des déchets.

-        Nombreux sont ceux qui aident aux revenus de la famille en faisant des petits boulots, et ce parfois dès l’âge de 5 ans. Super ! Continuons donc à faire des mômes, ça fait de la main d’œuvre pas chère.

Pour les filles, le mieux est de les marier très jeunes.

-        Quant à la scolarité, dans les populations les plus pauvres, quand elle existe,  elle s’arrête dès l’âge de 13 ans et la plupart n’ont passé que 4 années sporadiques à l’école. La scolarité des jeunes guatémaltèques s'améliore (de 80% sans éducation en 1989 à 56.8% de nos jours). L'analphabétisme total est encore de 18% et touche surtout une population jeune, rurale et indigène.

 

-        Et puis il y a les enfants favorisés qui vont à l’école le matin et qui jouent dans la ruelle où nous habitons ces jours-ci, en criant et hurlant tellement que, si c’était les nôtres, on vendrait bien le lot pour 10 €.

 

Jeudi 7, vendredi 8 janvier 2016 – San Pedro la Laguna (1 500 m d’alt.)

Me sentant vraiment mieux je me mis le sac sur le dos et nous descendions jusqu’à l’embarcadère afin d’y prendre une navette pour San Pedro. Dans la rue principale un chien fonça sur moi crocs sortis mais j’hurlais si bien qu’il bifurqua alors qu’il frôlait déjà mon pantalon. Du coup j’ai une trouille terrible maintenant dès que j’en vois un, non sans raison  puisqu’il nous a fallu renoncer dans l’après-midi à poursuivre notre promenade quand ils furent trois à nous barrer le chemin.

Bref, au bout de vingt minutes de navigation sur un lac très calme nous accostions dans ce gros bourg qui nous apparut tout d’abord comme un repaire de jeunes percés, tatoués, dreadlockés. De nombreuses enseignes étaient rédigées en hébreux. Nous prenions notre temps pour choisir notre hôtel et fîmes bien. Dans un petit établissement peint en ocre et blanc, nous occupions une chambre spacieuse donnant sur un balcon avec table, chaises et hamac et  surtout une très belle vue sur le lac. De notre coin nous pouvions voir aussi au pied d’un escarpement rocheux les femmes laver le linge et se savonner elles-mêmes et les enfants plonger du haut d’un arbre mort. Derrière nous la masse imposante du volcan San Pedro. Le niveau de l’eau ne cesse de monter depuis quelques années et le jardin de notre hôtel était arrosé à chaque vague. Des coups de vent amenaient des chapes de brume qui masquaient les sommets et déclenchaient d’ailleurs de véritables petites tempêtes. Nous verrons un peu partout des portiques immergés, des seuils au ras de l’eau, des chemins ne menant plus nulle part. De l’autre côté de la ville, c’est carrément tout un quartier qui disparait peu à peu sous l’eau. Ces variations de niveau des eaux seraient cycliques d’après les autochtones.

En montant vers le centre bourg on atteint le quartier animé du marché, le square avec l’église catholique et un immense St Pierre. Il y a là quelques bancs et des parterres de fleurs qui permettent de se mettre un peu à l’écart de la ronde infernale des tuc-tuc qui dévalent les ruelles pentues en pétaradant. A tous les coins de rues, sur presque chaque façade, sur les pare-brises des véhicules, partout Jésus est à l’honneur. « Jésus t’aime », « Jésus est ton seul sauveur », « Jésus aime et protège cette maison », « Crois en Jésus et tu seras sauvé »… C’est une véritable intox. Dans le minibus qui nous emmenait à Antigua, il était écrit « Jésus est le pilote » !

  1. Nous voici maintenant à Antigua, ancienne capitale des Espagnols classée par l'Unesco. Les tremblements l'ont maintes fois durement menée et l'on peut en voir les traces dans les ruines qui la ponctuent.

Maintenant vous dire que nous apprécions notre balade au Guatemala ... Certes non. Depuis que nous sommes dans ce pays nous sommes malades et fatigués, traînons notre fatigue et nos rhumes sans pouvoir nous enthousiasmer pour quoique ce soit. Nos vélos nous manquent, l'exercice physique aussi peut-être. Nous ne savons pas bien analyser la chose, mais il va falloir se secouer.

Mon vélo, mon vélo, vite mon vélo !
Mon vélo, mon vélo, vite mon vélo !

Article rédigé de Mitla, le 27 janvier 2016

 

Le 11 janvier nous décidions donc d’abréger notre voyage au Guatemala. Tant pis 

pour Tikal. C’était trop loin et nous n’avions pas le courage de faire autant de route par les transports en communs guatemaltèques. Il nous fallait retrouver nos vélos en espérant que l’activité physique nous redonne la forme.

Par flemme nous prenions un shuttle – ou minibus affrété par une agence de voyage – pour le premier tronçon de 150 km. Et nous avons été bien étonnés de voir tous les sièges occupés par des jeunes d’une vingtaine d’années, qui se donnent des airs de baba cool et sans le sou. On se chochotte à cet âge là . Or ce moyen de transport coûte 3 fois plus cher que les bus locaux dans lesquels d’ailleurs nous n’avons jamais vu un touriste.

Trois heures de bus pour arriver à Huéhuétenango, avec vidéo et fou au volant. Puis à nouveau trois heures pour atteindre La Mesia, sans vidéo mais le bruit du moteur serait passé par-dessus le son de toute façon. « Jésus est la seule solution » était-il écrit à plusieurs reprises dans le bus. Vu l’état du véhicule il serait urgent de faire appel à lui.

 

Arrivés à San Cristobal nous retrouvions notre jolie chambre occupée trois semaines plus tôt et ne faisions pas grand-chose d’autre pendant 4 jours que la sieste et dormir – ce qui, me direz-vous, est quasiment la même chose.

Là séjournait aussi Giovanni, Italien à la retraite qui regardait nos vélos avec envie. Pour cause de santé, il avait dû renoncer au cyclisme pour quelques mois. Et il s’ennuyait ferme. Nous prenions rendez-vous à Bangkok pour l’hiverprochain.

Départ de San Cristobal, accompagnés de Giovani
Départ de San Cristobal, accompagnés de Giovani

Lundi 18 janvier le voyage recommençait. Nous enfourchions les vélos à 8 h du matin en plein brouillard. Le gilet et la veste n’étaient pas de trop. Giovanni avait emprunté un vélo à l’hôtelier pour nous accompagner jusqu’à la sortie de la ville, jusqu’à l’embranchement où nous choisissions de suivre la route payante, et non la « libre » qui allait serpenter dans la montagne. 8 km de côte douce pour nous apercevoir que nous n’avions aucun souffle, puis 40 km de descente, sans un coup de pédale pour passer de 2 300 m d’altitude à 500 m. Malgré sa facilité cette étape nous avait crevés et je m’endormais comme une souche à l’heure de la sieste. La forme ne reviendrait pas si vite.

Tuxtla Giuterrez est une ville très animée, avec beaucoup de circulation et beaucoup de monde dans les rues du centre-ville. Contrairement à ce qui était écrit dans le Lonely Planet, nous n’y trouvions pas d’office du tourisme, mais un petit restaurant chinois, ce qui pour nous est de la plus grande importance.

Nous passions une grande partie de la journée du mardi au zoo situé sur une colline boisée de grands arbres. Les perroquets de toutes les couleurs, des crocodiles monstrueux, le tigre et la panthère noire, tous habitants du Chiapas, m’impressionnèrent tout particulièrement. Les nombreux spécimens de serpents présents dans la région m’ôtèrent définitivement l’envie de faire pipi dans la nature.

 

Le mercredi, jour anniversaire de Dany, nous montions vers les miradors qui permettent d’avoir une vue plongeante sur les gorges de la Sumidero, quelques 800 m plus bas. Belle balade de 40 km dont 20 en côte, dans une nature vierge et le plus grand silence. Des panneaux éducatifs informaient de la présence de nombreux animaux dans ce parc protégé, parmi lesquels « des félins communs tels que le tigre ». Nous ne vîmes que quelques oiseaux, à mon grand soulagement. 

Les gorges de la Sumidero
Les gorges de la Sumidero
Pas de tigre, rien qu'un piaf
Pas de tigre, rien qu'un piaf

Jeudi 22 janvier – Ocozocoautla

Premier hôtel : complet. On nous en indiqua un autre : 3 étoiles. Un gars qui n’avait sans doute pas grand-chose à faire nous fit signe de suivre son beau scooter orange et nous amena jusqu’à cette Posada Sabinos que nous n’aurions certes pas trouvée tout seuls. Un peu à l’écart du centre, avec un jardin envahi de grands arbres. La chambre était sobrement meublée, mais c’était la seule disponible. Nous nous apercevrons ensuite que la salle d’eau s’inondait chaque fois que nous tirions la chasse d’eau. Le jardin allait être parfait pour passer l’après-midi. C’était sans savoir que toutes les autres chambres étaient louées à un groupe d’adolescents qui avaient quartier libre à partir de 14 h.

Vers 19 h, juste après la messe, débuta un spectacle de danses folkloriques sur la place centrale. Nous assistions à quelques virevoltes de filles en robes à larges jupons très colorés, puis un jeune notable prit le micro et ce fut long. Très long. Nous ne comprenions pas son discours bien évidemment mais les mots « amitié, confiance, problème, amies et amis… » revenaient tant et tant que cela avait tout l’air d’un prêche. Bref, en voilà encore un à qui il ne faut surtout pas prêter le micro. Il ne le rendra plus. Lassés nous reprenions le chemin de l’hôtel sans attendre la suite des festivités. Dîner d’une soupe de nouilles instantanée au son des grillons avant que nos jeunes voisins ne revienne faire le bazar jusqu’à plus de minuit.

 

Vendredi 22 janvier – Cintalapa

 

Partis à 7 h du matin par une petite bruine, toujours par la route payante (sauf pour nous) qui n’est pas une autoroute mais qui possède une belle bande roulable sur le côté.

Arrivée avant midi et nous prenions la première chambre dans le premier hôtel, pas donnée mais assez grande pour y rentrer les vélos et, espérions-nous, qui devait être au calme. Nous y trouvions notre Comida China (ou restau chinois) du jour et ma foi c’est tout ce qui nous parut intéressant à voir ici.

 

Il se mit à faire froid et à bruiner à nouveau si bien que, réfugiés dans notre chambre sans fenêtre, j’eus vraiment l’impression de vivre à mi-temps. 

Vendredi 23 janvier – San Pedro Tapanatepec (dit Tapanatepec tout court) – 76 km

 

Malgré nos vélochées en Australie, en Argentine, dans le Sud Chilien, et même il y a fort longtemps en Irlande du côté des falaises de Moher…. jusqu’à ce jour je ne savais pas ce que c’était, le Vent.

En milieu de matinée, sur une Panaméricaine étroite et très fréquentée, dans un paysage plutôt morne, nous croisions un jeune couple de Français à vélo qui descendaient du Canada jusqu’à Ushuaia. Adresses et renseignements échangés sur le bas-côté de la chaussée puis nous reprenions nos routes respectives.

 

Après l’embranchement pour Ariaga, sur la côte Pacifique, la circulation devint moins dense. Nous roulions quasiment tout seuls et le décor devint beau. Cela faisait du bien ces montagnes mauves au loin, des collines aux longues herbes jaunes décoiffées par le vent plus près, et enfin les pins et leur bonne odeur. 

A midi nous étions en haut du col, à 850 m d’altitude, affamés. Dans une gargote (deux tables devant une case en tôle) une femme nous prépara une assiette de poulet rôti avec du riz et du fromage. Il ne restait plus que 20 km de descente pour atteindre Tapanatepec au niveau de la mer. Peut-être continuerions-nous encore 20 km plus loin pour raccourcir l’étape suivante... La femme nous fit comprendre par gestes qu’il allait falloir cramponner le guidon et mettre une veste.

Déjeuner en haut du col
Déjeuner en haut du col
Un camion bousculé par le vent ? C'est une blague !
Un camion bousculé par le vent ? C'est une blague !

Incroyable ! Dès le début de la descente, dès le premier virage, des rafales de vent nous firent mettre pied à terre. Nous étions censés l’avoir dans le dos mais il nous prenait dans tous les sens. Descendus de vélos, cramponnés au guidon, freins serrés, nous nous arcboutions pour garder l’équilibre et ne pas nous laisser emporter. Un marcheur sac au dos n’aurait pas eu d’autre solution que de se mettre à quatre pattes pour ne pas tomber. Dès que la rafale mollissait quelque peu nous avancions à petit pas crispés jusqu’à la prochaine courbe où une autre rafale nous obligeait à une nouvelle lutte immobile. Alors que j’étais ainsi, à côté de mon vélo et pesant de tout mon poids sur le guidon,  mains douloureuses à force de serrer les freins, Il (le Vent) réussit à soulever la roue avant et à m’arracher le vélo des mains. J’en restais baba. Inutile de demander une photo, n’ayant plus l’âme de  reporters, nous ratons tous les scoops. Il fallut se mettre à deux pour ramasser le paquet. Cela dura sur 5 km puis nous avons pu nous remettre en selle, en allant doucement, doucement et mettant pied à terre dans certains courants d’air. Résultat : trois heures pour parcourir 20 km de descente, vent soi-disant dans le dos ! Inutile de préciser qu’en arrivant à Tapanatepec il n’était plus question de prolonger l’étape. Il était 16 h, nous étions fourbus et le premier hôtel fut le bon. Une soupe instantanée, tomate et avocats pour dîner et au lit.

Tapanatepec est un gros village agricole aux maisons basses dans une grande plaine vouée à la production de mangues. Les gros arbres aux feuilles longues et luisantes étaient couverts de fleurs qui me font toujours penser aux châtaigniers à l’époque de la floraison.

 

Dimanche 24 janvier  – San Domingo Zanatepec (dit Zanatepec tout court)

 Nous arrivons dans le pays des Mixtèques – et boule de gomme. (Les Mixtèques (prononcer « Michtèques », en espagnol Mixtecos) constituent un peuple indigène de Mésoamérique dont les descendants habitent toujours les États de Oaxaca, de Guerrero et de Puebla. Cette aire culturelle, dont l'unité est linguistique, est connue sous le nom de La Mixteca.L'ethnonyme « mixtèque » (mixteco en espagnol) provient du mot nahuatl Mixtecapan signifiant « territoire du peuple des nuages »Les Mixtèques se désignent eux-mêmes sous le nom de ñuu savi, ñuu djau, ñuu davi, naa savi, etc., suivant la variante locale de leur langue, le sa'an davi, da'an davi ou le tu'un savi ; dans son histoire des Mixtèques, Kevin Terraciano utilise le terme Ñudzahui, qu'il traduit par « peuple du pays de la pluie ». Wikypedia)

J’espère que vous avez tout compris et tout retenu. Interro à la rentrée.

Un couple de Mixtèques
Un couple de Mixtèques

Dans cette plaine sèche au niveau de la mer il faisait chaud. La température devait atteindre les 30° et plus, sous un ciel couvert. Nous avions tous les deux des courbatures dans les avant-bras. Nous pédalions tout flapis et sans entrain. 25 km seraient suffisants. Sur le bord de cette route à camions nous trouvions un hôtel tenu par un pauvre vieux qui n’avait pas de monnaie, pas d’eau chaude, pas de fenêtre ouvrante, une climatisation bruyante comme un ferry-boat. Une cliente plus casse-bonbons que moi, ça n’existe pas puisque, après avoir réclamé l’eau chaude (impossible  le système est cassé), une serviette de toilette, la Wifi gratuite (normalement payante mais pour compenser le manque d’eau chaude…), je revins demander (encore elle !) du papier toilette. Or, il y avait rupture de stock à la réception. Il suffisait d’aller en prendre dans une autre chambre, ce qui fut fait. Enfin, laissant notre pauvre gars en paix nous trouvions un jardin, une table et deux chaises à l’ombre derrière le bâtiment pour passer l’après-midi.

 

Déjeuné au restaurant d’à côté d’une assiette de poulet rôti et de riz pour le double prix de la veille. Au dîner : une soupe instantanée, pas de tomate ni de fruits introuvables dans ce patelin.

Paysage dans la région de Juchitan
Paysage dans la région de Juchitan

Lundi 25 janvier – Juchitan

Nous partions de bonne heure. L’étape s’annonçait longue et nous avions peur que le vent se lève après midi.

Nous rencontrions d’abord un cyclo Suisse qui venait d’Alaska, puis vingt minutes plus tard un tout jeune Français qui avait longé la côte Est des Etats Unis. En fait nous avions pris la Panaméricaine du Sud vers le Nord, contrairement à la majorité des voyageurs, et nous allions tous les croiser. Avez-vous remarqué que nous allons toujours dans le sens contraire de la majorité ?

Gigantesque parc d'éoliennes
Gigantesque parc d'éoliennes

Nous roulions bon train sur une route en bon état et assez large, dans une véritable plantation de plus d’un millier  d’éoliennes. Au niveau de La Venta nous bifurquions vers l’Ouest pour arriver à Juchitan par une petite route à travers des prairies à vaches et chevaux. Dans le centre de La Venta nous faisions une pause casse-croûte. Un marchand de CD avait installé son stand et ses enceintes juste en face de l’école primaire. Le son était à son maximum, comme d’habitude, et je me demandais comment les élèves pouvaient entendre leur maitre et apprendre quelque chose…

Union Hidalgo, gros bourg agricole aux rues complètement défoncées se trouvait sur notre route. Il était midi passé et il restait 20 km à parcourir en plein soleil. Une nouvelle halte s’imposait. Deux espèces de tortillas infâmes et grasses garnies de miettes de poulet et de fromage et un coka allaient nous permettre de tenir le coup.

 

Et puis ce fut la « Great Garbage Road » ! Le bord de la route fut jonché d’ordures sur vingt kilomètres, ce qui n’empêchait pas de nombreux oiseaux habillés de couleurs éclatantes de se répondre et parfois de traverser juste entre les deux vélos. Un camion chargé d’ordures nous croisa en perdant à tous vents  ses canettes et sacs en plastique. Pas eu l’idée de bâcher. Peu avant la ville nous passions enfin devant la grande décharge dans laquelle s’affairaient quelques pauvres canassons attelés à des petits tombereaux, et quelques hommes aussi bien sûr. Sur la route d’autres hommes menaient d’autres attelages chargés de déchets dans la même direction. Il y en eut un qui avait pris la place du cheval, sans doute par économie. Un quartier de cabanes en briques, chacune un appentis en paille à côté – sans doute pour le cheval –devançait la ville. Le cimetière jouxtait, composé de cases en béton colorées, et je trouvais que finalement les morts n’étaient pas mal logés.

La grande décharge de Juchitan sur fond d'éoliennes. Technologie de pointe et archaïsme se côtoient
La grande décharge de Juchitan sur fond d'éoliennes. Technologie de pointe et archaïsme se côtoient

Mardi 26 janvier  – Mitla – 35 km + 200 en bus

 

 A Tehuantepec, atteint vers 10 h, nous prenions un bus pour Mitla. Nous étions au niveau de la mer et Mitla, 200 km plus loin , à 1700 m d’altitude. D’après la carte les étapes entre les hébergements possibles seraient de 95 km,  trop longues pour nous avec les pourcentages annoncés. De nos fauteuils de bus VIP la route, vue avec des yeux de cyclistes, nous parut difficile, longue et monotone. Les montagnes dans ce paysage aride, sont couvertes d’arbustes gris, sans une feuille à cette saison. Seule couleur : les candélabres géants qui hérissent les pentes.

Une palissade de cactées
Une palissade de cactées

Le bus nous déposa à 4 km de Mitla, sur le bas côté de la route jonché de détritus là aussi. Nous rechargions les vélos, remettions pédales et rétroviseurs en place et finissions le parcours en selle, comme des faux jetons.
A Mitla, nous a trouvions un hôtel  à la sortie du bourg, bien calme et tout à fait correct pour le prix.

De retour sur la place centrale dans la soirée nous dînions dans un petit restaurant.  Le dîner  cher et trop frugal (un petit bout de poulet et trois frites) et nous rentrions dans notre chambre pour nous caler l’estomac avec du pain, du fromage et des bananes.

A noter que nous avons enfin goûté le mole negro – sauce au chocolat nappant un bout de poulet bien entendu – sas aucun intérêt, comme tout ce que nous avons mangé jusqu’à présent dans ce pays. Cependant nous faisons une cure d’avocats et commençons depuis quelques jours avec les mangues.

Les Mexicains attendent avec fièvre la visite du Pape prévue du 12 au 17 février prochain.



frises géométriques zapotèques de Mitla
frises géométriques zapotèques de Mitla

article rédigé le 4 février de Nochixtlan

 

La dernière fois vous avez eu un cours sur les Mixteques, aujourd’hui, cours sur les Zapotèques !

 

La civilisation zapotèque était une civilisation amérindienne précolombienne qui s'est épanouie dans la vallée de Oaxaca au sud de la Mésoamérique et qui a développé une société de structure matriarcale. Des preuves archéologiques montrent que cette culture remonte au moins à 2500 ans. Elle a laissé des vestiges archéologiques dans la ville antique de Monte Albán sous forme de bâtiments, de jeux de balle, de tombeaux magnifiques et d’œuvres d’art, notamment des bijoux en or finement travaillés. Monte Albán a été l'une des premières grandes villes d’Amérique centrale et le centre d'un État zapotèque qui a dominé une grande partie de ce qui est devenu l'état actuel de Oaxaca.

Les Zapotèques forment toujours actuellement une ethnie mexicaine. Plus de quatre cent mille personnes parlent encore cette langue. L'ancien président mexicain Benito Juárez, qui a lutté contre les Français et contre l'empereur Maximilien était un Zapotèque. La position particulièrement avantageuse des femmes dans la culture matriarcale zapotèque fait que ces dernières sont aujourd'hui encore réputées pour leur tolérance vis-à-vis de certaines formes d'homosexualité masculine. En effet, les hommes ayant un «cœur de femme» (désignés sous le terme de muxhe) sont socialement acceptés comme un genre supplémentaire. Wikipedia)

 

Le village de Mitla où nous vous avions laissés la dernière fois nous sembla agréable et les boutiques d’artisanat exposent des tissages et des vêtements assez jolis. De la terrasse de l’hôtel nous parvenaient les claquements des métiers à tisser. Cet hôtel était tellement calme d’ailleurs que nous apprécions d’y passer trois nuits.

Les ruines Zapotèques qui entourent l’église catholique du village permettent d’admirer, sur un grand bâtiment rectangulaire, des panneaux de frises géométriques. 

Tlacolula est une petite ville pas déplaisante avec une rue principale animée qui mène à plusieurs places ombragées et agrémentées de bancs. L’église pour une fois fut un peu moins pauvre que d’habitude, même si les statues de martyrs y sont des plus réalistes et sanglantes. 

plafond de l'église de Tlacolula
plafond de l'église de Tlacolula

Vendredi 29 janvier – mardi 2 février 2016 – Oaxaca (1500 m d’alt.) –

 

 Il ne faisait pas chaud du tout le matin au départ de Mitla. Un petit 8° et ciel couvert. Trois jours plus tard il fera jusqu’à 30 ° avec des minimales nocturnes de 13°.

paysage gris et desséché
paysage gris et desséché

Nous roulions dans cette vallée pelée et sèche le long d’une route bruyante. Un petit détour par Tlacochahuaya pour visiter l’église San Jeronimo  du XVème siècle. L’intérieur est entièrement décoré de motifs floraux et les sculptures ne sont pas inintéressantes. 

Un peu plus loin, dix kilomètres avant Oaxaca, nous attendait le plus gros arbre du monde ( !) 47 m de haut, 14 m de diamètre. Ce monument âgé de 2000 ans est vraiment impressionnant. Dans quel environnement est-elle sortie de terre la petite pousse de « taxodium micronatum » ou plus vulgairement Cyprès du Mexique ? Et il est loin d’être moribond. Son feuillage est d’un beau vert brillant. Il faut qu’il dure encore d’ailleurs car tout voyageur passant par Oaxaca se doit de venir le saluer et la municipalité demande 10P pour en faire le tour. Est-ce de là que vient la richesse de la commune ? En tous cas, c’est bien coquet ici, avec des jardins de roses et de bougainvillées et des bancs pour les promeneurs. Il y a même une piste cyclable reliant Thulé à Oaxaca sur 10 km. Une vraie piste cyclable ! Spécialement créée pour les vélos ! 

L'arbre de Tulé (haut)
L'arbre de Tulé (haut)
l'arbre de Tulé, de bas en haut (manque le milieu)
l'arbre de Tulé, de bas en haut (manque le milieu)

Ce seigneur végétal entre dans notre collection d’arbres vénérables avec, entre autres, les eucalyptus de 100 m de haut en Tasmanie et la banian de Phimaï (Thailande) qui couvre un hectare.

Le centre historique d’Oaxaca est classé par l’Unesco. Notre hôtel s’appelait « le Chapulin » - la sauterelle en Espagnol. Or, la sauterelle grillée est, avec le chocolat et le Mezcal (alcool tiré de l’agave) l’une des spécialités d’Oaxaca. L’odeur du chocolat se répand sur tout le centre-ville et les Mexicains en boivent en marchant ou sur un banc du Zocalo mais aussi de grandes tasses à table en mangeant leur steak ou leur pollo

Daniel a volontiers goûté au chocolat mais n’a jamais rien voulu savoir pour les sauterelles, même pour la photo.

Nous marchions deux jours pleins dans la ville, à la découverte des nombreux musées et galeries d’art et des innombrables églises dont certaines lourdement décorées. Enfin les dorures du baroque espagnol ! Les bâtiments de cette ancienne ville coloniale sont construits dans une belle pierre verte, les façades des églises abondamment sculptées. La ville d’Oaxaca nous parut riche, avec une vie culturelle bien portante. Le zocalo est noir de monde à longueur de journée, bien que pour une foule aussi colorée l’expression soit mal venue. Mais le nombre de petits vendeurs ambulants témoigne d’une pauvreté d’une partie de la population qui survit au jour le jour.

Nous montions à vélo jusqu’à Monte Alban et j’aurais dû me douter que cela grimperait, d’autant plus en suivant le raccourci proposé par le GPS. 

Monte Alban par un raccourci
Monte Alban par un raccourci

Monte Alban, pas d’émotion. C’est seulement immense, énorme. Cette cité connut son apogée vers 600 après JC comptant jusqu’à 20 000 habitants. Il n’en reste, sur cette colline située 500 m au-dessus de la vallée, que les bases de bâtiments rituels qui devaient être colossaux et se voir de loin. Le matin nous y étions peu nombreux. Calme et chants des oiseaux. Tout autour les montagnes à plus de 3000 m d’altitude.

Monte Alban
Monte Alban

Nous allions à Culuipam voir les ruines d’un monastère très important jusqu’au 18ème siècle. Le bâtiment est certes imposant quand on arrive face à lui par la route mais la visite pas très intéressante.

le porche d'entrée du couvent de Culuipan
le porche d'entrée du couvent de Culuipan

Pourtant nous assistions là à un rite chrétien jamais vu jusqu’à maintenant. Trois vieilles femmes étaient assises sur les marches de l’église, des poupées sur les genoux. La porte s’ouvrit vers 11 h et ce fut alors un grand nombre de femmes de tous âges, de couples âgés, tous portant une ou deux de ces poupées présentes dans chaque foyer, vêtues de robes en dentelles, de capes de velours, toutes plus « en fanfreluchées » les unes que les autres. Certaines femmes les tenaient comme leur bébé et j’en vis même les embrasser. La sono répandit bientôt des chansons religieuses à gogo sur tout le village. L’église serait comble cette fois encore. C’était le 2 février, jour de présentation de l’enfant Jésus au temple. Nous, on croyait que c’était juste un jour pour manger des crêpes. 

Nous sommes maintenant en route vers Puebla. Plusieurs jours de sévères grimpettes en prévision.

« Nous sommes gros de tous les paysages jamais vus. »

 

Jacques Lacarrière

No transites con bicicleta
No transites con bicicleta

Article rédigé le 16 février de Puebla

 

Nous quittions Oaxaca le 3 février, direction Puebla 400 km plus au Nord. Nous y allions piano, piano, faisant de toutes petites étapes de 40 – 50 km, prenant notre temps pour admirer le paysage, visiter quelques églises ou couvents, grimper les nombreuses côtes aussi. Les températures furent relativement fraiches tout du long du parcours, mais ainsi nous n’avons jamais eu trop chaud dans les côtes. Nous nous arrêtions dans de petites villes à la mi-journée, profitant d’une chambre d’hôtel confortable pour faire une bonne sieste et ensuite aller faire un tour  et découvrir bien souvent qu’il n’y avait pas grand-chose à voir, mais le spectacle avait été le long de la route.

 

Ci-dessous quelques petites anecdotes et remarques tout le long du parcours.

 Telixtlahuaca

A 13 h nous partions à travers ce gros village agricole à la recherche d’un restaurant ou d’une gargote. A 13h30 nous trouvions un petit restau : une table et la cuisinière dans un réduit par derrière. Elle préparait du poulet, mais ce ne serait pas prêt avant une bonne heure. Trop long. Nous avions faim. Dans une pizzeria (trois tables) le patron, très sympa, prit notre commande puis nous annonça qu’il allait falloir attendre un peu, parce qu’il était en panne de gaz mais le camion du livreur ne tarderait certainement pas. Nous lui promettions de revenir le soir. A 14h30 nous avions enfin déjeuné d’un quesadillo  chacun, sorte de crêpe garnie en l’occurrence de champignons de Paris directement passés de la boite à notre galette. Pas cher mais maigre pitance pour des cyclistes affamés. Nous aurions pu en prendre un autre me direz-vous. Non, un suffit. Mais au fait la petite dame dans son réduit devait avoir fini de préparer son poulet à cette heure ! Trop tard. C’était l’heure de la sieste.

San Pedro y San Pablo Teposcolula  (2200 m alt.)

 

 

Partis avec le pull et la veste sous un ciel très bas. Au bout de 15 km se détacha sur un fond de collines rouges l’église Santo Domingo de Yanhuitlan, grande nef de pierres blanches avec le village aux maisons basses groupé derrière. A l’intérieur la hauteur du retable doré nous surprit.

 

Yanhuitlan, intérieur de l'église
Yanhuitlan, intérieur de l'église

Puis la route se mit à grimper, avec de bons pourcentages, pendant douze kilomètres pour atteindre 2 500 m d’altitude. Avec les robines rouges, les collines sèches plantées d’arbustes aux couleurs d’automne, puis les pins, on se serait cru dans les Alpes de Haute Provence. Le ciel était maintenant complètement dégagé et la lumière pure à cette altitude.

Dommage que la route fut en si mauvais état. Au km 30 nous tournions à gauche prêts à descendre douze kilomètres, qu’il faudrait remonter le lendemain, pour visiter le couvent de San Pedro y Pablo. Ces douze kilomètres n’en finissaient pas et, pensant au retour vers la grande route, je n’aimais pas du tout la raideur de la pente.

Le village fut enfin atteint, là encore groupé autour d’une église énorme Une heure suffit pour faire le tour du bourg mais de toute façon il nous fallait coucher là. A 19 il  y eut des lancés de pétards et envolées de cloches. Sur le grand parvis herbeux de l’église la foule était réunie et s’apprêtait à assister à la messe. Tandis que j’écrivais assise dans mon lit, une fanfare jouait dans la rue et de véritables charges de dynamite étaient lancées. Tant pis. Nous ne nous rhabillerons pas pour assister aux festivités dont nous commençons à connaitre le contenu. A noter que le jeune réceptionniste de l’hôtel nous avait dit que ce n’était par jour de fête. La fête était prévue à partir de lundi seulement. Répétition aujourd’hui sans doute.

Le réveil du lendemain se fit en fanfare. Deux lancés de pétards à 5 h du matin, quatre à 5h30. A 6 h grosse pétarade, puis volée de cloches, puis fanfare, ces trois éléments sonores se répétant, parfaitement orchestrés, jusqu’à 7h. A 8h, alors que nous chargions les vélos, sans doute à la fin d’une messe, reprise du spectacle.

Il faisait froid. Daniel qui n’avait pas de gants s’enfonça les mains dans des chaussettes. Ciel bleu et lumière forte.

Une fois rejoint la grande route, ce fut de la descente pratiquement tout le temps. Mais pas question de se laisser aller à la griserie de la vitesse, la route étant minée de trous énormes. Et pour les éviter, garder toujours un œil dans le rétroviseur. Ce que nous aurions appelé en Français « chaussée déformée » ou « affaissement de terrain » était annoncé « faille géologique » ! Joli !

La région était infestée de chiens pas fins du tout. Mon sifflet les ralentissait bien quand ils nous couraient après, mais parfois Dany devait aussi les menacer avec sa canne. C’était le plus souvent en côte, bien sûr, alors qu’on commence à perdre le souffle. A noter d’ailleurs qu’en ces occasions la poussée d’adrénaline nous redonne de la force alors qu’on croyait être à son maximum. Il y a bien un peu de bouillie de chiens sur les routes mais cela ne suffit pas à calmer les survivants.

Il n’était que 11 h quand nous arrivions à Tamazulapam. Nous n’étions pas fatigués mais nous avions faim. Ça avait l’air bien tranquille ici. Nous décidions de nous arrêter. Lorsque le vent se renforça une heure plus tard nous nous félicitions de cette décision.

Ah qu’il faisait froid le matin en quittant Tamazulapan et qu’il fit doux, presque chaud, le soir tandis que j’écrivais dans la chambre, fenêtre ouverte avec le son des grillons. Depuis que nous suivons cette Route 190 (depuis San Cristobal de Las Casas en fait) nous ne cessions de passer de l’été à l’hiver.

 

Le paysage était devenu minéral,  d’une aridité et d’une grande dureté pour les quelques habitants regroupés en pauvres hameaux le long de la route. Roches, sécheresse, grisaille et candélabres. 

Hameau dans la région de Huajuapan sur la route 190
Hameau dans la région de Huajuapan sur la route 190
Bergerie dans ces montagnes arides
Bergerie dans ces montagnes arides

Je ne sais pas si c’était beau mais c’était prenant en tout cas. En haut d’une côte nous trouvions, tout seul, assis par terre à côté de son vélo, un jeune Français. Il se demandait si la route allait être aussi difficile pendant longtemps. Il était pourtant légèrement chargé par rapport à nous. En montant tranquillement, en petit plateau, pour nous cela ne posait pas trop de problèmes. Il nous avoua enfin que c’était son deuxième jour de vélo seulement et il avait mal aux jambes ! Nous le rassurions « patience et pédalage ».

 

Le centre-ville de Huajuapan nous parut gai et tranquille en ce dimanche après-midi et après en avoir fait le tour nous y mangions une glace – en nous remémorant les merveilleuses glaces d’Argentine… et de Bulgarie ! 

Arrivée à Huajuapan de Leon
Arrivée à Huajuapan de Leon
Un dimanche après-midi sur la place centrale
Un dimanche après-midi sur la place centrale

Derrière l’hôtel de ville est aménagé un petit jardin botanique dans lequel nous apprenions que ce que nous appelons d’une façon générale « agaves » se classifie en de nombreuses espèces. Fin de journée bien tranquille donc dans cette ville plaisante de 45 000 habitants en plein désert

croquis d'agave
croquis d'agave
Plantation de raquettes, ou figuiers de barbarie, ou nopal
Plantation de raquettes, ou figuiers de barbarie, ou nopal

se mange frit, cuit, cru (à répéter à voix haute une dizaine de fois à toute vitesse)

Depuis maintenant plus de 200 km nous roulions dans un paysage desséché, grillé en cette saison sèche qui dure huit mois par an. Nous arrivions à Acatlan en début d’après-midi ne rêvant que d’une sieste. Sur plus de la moitié du trajet la route, pas mal fréquentée et tout en montagnes russes, n’avait été qu’une succession de trous entre lesquels il fallait choisir. Cependant le paysage avait été cette fois-ci encore superbe avec des candélabres gigantesques et massifs. 

A l'horizon, le Popocateptl
A l'horizon, le Popocateptl

Huitzingo est un tout petit bourg agricole groupé autour de son église mais doté de trois hôtels tout de même. Pour 12 € la chambre était vraiment très bien avec une table et deux fauteuils devant une baie vitrée. Et de là nous voyions le Popocatépetl cracher son jet de vapeur. Ce confort convenait bien car, le tour du patelin étant rapidement fait, nous avions l’intention de passer l’après-midi dans notre chambre à lire et dessiner.

préparation d'une crêpe aux fleurs de courge
préparation d'une crêpe aux fleurs de courge

Tandis que nous mangions une crêpe fourrée de fleurs de courges (plus jolie que goûteuse) accompagnée d’un grand verre de jus d’oranges fraichement pressées (délicieux), une femme vint nous parler en Anglais. Elle vivait à Chicago avec son mari chauffeur routier et profitait de ses vacances pour venir voir la famille. A ma question « Préférez-vous vivre ici ou là-bas ? », sa réponse fut claire : »Là-bas. Il n’y a pas tant de différences dans la rue entre les riches et les pauvres. Ici, ou on est très riche et on a tout, ou on est pauvre et on mendie dans la rue ». C’est à peu près cela, bien qu’avant de mendier, il y a tous les petits boulots de débrouille et les petits commerces plus ou moins illégaux.

Izucar de Matamoros

Mercredi des Cendres. Nous faisions le tour des quatre églises à 18 h.  Il y avait célébration dans chacune d’elles. Dans la principale Santo Domingo de Guzman, la file d’attente de fidèles de tous âges et des deux sexes s’étirait sur le parvis pour aller se faire marquer le front d’une croix noire.



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