Bienvenue aux USA
Bienvenue aux USA

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Article rédigé à Ashfork le 7 mai 2016

Coincés dans un camping à 130 km du Grand Canyon par un vent glacial et la pluie, nous en profitons pour mettre notre site à jour.

Mais revenons en Basse Californie, à San Felipe où nous prenions le bus le 26 avril au matin pour Mexicali, ce qui allait nous épargner 200 km de désert. La route, toute droite, traversa une immense étendue de sable et de sel qui s’étendait très loin vers l’Est, jusqu’au delta du Colorado. Pas vu de douane mexicaine. Nous arrivions donc directement à la douane américaine sans avoir de sortie du territoire mexicain. Apparemment tout le monde s’en foutait.

Cinq heures ! Il fallut attendre cinq heures pour avoir notre permis de séjour de trois mois aux USA. Des milliers de gens transitent par ce poste frontière et si les douaniers sont nombreux pour la fouille des voitures, ils ne sont que deux pour délivrer ce fameux papier vert. Aucun distributeur de boissons, aucun sanitaires ne sont prévus. C’est la désorganisation complète. Aucun panneau pour guider les gens et les diriger vers la bonne file. L’Inde ! Bien que la comparaison ne soit pas vraiment bonne car, en Inde, il y a du personnel.

Enfin, à 17h30 nous posions nos roues sur le sol américain. Welcome in US ! Tu parles ! Dany fut baptisé dès ce premier jour en marchant dans un gros chewing gum. Bienvenue aux USA ! Plaff !

 

Nous étions attendus à El Centro, chez Brian, à quelques 25 km de là. A peine pris le temps de pisser – enfin !- et de boire une goulée d’eau et en route. Nous nous retrouvions vite en pleine campagne, au milieu des champs de luzerne cultivés dans le sable. Ça sentait bon l’herbe. Ah ! Quelle bonne odeur que celle de l’herbe fraichement coupée. Depuis combien de mois ne l’avions-nous pas sentie ? Et puis nous atteignions El Centro, une petite ville aux rues se coupant à angles droits, bordées de jolies maisons individuelles, chacune précédée d’un carré de pelouse. Il y avait de beaux arbres, des oiseaux chantaient. Quel choc ! Quel repos ! On en oubliait les déserts alentours. Brian s’était absenté mais avait laissé la clef chez sa voisine. La maison nous fut ouverte. Un grand salon, des peintures et gravures aux murs, de beaux objets sur les guéridons … Que ça faisait du bien ! Quel bonheur que l’ordre et le luxe ! Le luxe aussi de pouvoir boire l’eau du robinet. Brian servit à table des tomates de son jardin. Dès le mois de juin plus rien ne pousserait, la température pouvant atteindre 50°C.

avec Brian à El Centro
avec Brian à El Centro

Mercredi 27 avril 2016 – Brawley Chez Bill et Theresa

 

Un peu de shopping nous mit au courant des prix pratiqués, à peu près équivalents à la France. Nous allions avoir un peu plus de choix de conserves pour composer nos repas. L’étape était courte, les difficultés ne commenceraient que le lendemain.

 

L’accueil de Bill et Theresa fut absolument incroyable. Comme si nous arrivions chez des amis de longue date. Une chambre et une salle de bains étaient à notre disposition. Nous étions invités à dîner. Nous profitions de l’après-midi pour préparer nos trajets des jours suivants sur Internet, regarder les livres de photos signés Bill  Meister. Une véranda servait de logis à cinq très beaux perroquets apprivoisés. A 5 h du matin, afin que nous puissions partir dès le lever du soleil, Bill nous servit un petit déjeuner  copieux, composé d’œufs sur le plat, pain grillé et d’un bol de  fruits et céréales dans du fromage blanc.

Bill et l'un de ses perroquets
Bill et l'un de ses perroquets

Jeudi 28 Avril 2016 – Palo Verde – 115 km

Nous avions une bonne centaine de kilomètres de désert à traverser pour rejoindre le Colorado. Nous avions été mis en garde – attention aux camions, à la chaleur, au vent de face, etc. Mais, avec une chance inouïe, le vent souffla fort dans notre dos, amena des nuages qui nous protégèrent du soleil, et à 14 h nous nous posions au bord du fleuve, dans un camping gratuit. Arriver à vélo pour camper sur la rive du Colorado… Encore une chose qui m’aurait paru incroyable il y a quelques années.

A la sortie de Brawley nous passions devant un gigantesque élevage de bovins : des milliers de bêtes sous des auvents de fibres dans un carré d’un km sur un km. 

élevage intensif en Californie
élevage intensif en Californie

Puis nous roulions le long d’une mine pendant environ 5 km. Des champs de luzerne s’étendaient de l’autre côté jusqu’à l’horizon. 

Un passage à niveau se ferma devant nous pour laisser passer un train long de près de 3 km (nous savons la longueur pour en avoir doublé un à l’arrêt). 

C’était donc vrai que tout est grand aux Etats Unis. Impressionnantes aussi les dunes que traversait la route et ce RV Park (Recreation Van Camping) en plein désert avec une centaine de campings cars, énormes bien entendu.

Et puis ce fut, au loin, une grande coulée verte au milieu du désert : le Colorado, à encore 20 km.

 

Nous arrivions dans cet emplacement gratuit pour campeurs, avec un bras de rivière qui coule bordée de roseaux, des arbres, une température printanière, anormale parait-il mais si reposante.

Alors que nous plantions la tente un pêcheur vint nous demander si nous aimions le poisson. « Oui, bien sûr ». Il venait de pêcher – les poissons étaient encore vivants – et nous découpa quatre beaux filets. Puis quelques minutes plus tard il en rapporta deux autres. « J’en ai vraiment trop pour moi. Et puis voici de la glace pour les conserver jusqu’à votre dîner. Et pour votre coca, vous voulez des glaçons ? Vous avez du coca n’est-ce-pas ? » - Un couple de pêcheurs dans sa barque me demanda depuis combien de temps nous étions aux Etats Unis. « Deux jours ? » Elle sauta de sa barque et vint m’embrasser. « Welcome ! Welcome in California ! » Ben ça promet ! Pour l’instant sont vraiment sympas les Ricains.

 

Vendredi 29 avril 2016 – Blythe – 56 km

 

Suite aux informations données la veille par le groupe de cyclos rencontrés sur la route, nous décidions de ne faire qu’une petite étape et de nous arrêter chez Wayne, 8th Av. à Blythe qui offrait un carré de pelouse pour camper aux cyclistes. Son coin était loin de Blythe et nous n’étions pas sûrs, en arrivant devant l’adresse indiquée, d’être au bon endroit. Pas de carré de pelouse et personne à la maison. A force de tours et de détours, nous trouvions un supermarché, demandions le prix d’une chambre dans plusieurs motels (rien à moins de 35-40 $), essuyons deux refus pour camper dans des RVParks – ou campings pour camping-cars- et enfin arrivions, de fort mauvaise humeur, à l’entrée d’un RV Resort avec piscine, au bord du Colorado – et de l’autoroute – où nous osions à peine demander un emplacement et le prix. Les tentes étaient acceptées. C’était 20 $. « Non, pardon, 30 $ car nous sommes en haute saison. Ah ! Mais vous êtes à bicyclette ! Alors, c’est 15 $ ». Que ça continue comme cela et tout ira bien. La tente fut plantée à l’ombre et nous nous retrouvions bientôt dans la piscine, puis sur des transats à nous faire sécher. L’humeur de l’équipe s’améliora aussitôt.

Devant le supermarché, un vieux vint voir nos vélos. « Vous venez-d’où ? » - « De France » - « D’où ? «  - «  de France ! » - « Texas ? ». Nous remarquions qu’il portait un appareil d’audition. Nous crions : « Non. France ! Europe ! Italie ! Espagne ! Allemagne ! » - « Ah ! Texas… » Dubitatif, le vieux. Ou bien il est sourd comme un pot ou il ne connait rien de plus loin que le Texas.

 

Samedi 30 Avril 2016 – Parker – 90 km

 

La traversée du fleuve nous fit passer de Californie en Arizona.

Gros nuages et vent dans le dos. Nous avalions les miles et les kilomètres sur cette Mohave Road toute droite et toute plate qui traversait une réserve indienne. Ce n’était que d’immenses champs d’herbage et de luzerne à l’infini. A 10 h nous avions déjà parcouru près de 60 km et faisions une pause-café dans un snack-mini-market-poste essence. Et puis les nuages furent de plus en plus noirs, les montagnes à l’Ouest disparurent derrière un voile de pluie. Il y eut quelques éclairs et nous forcions l’allure pour atteindre Parker et nous abriter.

Nous arrivions juste avant la pluie et passions deux heures dans un Burger King. Parker, c’était encore une ville qui se limitait à un croisement de routes et une dizaine de snacks et motels et un supermarché où nous faisions des courses, prévoyant un repas sans cuisson s’il se remettait à pleuvoir. Et puis nous retraversions le Colorado pour nous retrouver à nouveau en Californie et arrivions au Cross Road Campground. Il y a un peu partout de tels campings pas chers du tout, et même parfois gratuits, avec seulement un WC et un point d’eau non potable. Ici c’était le grand luxe puisque chaque emplacement bénéficiait d’une table et de bancs. Il ne faisait pas chaud du tout. Sur l’eau fonçaient des hors-bords à gros moteurs, sur la route passaient d’énormes camping-cars et caravanes géantes et vrombissaient des grosses motos. Quel déballage de matos !

Dimanche 1er mai 2016 – Havazu Lake City

 

Nous continuions à remonter le Colorado vers le Nord. Sur la route, il y eut des ânes sauvages, descendants de ceux qui travaillaient dans les mines au début du 19e siècle, puis un trafic intense de camping-cars tirant des voitures ou des bateaux, des théories de Harley montées de mecs sans casque, queue de cheval et barbe au vent.

Le paysage était assez grandiose, avec le désert butant sur des montagnes de tous les tons de bruns.

 

Nous étions contents d’atteindre Havazu City de bonne heure et allions boire un café froid chez Mado, histoire d’arriver reposés chez Lee et Rick, nos hôtes Warmshower. C’était sans savoir que la ville, représentée par un petit point sur notre carte, s’étendait sur 16 Miles (25 km) de long. Il  nous fallut encore près d’une heure pour arriver jusqu’à leur maison. 

chez Lee et Rick
chez Lee et Rick

Lundi 2, mardi 3 mai 2016 – Kingman – 103 km – 1100 m d’altitude

Au petit déjeuner Lee nous annonça qu’il allait faire près de 40°C dans la journée à Havazu. Mais nous allions échapper à la chaleur en partant de bonne heure. Les 100 km pour atteindre Kingman allaient nous faire monter de 120 m d’altitude à plus de 1 000. 100 km en pente douce dont 60 sur l’autoroute. La bande latérale sur laquelle nous étions cantonnés était complètement défoncée. On trouve plein de choses sur le bord d’une hyway et on aurait pu remplir nos sacoches de « choses qui peuvent servir un jour ». Nous faisions le tri et ne récupérions qu’une sangle fluo, un sandow tout neuf, une clef anglaise, et puis laissions tout de même une grosse clef à molette franchement trop lourde.

Nous arrivions crevés pour constater cette fois encore que les villes américaines s’étirent décidément sur d’immenses surfaces. On se croit arriver et pour atteindre le camping, qui pourtant parait en centre-ville sur le plan, il faut encore parcourir 9 km.

Notre entrée dans Kingman, ville mythique de la Route 66, ne passa pas inaperçue pour tout le monde. Un couple nous fait des grands signes du trottoir pour que nous nous arrêtions à leur hauteur. « D’où venez-vous ? Où allez-vous ? Il y a de très bons milkshakes juste à côté ». J’ai cru qu’ils allaient nous en offrir un. Mais non. Un autre vient vers nous. « Nous aussi on fait un grand voyage. Nous avons pris deux mois pour aller de New York à Los Angeles aller-retour en voiture. Nous serons demain au Grand Canyon – Pas vous ? – Pourquoi ? » Parce qu’il reste encore près de 300 bornes, patates ! (en pensée seulement, on reste polis). Un homme s’avance : « Oh, vous faites la Route 66 à vélo ? Moi aussi je fais du vélo, mais pas plus de 15 miles par jour » - « oui, c’est bien quand même », mais pourriez pas nous lâcher qu’on aille jusqu’au camping pour nous affaler sur nos matelas ? (Ça aussi en pensée seulement car on a encore la force d’être polis, mais ça ne va pas durer).

 

Bref, la Route 66 en Harley, c’est d’un commun, alors qu’à vélo…

Dany s'américanise à la vitesse Grand V

La visite des deux musées de Kingman nous resitua un peu dans l’histoire de cette route. Bien sûr nous avions lu « Les raisins de la colère » de Steinbeck (il y a bien longtemps d’ailleurs) mais nous n’avions pas fait le rapprochement avec cette route 66, première route ouverte pour traverser les USA d’Est en Ouest, de Chicago à Los Angeles. Pourquoi pas dans l’autre sens ? Parce que c’est bien vers l’Ouest, vers la fertile Californie, que se sont déplacés tous les migrants, en chariot d’abord, puis , dans les années 1926-1930 dans de vieilles bagnoles avec leurs meubles, leurs vieux et leurs mômes en espérant y trouver du travail.

Nous allions en faire un tronçon à vélo et, bien que les conditions soient maintenant au top, ça risque de ne pas être de la tarte quand même, car elle passe à plus de 2000 mètres d’altitude.

 

Mercredi 4 mai – Peach Spring – 100 km

 

 

La Route 66 traversa un grand plateau herbeux puis un causse parsemé de beaux cades – comme chez nous mais en plus grand-, la réserve indienne Hualapaï. Trois bonnes pauses nous firent trouver les 100 km du jour moins fatigants que ceux de l’étape précédente. Dans les troquets du  bord de route (trois en 100 km) on joue le jeu des années 60. James Dean, Elvis Presley et Maryline Monroe sont présents, dans des décors de bric à brac et d’antiquités, de juxe box et de vieilles bagnoles et pompes à essence du même âge. C’est amusant et on se prend en photo aux côtés des idoles.

Les derniers 20 km furent les plus durs, le vent nous prenant de côté. Le seul camping du coin était honteusement cher ( 32 $) mais nous apprécions d’être loin de la circulation, si ce n’est des trains, et en pleine nature. Alors que nous déchargions les vélos un homme vint vers nous en voiture et en descendit avec deux boissons à l’orange et deux bières fraiches. Cadeau. Il nous avait doublés sur la route. C’était tellement sympa et nous avions tellement soif que nous avons bu les deux bières, nous qui n’en buvons jamais. De tels gestes amicaux spontanés sont tellement appréciés, surtout quand ont fatigué.

Dans le tarif exorbitant du camping était compris un petit déjeuner en self-service. Nous rentabilisions un maximum.

 

Jeudi 5 mai 2016 – Seligman – 40 km

Vendredi 6 mai 2016 – Ash Fork – 43 km

 

Un vent patagon de trois quart et parfois de face  nous faisait zigzaguer sur la bande latérale de la route, heureusement assez large. Nous devions le subir pendant deux jours. Dans cette vaste plaine, rien ne pouvait l’arrêter et le décor était idéal pour imaginer les files de chariots des colons de la conquête de l’Ouest. Nous avancions à peine plus vite qu’eux, 7-8 km/h sur le plat, parfois moins. Au bout de 40 km nous avions mal partout à force de crisper, aux mains, aux bras, aux épaules. 

face au vent
face au vent

Alors que nous luttions  contre le vent sur cette Route 66 pratiquement déserte, un camping-car venant en sens inverse s’arrêta à notre hauteur. « Vous avez besoin de quelque chose ? Vous voulez un café chaud ? » - Un café ? Why not ? Et nous nous trouvions invités dans un spacieux camping-car de location avec un couple de sexagénaires suisses en balade dans cette partie des Etats-Unis pour un mois. Moi qui était prête à renchérir, après les autres nombreux voyageurs à vélos que nous connaissons, sur l’impolitesse des camping caristes qui disent rarement bonjour aux campeurs, qui n’ont même jamais l’idée de les inviter à boire un café alors que le temps est pourri et qu’on se gèle sous la tente. Eh bien si nous avions rencontré une exception au Chili (Merci à Anne Marie et Gabriel), il fallait encore ajouter aujourd’hui la gentillesse de Hans et Marie. A la troisième exception j’oserais dire que les camping caristes sont des gens vraiment sympas.

avec Hans sur la Route 66
avec Hans sur la Route 66

Revigorés par cette chaleureuse invitation et ce bon café nous reprenions la route plein d’énergie. Et il allait en falloir car bientôt il y eut des averses de pluie glacée, et puis du vent encore. Au loin une montagne enneigée. Bientôt un engin apparut au loin derrière nous. La route étant étroite, c’est le cri d’alerte habituel : « Voiture ! » - « Non, moto !». Mais cette moto n’avançait décidément pas vite. Et ce fut un tandem couché qui arriva bientôt à notre hauteur, monté par Marc et Sue. Ils allaient plus vite que nous. Rendez-vous fut donné au camping d’Ash Fork où nous arrivions à 15 h sans rien avoir mangé depuis notre pause-café. Il faisait de plus en plus froid et la pluie menaçait. Nous étions tentés par un motel – qui affichait « complet ». Tant pis. Au camping il y avait des petits bungalows – 40 $ ! Re-tant pis. Nous plantions la tente non loin de nos amis cyclistes d’un soir qui nous invitèrent à partager leur pizza dans la salle  d’accueil du camping. Leur voyage les menait, en 10 semaines, de Los Angeles jusqu’en Virginie. Nous nous enfermions de bonne heure dans la tente après qu’on nous eut annoncé une température de 5°C pour la nuit, 9° pour le lendemain et de la pluie pour tout le week-end.

 

Marc et Sue avec leur superbe machine
Marc et Sue avec leur superbe machine

chien de prairie ... dans une prairie
chien de prairie ... dans une prairie

Article rédigé le 22 mai 2016 à Mexican Hat

 

Dimanche 8 mai 2016 – Williams (2 100 m alt.) – 30 km

 

Le temps s’étant arrangé nous pédalions en t-shirt, il est vrai continuellement en côte. Nous quittions le plateau et les cades pour bientôt entrer dans une forêt de pins. Du vert ! Et quelle bonne odeur de résine ! Dommage que nous n’ayons pas d’autre option que de rouler sur le bas-côté d’une Hyway. Il pleuvait à gauche, il pleuvait à droite, il pleuvait devant … Nous atteignions Williams, porte d’entrée du Parc National du Grand Canyon, bourgade composée presqu’uniquement d’hôtels, vers midi, cette fois-ci frigorifiés, à tel point que nous commencions à lorgner vers les motels. Nous demandions le prix dans plusieurs d’entre eux. Quelle surprise d’être reçus quatre fois sur cinq par des gérants hindous et qui proposaient, dans un Anglais basique, des rabais si l’on payait en liquide. Mais nous ne trouvions pas moins cher que ce Budget Inn à 55 $. Nous n’avions pas fini de défaire les bagages qu’il se mit à grêler. La chambre était assez grande pour y faire entrer les vélos. Nous n’avions que faire du réfrigérateur mais allumions aussitôt le chauffage. Il faisait 5° à l’extérieur. Un micro-ondes  allait nous permettre de faire un bon dîner après avoir fait quelques courses au supermarché situé juste en face. Le plaisir du confort fut entamé par des problèmes mécaniques, Daniel ne pouvant plus passer aucune vitesse sur son vélo. Grâce à une vidéo sur Internet, le câble de dérailleur fut changé sans difficultés et les vitesses correctement réglées.

 

Lundi 9 mai 2016 – Tusayan – 83 km

 

 

Nous quittions l’hôtel à 10 h du matin, direction Grand Canyon. Il y avait vraiment beaucoup de circulation sur cette route et nous étions contents de ne pas l’avoir prise le weekend end. A 16h, nous étions heureux de planter la tente sous les pins. Le temps s’était bien amélioré et soleil et nuages alternaient mais sans crainte de pluie. Pas de douche mais de l’eau potable et des toilettes. Cela faisait du bien d’être en pleine nature. Des cerfs à cul blanc broutaient tout près des tentes.

cerf à cul blanc
cerf à cul blanc

Mardi 10 – jeudi 12 mai 2016 – Grand Canyon Village (2 100 m alt.) – 

 

Nous y étions enfin, à  2 100 m d’altitude, le fleuve  Colorado, aussi vert que le Verdon, 1 600 m plus bas. C’est grand, incroyablement large (16 km de large en moyenne apprendrons-nous plus tard). Un décor de grand spectacle.

Un chemin de plusieurs dizaines de kilomètres longe la corniche. Tout est hyper organisé. Des bus gratuits font la navette de points de vue en miradors toutes les dix minutes, ce qui permet de choisir la longueur de sa promenade à pied et de poursuivre ou revenir en bus. Nous faisions deux longues marches émerveillées et une belle balade à vélo.

Debout  dès 5h30 de matin, malgré la température vraiment fraiche, pour aller assister au lever du soleil. Et les pyramides rouges du canyon furent éclairées les unes après les autres.

D’énormes corbeaux noirs planent au-dessus de ce grand vide. Des cerfs se baladent dans la forêt de pins qui borde la corniche. Les écureuils galopent et il est recommandé de mettre toutes la nourriture dans des boites de fer hermétiques disposées dans le camping à cet effet.

A part ce détail, il est bien mal équipé ce camping. Nous pensions trouver aux USA des campings dans le style de l’Allemagne, voire de l’Australie ou du Chili, avec cuisine équipée ou tout au moins salle pour se mettre à l’abri. Il n’en est rien. Pas encore vu un terrain avec un évier pour faire la vaisselle, les douches sont à 2 et même 2,50 $. Un unique lavabo près des WC pour cinquante personnes qui veulent se laver les dents. C’est boy scout pour les campeurs sous tente, les camping-caristes n’ayant besoin de rien d’autre que le grand luxe qu’ils trimballent avec eux.

 

Vendredi 13, samedi 14 mai 2016 – Desert Point View (2 300 m alt.) – 43 km

 

 

La route vers l’Est continue à longer le Grand Canyon, à travers une belle forêt de pins. Ici et là des points de vue permettent d’admirer le canyon et le plateau qui le surplombe. L’extrême Est du parc national s’appelle Desert Point View, et là,  désillusion : le camping était plein. « N’y aurait-il pas quelqu’un qui accepte de partager son emplacement ? » Le gardien, bon gars à  barbe blanche de Père noël, nous répondit que, peut-être, cela se faisait couramment. A nous de faire le tour et demander. Nous n’en eûmes pas le temps. Steve, qui passait par là, nous vit avec nos vélos et tout notre barda et comprit tout de suite la situation. « J’ai trop de place pour moi tout seul. Suivez-moi ». Super ! Il avait une minuscule caravane faite maison, en contreplaqué, mignonne comme tout, pas plus grande que notre tente. Et bientôt nous faisions la sieste, à l’ombre des pins, en pleine nature.

la caravane faite maison de Steve
la caravane faite maison de Steve

Le coucher du soleil amena des éclairages somptueux sur les falaises rouges et le plateau désertique décliné dans de douces nuances de vert, or et rose. 

Quel bonheur que cette soirée et cette nuit agréablement tièdes. Cela ne devait pas se renouveler de quelques jours. Car le lendemain, si jusqu’à midi, il nous fut possible de dessiner, jetant de temps à autre des coups d’œil inquiets sur les lourds nuages qui s’accumulaient et les averses qui tombaient de tous côtés, l’après-midi se passa toute entière enfermés dans la tente tandis que les orages se succédaient.

Dimanche 15 mai 2016 – Tuba City – 97 km

 

Nous quittions le Parc National du grand Canyon, après 4 jours entiers à nous émerveiller et continuions vers l’Est pour traverser le plateau coloré aperçu la veille. De grandes failles le sectionnaient. C’était comme si des mains de géants en avaient attrapé les bords et avaient tiré en tous sens – et le plateau s’était déchiré, et les déchirures s’étaient transformées en canyons et gorges pour des rivières temporairement  à sec.

Nous rejoignions la Route 89 qui file vers le Nord, vers le lac Powell, la suivions sur une vingtaine de kilomètres, puis bifurquions vers Tuba City, en plein domaine Navajo. Et ce fut un désert rouge somptueux. 

Tuba City est une bourgade complètement éclatée, comme toutes dans ce pays, mais qui parait factice, avec hôtels, Macdo, musée Navajo, etc. Aux alentours, des groupes de maisonnettes et caravanes, parfois à 500 m ou plus de la route, forment de vrais villages indiens.

Il fallut avancer nos montres d’une heure, les Navajo ne vivant pas à la même heure que le reste de l’Arizona. Il faisait doux à nouveau malgré un vent fort.

 

Lundi 16– Navajo National Monument (2 400 m alt.) – 103 km

 

Après avoir empli les sacoches de nourriture pour deux jours, départ par beau temps clair, vent dans le dos. Nous continuions à travers des paysages minéraux aux teintes rosées. Bref du facile pendant les trente premiers kilomètres. A une station-service nous buvions un café, debout en plein vent faute de bancs. Et c’en fut fini du beau temps. Le vent forcit, tourna dans tous les sens, le ciel noircit, devant, derrière, sur les côtés. La pluie nous rattrapa, puis la grêle, puis l’orage et le  froid, avec une circulation toujours aussi rapide sur la route. Heureusement la bande latérale, ici appelée « shoulder » (épaule), était assez large et en bon état, ce qui n’est pas toujours le cas. Pas un abri ni un magasin aux abords des quelques hameaux indiens bien gardés par des meutes de chiens, si bien que nous forcions l’allure, encapuchonnés, sans pouvoir faire de pause ni manger avant le quatre-vingt huitième kilomètre. Les escaliers d’un supermarché fermé et un rayon de soleil nous permirent un arrêt le temps d’avaler un bol de céréales. Mais un nouvel orage montait, le ciel redevenait noir d’encre, aussi ré-enfourchions nous rapidement les vélos pour parcourir, cette fois-ci sur une petite route déserte, les 14 km de côte qui devaient nous amener dans un lieu mythique Navajo dont nous ne voyions rien avec ce temps exécrable. Nous atteignions l’aire de camping gratuit mouillés, fourbus, gelés et la tente fut montée juste avant une nouvelle grosse averse glacée. Un café chaud aurait été le bienvenu mais c’est toujours quand on en aurait vraiment besoin qu’il est impossible de faire chauffer quoique ce soit.

 

Dans les toilettes une affiche informait que les pumas vivant dans le coin sont protégés, qu’ils ont une taille moyenne de 80 cm de haut et 2 m de long, pèsent jusqu’à 100 kg et peuvent bondir à 10 m mais 2,50 m seulement en hauteur. Contents tout de même de ne pas être les seuls occupants du camping…

Ca devient sérieux !
Ca devient sérieux !

Le lendemain nous découvrions les lieux. Nous étions sur un promontoire, le désert traversé la veille d’un côté, un immense canyon rouge – le Tsegi Canyon – de l’autre. Les baumes des falaises portent des traces de villages. Celui de Betatakin est le plus visible. Bien abritées de la pluie, du vent et du froid, tournées plein Sud, les maisonnettes de pierres paraissent dans un état exceptionnel, bien qu’abandonnées dès les années 1 400. 

Le temps étant décidément exécrable et froid, nous restions coincés encore une journée entière dans la tente et les provisions prévues pour deux jours durent en  faire trois. Dans la soirée le ciel s'est éclairci et nous avons pu voir briller des plaques de neige toutes fraîches dans la vallée en contrebas

Home, sweet home !
Home, sweet home !

Jeudi 19 mai - samedi 21 mai 2016 - Monument Valley - 95 km

 

Monument Valley commence en fait bien avant le Monument Valley National Park. 50 km avant de l'atteindre on roule déjà dans un paysage somptueux, entre des roches rouges érodées par le vent, des pitons et des falaises. Un vrai décor de Western. Ne manquent même pas les chevaux en liberté dans les prairies au pied des roches.

A Kayenta, dernière bourgade avant Monument Valley, nous tombions en arrêt devant un "Chinese Fast Food". Waouh ! C'était bon en plus.

Alors que nous buvions une gorgée d'eau sur un parking, un gars sortit de sa cabane échoppe : "Hé les gars ! Vous y êtes presque !" C'est bien ce qu'on espérait.

Les intempéries se succédant, cette fois-ci ce fut une tempête de vent. 50 km/heure avec des rafales à 75. Cette lutte continuelle contre les intempéries commence à nous fatiguer et nous taper sur les nerfs. Ça serait tellement sympa un peu de calme. La tente étant plantée dans du sable rouge... pas besoin de vous faire un dessin - en couleur - pour expliquer l'état de nos affaires, à l'intérieur comme à l'extérieur.

Avec cette poussière de sable, les fermetures éclairs bon marché de notre tente très chère recommencent à nous donner bien des soucis (amis campeurs, n'achetez jamais une Exped. C'est de la merde. Préférez donc une Quechua cinq fois moins chère).

Impossible cette fois encore de cuisiner quoique ce soit (et ce sera encore ! soupe de nouilles instantanée), impossible de fermer l'oeil de la nuit. Pourtant le site était bien choisi puisque la vue, de notre emplacement, était sublime. Nous réussissions toutefois à faire une promenade par un sentier de 5 km dans le désert permettant d'aller voir ces énormes roches rouges de plus près.

Dimanche 21 mai 2016 - Mexican Hat - 55 km

 

Nous avions prévu de retourner vers l'Ouest pour atteindre Brice Canyon, mais le vent SO ne faiblissant pas nous décidions de filer tout simplement vers le NE pour l'avoir dans le dos. Il faudra bien qu'il tourne ou que nous prenions notre courage à deux mains si nous ne voulons pas arriver à New York, ce qui n'est pas franchement notre destination.

A Mexican Hat il devait y avoir un camping, mais après avoir tourné en rond pendant 15 bornes, nous finissions dans un motel. Ah ! le plaisir de fermer la porte, de ne plus entendre le rugissement du vent, de se sentir à l'abri ! L'après-midi se passa en nettoyage et lessive afin de se débarrasser de cette poussière qui s'était infiltrée partout.

Article rédigé le 8 juin à Panguich(Utah)

 

Lundi 22 mai 2016 – Bluff – 43 km (1500 m alt.)

 

Bluff est un village de pionniers mormons arrivés vers 1880 dans cet oasis verdoyant au bout d’un voyage incroyablement difficile, envoyés comme missionnaires pour apporter la bonne parole aux sauvages Navajos.

Un petit musée  extrêmement bien fait raconte la vie et l’épopée de ces familles

Mardi 23 mai – Blanding – 50 km – (2000 m alt.)

 

 

A Blanding , bien alourdis par de la nourriture et deux galons d’eau potable, nous prenions la direction du d’un lac, 7 km plus loin. Drôle de paysage soudain que ce lac aux eaux bleues entouré de roches et de forêts au pied d’une chaine de montagnes de plus de 3 000 m tachée de traces de neige.
Au bord du lac étaient garés deux vans. L’un habité par un Américain et l’autre, de location, occupé par un couple de jeunes Suisses. Nous bavardions un peu pour faire connaissance puis, le vent se renforçant, allions chercher un coin abrité pour planter la tente. Nous nous énervions encore un bon moment sur les fermetures éclairs de notre toile de tente. Cette histoire de tente commence à nous taper sur le système. Nos voisins avaient allumé un feu et faisaient cuire un pain torsadé levé au soleil. Un délice que ce pain tout chaud et croustillant sur lequel nous étalions du beurre qui fondait aussitôt. Il y avait bien longtemps que je n’avais mangé quelque chose d’aussi bon.

Mercredi 25 mai 2016 – Monticello – 30 km

 

Quelques bonnes côtes pour monter jusqu’à ce village de montagnes dans un paysage alpestre. Si la température était fraiche, ce décors nous faisait du bien et reposait les yeux après ces nombreux mois dans des déserts ou semi-déserts. Il y avait des fermes éparses entourées de grandes prairies avec bovins et chevaux. A l’Est apparaissaient les Rocheuses enneigées et, plus près de nous aussi, des sommets à 3 000 et plus bien chapeautés de blanc. 30 km constituaient une courte étape mais aller jusqu’à Moab, encore 80 km plus loin, c’était trop. Et il n’y aurait rien entre les deux bourgades.

Au Visitor Center de Monticello fut confirmée l’existence d’un camping forestier à 10$, mais il était tout juste ouvert et l’eau n’était peut-être pas encore branchée. Il fallait donc faire les 8 km de montagne une fois de plus avec le plein d’eau. D’autre part le vent était tellement glacial que nous n’avions pas trop envie de monter encore en altitude. Autant d’excuses pour planter la tente au camping du centre-ville à 20$ la nuit. Le gérant nous reçut déguisé en cow boy et il fallut regarder un film un peu trop long à mon goût sur ses prouesses au tir au pistolet. Il voulut même nous offrir le DVD, mais nous n’avons pas de lecteur, ce qui est vraiment dommage…

Jeudi 26 – vendredi 27 mai 2016 – Moab – 95 km

Chez Terry (Warmshower)

 

Beaux paysages mais que nous avions du mal à apprécier sur cette route 191 à grande circulation et très bruyante.  Deux véhicules sur trois sont des "Recréation vans » et un sur deux de ces derniers sont de véritables bus attelés de remorques ou de voitures. Ce qui reste compte la moitié de Harley ou autres grosses bécanes, le résidu étant le lot des camions finalement pas plus bruyants ni dangereux que les précédents. Tout ce déballage de matos motorisé qu’il faut continuellement surveiller dans le rétroviseur était vraiment lassant. J’en profitai pour crever, à l’arrière – c’est plus amusant – si bien qu’il fallut décharger et réparer sur le bas-côté de cette route avec les bahuts qui nous rasaient les fesses.

Et c’est une fois de plus en essayant de courir plus vite que la pluie que nous arrivions à Moab où nous étions attendus chez Terry, mais pas avant 18 h. Nous passions donc devant sa rue et continuions vers le centre-ville – qui était en fait 7 km plus loin – où nous voulions jeter un œil sur le prix des tentes dans un magasin de sport. Résultat : nous fermerons la nôtre avec des pinces à dessins. Cette dernière décision fut prise chez Macdo, devant un café chaud en attendant que l’averse passe.

 

Terry habite une « maison d’artiste » dans un grand terrain encombré de carcasses de  bagnoles, de caravanes pourries, et de « sculptures ». Mais moi qui ne comprends rien à l’art, j’ai surtout vu des gamelles retournées, des enjoliveurs de voitures, des poupées cassées, des vélos rouillés… Tout un bric à brac qui semble  bien plaire aux Américains vu le bazar qui encombre la plupart des terrains. A l’intérieur de la maison, c’était du même tonneau. Nous y étions accueillis par un couple de jeunes cyclos arrivés un peu plus tôt et hébergé dans un camion hors d’âge et d’usage

la photo ne rend pas le bazar qu'il y avait dans le jardin
la photo ne rend pas le bazar qu'il y avait dans le jardin

Notre hôtesse nous avait donné un conseil : « pour visiter le parc national de Arches, laissez vos vélos au Visitor Center et faites du stop. C’est trop long et trop difficile à vélo ». En fait, de chez elle à l’entrée du parc, il y avait 15 km. Nous faisions donc, une fois le guichet passé, comme elle nous avait dit et faisions du stop. Pas assez patients ou trop vieux, je n’en sais rien, mais trois quarts d’heure de tentatives infructueuses nous découragèrent. Quand on est vieux, on se conduit en vieux. On s’achète un gros 4X4 et on se barricade dedans. Qu’ils aillent au diable tous ces touristes enfermés dans leurs bagnoles climatisées et qu’ils se le mette où je pense leur parc, nous on se tire. Autant l’organisation était exemplaire au Grand Canyon, avec bus navette pour aller de points de vue en sites intéressants, autant ici rien n’était fait pour celui qui n’a pas de voiture.

 

Nous nous consolions en allant voir les pétroglyphes gravés dans les falaises le long du Colorado.

Nous n’avons pas du tout aimé l’ambiance de Moab et sa région. Si les paysages sont spectaculaires, le pays est transformé en parc d’attraction et terrain de jeux pour adultes. On peut s’éclater en 4X4, en quads, en jeep, en motos Trial, et à l’entrée des pistes des panneaux rappellent qu’il ne faut pas détruire la flore pour protéger le désert. Comment voulez-vous que des centaines de véhicules tout terrain conduits par des gens qui "s'éclatent" évitent de rouler sur les minuscules plantes du désert ?

Sous haute surveillance
Sous haute surveillance

Un monde fou sur la route. Nous apprendrons bientôt que ce weekend  est tout à fait spécial et prolongé car le lundi 30 mai est le Memorial Day, c’est-à-dire le jour du souvenir des soldats tombés au front. Jour férié donc et l’un des weekends les plus chargés de l’année qui marque le début de la haute saison touristique, les scolaires étant en vacances jusqu’au mois de septembre. Bref, un jour à ne pas prendre la route. Et pourtant nous y étions, le nez dans le guidon et un œil dans le rétroviseur quand un couple, à côté d’un petit van de location garé sur un dégagement, nous fit signe de nous arrêter. C’était les deux jeunes Suisses rencontrés au bord du lac de Blanding. Ils nous avaient doublés et nous attendaient un peu plus  loin avec deux grands verres d’eau fraiche.

 

Revigorés par cette rencontre sympathique nous avalions les kilomètres, droit vers le Nord jusqu’à la Hyway 70 qui allait nous amener à Green River. Green River est situé, comme son nom l’indique au bord d’une grosse rivière, affluent du Colorado au débit plutôt inattendu dans ce désert. Dans un premier camping complet on nous proposa un bout de pelouse près des toilettes à 34 $ + taxes ! Dans le deuxième il restait une toute petite place à 22,50 $. Il y avait bien, à une quinzaine de kilomètres, une aire de camping gratuit, mais, outre que nous n’avions pas envie de faire de rab, il ne fallait pas compter y trouver une place. A côté de nous une famille se fit une soirée Machmallow, entendez par là des brochettes de ces morceaux de gomme sucrée au BBQ. Ca ne sent rien et c’est tant mieux.

Chacun son chez soi
Chacun son chez soi

Dimanche 29 mai 2016 – Hanksville – 93 km

 

 

Il y a des jours où l’on est content d’avoir un compteur qui prouve que l’on avance car il y a parfois de quoi désespérer. A 2 km de la ville étape on ne voit toujours rien se profiler, excepté un peu de verdure en plein désert. Et pour cause, Hanksville n’est qu’une croisée de deux routes avec deux stations essence, un hôtel et un camping.

Lundi 30 mai 2016 – Capitol Reef, Fruita – 62 km

 

 

Au départ de Hanksville, le Frémont se fraye un passage dans une vallée d’une exceptionnelle beauté. Nous ne cessions de nous arrêter pour prendre des clichés de ces roches colorées aux formes fantastiques et des robines grises et blanches. 

Une pancarte « Camping-café » nous fit mettre pied à terre. Il était 10 h, l’heure de la pause. Il y avait en effet quelques tentes dans un terrain. Un jeune homme à la superbe moustache vint vers nous et nous posa les questions rituelles « D’où venez-vous ? Où allez-vous ? Combien de miles par jour ? », etc. et nous informa que le café était définitivement fermé. « Mais je ferais volontiers du café pour vous ! » Et il sortit son réchaud et sa cafetière pour nous offrir une délicieuse tasse de vrai café.

En entrant dans le Parc National de Capitol Reef nous nous engagions entre des masses rocheuses énormes et nous trouvions bientôt enfermés dans une gorge tandis que le Frémont se transformait en torrent de montagne. Le ciel étant de plus en plus menaçant nous forcions l’allure pour atteindre le Visitor Center et le camping avant l’orage.

Au Visitor Center on nous informa, très sèchement, que le camping était plein et qu’il fallait aller jusqu’à Torrey, 17 km de côte plus loin. Nous passions outre et filions jusqu’au dit camping à un mile de là. Un panneau indiquait en effet « complet ». Nous entrions tout de même et demandions, bien humblement, à un couple de jeunes campeurs s’ils accepteraient de partager leur grand emplacement. « Vous voulez que nous partagions notre emplacement ? » Ils n’auraient pas eu l’air plus outrés si nous leur avions demandé leur chambre à coucher. Les Rangers, un couple de retraités en voiturette électrique, arriva sur ces entrefaits. « C’est complet ! » - « Vous n’auriez pas une petite place pour nous ? Nous sommes vraiment fatigués ». – « Vous n’aviez qu’à prévoir avant ». Quel accueil ! Finalement ils se regardèrent et nous octroyèrent la place 43. Bah alors ! Ce n’était pas complet ? ! Nous poussions les vélos dans l’allée à la recherche de la dite place quand nous tombions devant deux autres vélos chargés. « Hello ! Venez prendre un café ! » Denis et Martha, un couple de Hollandais, faisaient un périple de trois mois aux USA. Nous étions bientôt attablés avec eux quand nos vieux rangers arrivèrent. « Vous les connaissez ? » C’est de nous qu’ils parlaient ? J’appréciais peu le ton. « Oui, nous sommes amis. Nous nous sommes rencontrés sur la route ». Ils n’en crurent rien mais nous fichèrent la paix et nous partagions l’emplacement aussi grand que le prix. (20 $ la nuit sans douche ni électricité, mais sur  des emplacements d’environ 1 000 m2).

camping bondé à l'américaine
camping bondé à l'américaine

Finalement il n’y eut pas de pluie et nous nous promenions dans ce lieu superbe planté d’énormes peupliers et d’arbres fruitiers, avec de grandes pelouses dans lesquelles évoluaient de gracieuses biches et se vautraient de grosses marmottes. Un oasis enclos de hautes falaises rouges impressionnantes, occupé dès la fin du XIXème par une poignée de pionniers mormons.

Mardi 31 mai – Torrey – 22 km

La montée fut rude pour sortir de la cuvette de Fruita, toujours dans un décor de roches rouges et puis ce fut des pâturages, de grands arbres, de l’herbe et des vaches. Un camping exhibait des carrés de pelouse bien grasse. J’avais tellement envie de cette herbe fraîche ! Il ne fut pas difficile de persuader Daniel de ne pas aller plus loin et de faire la sieste dans l’herbe, moitié ombre moitié soleil.

 

Une fille qui passait à vélo nous fit un grand signe bonjour tandis que nous nous garions devant le magasin de la station essence. Nous la retrouvions un peu plus loin qui nous attendait à un croisement de routes. « J’ai un cadeau pour vous ! »- «  pour nous ? » Elle nous tendit un sac en plastique. « Vous aimez les épinards ? Ils sont tout frais cueillis ». Ca c’était drôlement sympa. Aussi ce fut une après-midi sieste et bombance puisque pour diner nous préparions une omelette aux épinards et une purée  au persil dont il y avait également un gros bouquet.

Quelle était verte ma Normandie !
Quelle était verte ma Normandie !

Mercredi 1er juin 2016 – Boulder, Calf Creek – 78 km

 

 

Levés par une température frôlant le 0° puis 35 km de côte pour passer de 1600 m d’altitude à 3200, d’abord dans des prairies, puis des bois de sapins, puis de bouleaux aux feuilles toutes jeunes. En contrebas, le désert traversé ces derniers jours. Difficile mais superbe. Il nous faudra 5 heures, pauses comprises, pour arriver au sommet. Puis en 20 km nous retraverserons en sens inverse toutes les étapes de la végétation et retrouverons la chaleur.

Nous pensions coucher à Boulder, mais une fois de plus le bourg ne se composait que d’un motel, un musée des pionniers et une petite boutique de dépannage où nous achetions du pain et un coca. La grand-mère épicière nous dit qu’il fallait aller jusqu’à Calf Creek pour  camper. « il n’y a qu’une petite colline à franchir ». Elle ne fait pas souvent de bicyclette la grand-mère ! La côte était raide et nous avions déjà 70 km dans les pattes. Puis ce fut une descente vertigineuse (14%) et, un kilomètre avant d’atteindre le fameux camping, ce fut une nouvelle crevaison à l’arrière. Déchargement, démontage, remplacement de la chambre à air, rechargement – pour s’apercevoir que le pneu était à nouveau à plat. On recommence, depuis le début et cette fois c’est la pompe qui refuse de gonfler la nouvelle chambre à air. Il fait chaud, on a soif, on est fatigué … C’est nous que ça commence à gonfler. D’autant que l’heure avance et que nous risquons encore d’arriver dans un camping complet. Je laissai Dany sur la route avec mon vélo inutilisable et mes bagages, enfourchai le sien et descendai jusqu’au camping où je me cassais lamentablement la figure en m’arrêtant à l’accueil. Jeff était là justement.« Fatiguée ? » Ben oui, j’étais fatiguée. Je lui narrais nos mésaventures et lui demandais s’il ne connaitrait pas quelqu’un qui puisse aller chercher mon mari et tout le barda avec un pick-up. « je peux faire ça » et nous voilà repartis tous les deux. Non seulement il nous ramena au camping, mais nous invita à partager l’emplacement qu’il occupait avec sa femme Dina, sortit sa pompe, aida Daniel à réparer et nous offrit un verre de Sangria. Happy end.

Mais nous étions tellement claqués que c’est tout juste si nous regardions le superbe décor dans lequel nous avions planté la tente.

 

Calf Creek est situé au fond d’une gorge dans laquelle coule une petite rivière entre des arbustes et des petits chênes. Nous y serions  bien restés une journée entière mais n’avions pas assez de nourriture avec nous.

Jeudi 2 – vendredi 3 juin 2016 – Escalante – 28 km

 

 

Il faisait un froid de canard à 7 h du matin dans cette gorge mais sitôt sorti de là ce fut la chaleur. Une chaleur d’été comme nous n’en avions pas encore eu depuis notre arrivée aux USA. Et nous recommencions à grimper. 12%, 14 %, 16 %, et même une pointe à 18… Le grand escalier d’Escalante, dans un décor de roches blanches.

Et l’on arrive ainsi dans une plaine très verte enfermée par des falaises abruptes. Nous retrouvions là nos deux Hollandais à vélo qui revenaient d’un camping situé un peu plus loin mais complet comme de bien entendu.

Ce problème semblait les agacer autant que nous.

 

 

Samedi 4 juin 2016 - Tropic - 62 km

 

Nous avions rendez-vous dans un motel tout près de Bryce Canyon avec nos sœur et beau-frère bien aimés. Courtes retrouvailles. Ils faisaient, dans le sens inverse, le même périple que nous, mais en voiture et en deux semaines. Nous sommes décidément de plus en plus lents...

retrouvailles en famille
retrouvailles en famille

Dimanche 5 à mardi 7 juin 2016 - Bryce Canyon - 20 km

 

Est-ce le confort de cette nuit d'hôtel ? Nous repartions le lendemain pour les derniers 20 km qui nous séparaient de Bryce Canyon sans énergie. A moins que ce ne soit l'accumulation des longues étapes  depuis plusieurs semaines. Plus de 2 000 km en cinq semaines par des conditions météorologiques pas toujours faciles font que, en bref, on en a plein les pattes.

Nous resterons 3 nuits au camping du parc national de Bryce Canyon, à marcher pour changer un peu. C'est un décor féérique. Pas de mots, juste des images.

Mercredi 8 juin 2016 - Panguich - 50 km

 

Nous avons ce matin repris la route qui nous a fait traverser le Red Canyon par une belle piste cyclable. Nous nous dirigeons maintenant vers le Nord, direction Salt Lake City où nous espérons trouver un bus pour traverser le vaste désert du Nevada et rejoindre les montagnes du Yosemite.

Jeudi 9 juin 2016 – Marysvale – 78 km

 

 

 

A voir trop de grands spectacles on finit par se lasser. Aussi cette route 89, bien tranquille car doublée d’une autoroute, dans un paysage sans prétention de prairies et de montagnes vertes, avec des vaches et une petite rivière qui musarde, nous plut bien. Une descente en pente douce, vent dans le dos… Des jours comme celui-là on se sent prêt à pédaler jusqu’au bout du monde.

Fin d’étape au camping de Marysvale, repaire d’utilisateurs de quads et autres engins du même genre pour aller s’amuser en groupes sur les chemins environnants. Une famille vint s’installer non loin de nous. Le père et la mère avaient chacun leur 4X4 avec un gamin derrière, l’aîné des enfants, entre 10 et 12 ans, conduisant son propre quad un peu plus petit. Tout cela était arrivé dans une remorque tirée par une énorme bagnole. Dans tout le camping ce n’était, comme d’habitude, que monstrueux RV ou caravanes, mais il semble que les Américains soit vraiment doués pour transformer un morceau de nature en coin zonard avec du matériel hors de prix.

 

Vendredi 10 juin 2016 – Salina – 80 km

 

La route 89 suit la jolie rivière Sevier entre des montagnes colorées. Nous pédalions tranquillement sur une belle piste cyclable. Puis nous arrivions à Richfield qui, comme son nom l’indique, est une bourgade riche et entourée de cultures. Résultat, il y a un supermarché digne de ce nom, encore plus de bagnoles qu’ailleurs si c’est possible, et bien sûr pas un chat sur les trottoirs. En fait, pour voir un Américain marcher, il faut aller dans un supermarché, à condition qu’il ne déambule pas entre les rayons  en voiturette électrique. Des Macdo, Subway, Burger King en pagaille, mais pas une table dehors. Nous nous passions donc du café désiré pour la pause. Ensuite, ce fut tout droit et légèrement en pente jusqu’à Salina, dans un paysage agricole sans grand intérêt. Salina est soit disant le lieu de naissance de Butch Kassidy et, d’après le Lonely Planet qui dit n’importe quoi, on peut y voir sa maison. Nous avions déjà, voici trois ans, vu celle où il s’était retiré en Argentine. Mais celle de Salina nous ne la trouvions pas. En revanche nous trouvions sans difficulté le camping repéré sur Internet, non pas à 11 $ + taxes, mais 11 $/personne + taxes. Le coin réservé aux   tentes était situé au ras de la bretelle d’accès à l’autoroute tandis que les camping-cars pouvaient se mettre bien au fond du terrain, loin du bruit. Ben voyons ! Nous faisions deux tentatives pour trouver une chambre d’hôtel pas trop chères, mais rien à moins de 75 $+ taxes. Retour au camping où nous étions accueillis comme des chiens dans un jeu de quilles. Il était 15 h. Il faisait 36°C. et nous avions 80 km dans les jambes. Mais point de repos avec cette circulation continuelle et ces semi-remorques qui nous passaient presque au ras des ficelles. Les boules Quies furent d’un piètre secours. Endroit détestable donc où nous nous sentions, campeurs, à peine tolérés, relégués à l’écart dans l’endroit le plus bruyant, mais bien taxés quand même.

 

 

Samedi 11 juin 2016 – Nephi – 100 km

 

 

Après une nuit blanche – c’était à prévoir !- debout à 5h30 du matin sous un ciel bas et gris. A 7 h nous étions sur la route, vent dans le dos. A 10h, à Circleville, patelin triste avec pleins de maisons et boutiques à moitié abandonnées et/ou à vendre, nous nous réfugions sous un abri garni de tables et bancs dans le square central pour échapper à une bonne averse. C’est alors que le vent tourna tandis que la route se mettait à monter. Sur le bas côté il y avait un nombre impressionnant de serpents jaunes et bruns de bonne taille, la plupart écrasés, les autres vaillants mais suicidaires. Leur nombre me découragea tellement d’aller faire pipi derrière un buisson que je dus me retenir pendant 35 km. Le vent avait beau nous prendre en pleine face, l’orage nous tallonnait et nous forcions de plus en plus l’allure pour arriver quelque part avant lui. Levan, enfin, village étape prévu.  Nous traversions le parking de la station essence à fond les pédales pour nous arrêter pile sous l’avancée du toit de la cafétéria. Ouf ! Une grosse pluie se déversa aussitôt. Ce fut l’occasion de manger un hamburger avec frites et sauce mayonnaise rose bonbon.

78 KM . Il devait y avoir un camping ici. « Non, pas ici, mais à Nephi ? C’est seulement à 10 miles ». Sait-elle la grosse que 10 miles, ça fait 16 km ? Nous attendions deux bonnes heures que les averses se calment puis reprenions notre allure de fous pédalants, droit sur le Mont Nebo (4000 m), pour atteindre Nephi avant la prochaine averse. Motel 6 ! Stop ! Un rabais nous fut accordé pour plus de 62 ans (d’habitude une carte de résidants  US est exigée). Et nous nous offrions le luxe d’une grande chambre claire et spacieuse. Un dépliant vantait la cuisine d’un restaurant chinois. Renseignement pris, ce n’était pas loin du tout, à un demi-mile environ. Nous voilà repartis à vélo, nous régalant à l’avance (que ne ferions-nous pas pour un Chinois ?!). Au bout de 5 km, ne l’ayant toujours pas trouvé, nous rebroussions chemin pour rentrer manger nos nouilles rapides – chinoises – dans notre chambre. Et c’est ainsi qu’une étape prévue de 78 km atteint une fois de plus la centaine. Nous passerons le lendemain devant le fameux restaurant, à 6 km de l’hôtel.

 

Ca va tomber, ça va tomber !
Ca va tomber, ça va tomber !

Dimanche 12 juin 2016 – Spanish Fork – 65 km

 

Afin de profiter au maximum de notre confortable lit et de la fenêtre ouvrant sur une prairie, nous ne partions qu’à 9 h du matin.

Le réceptionniste de l’hôtel, originaire du Nicaragua, avait envie de parler. Et nous comprenions pourquoi il nous avait fait bénéficier du tarif senior. Il serait très bientôt à la retraite et  espérait pouvoir aller en France pour « étudier un pays socialiste » (sic)… Il va au devant de grandes désillusions. «  En France, on travaille combien de jours par semaine ? 3 ou 4 ? » Il fut fort déconcerté d’apprendre que les Français salariés travaillaient cinq jours par semaine – comme les Américains – et les non salariés six, voire sept.

 

Nous pédalions face à un petit vent frais dans un paysage très agricole au pied de l’énorme masse du Mont Nebo, passant quelques hameaux-lotissements composés de grosses maisons neuves de parvenus, grises et brunes, tristes, toutes fermées et qui paraissaient sans vie malgré toutes les voitures garées devant prouvant qu’elles étaient habitées. Depuis que nous sommes aux USA, pas encore vu une maison aux fenêtres ouvertes. Tout est bouclé et les gens dedans. On ne risque pas de demander son chemin à un habitant.

 

A midi nous trouvions un auvent avec des tables et prenions notre temps pour déjeuner. Peut-être un peu trop car, en arrivant sur Pearson, le ciel se chargea brusquement.  il y eut des coups de tonnerre et notre route bifurqua justement droit sur l’orage. Le GPS voulut nous faire prendre des chemins de traverses qui étaient en fait des voies privées. Nous tournions, virions, montions une côte trop raide pour la redescendre ensuite car elle  ne menait nulle part. Et l’orage se rapprochait toujours. Nous finissions par rejoindre la route qui allait plus directement à Spanish Fork, et soudain l’orage passa derrière une montagne et le soleil se remit à chauffer. Nous l’avions échappé belle. Le point localisé sur le GPS nous indiquait bien un camping mais rien ne s’annonçait. Il y eut un panneau « Gun Club », puis une côte à 24 %, puis 17 % sur un bon mile (1,6 km) et nous poussions nos brouettes de 45 kg. Et enfin, un étang réservoir avec des baigneurs et des pique niqueurs. Il fallut encore pousser sur 300 m pour découvrir des emplacements numérotés, avec tables et bancs, et des sanitaires. C’était très agréable cet endroit dans les petits chênes, au flanc d’une grosse montagne, mais franchement pas facile  à trouver. Incroyable le manque d’informations dans ce pays !

Fin d'étape
Fin d'étape

Lundi 13 – mardi 14 juin 2016 – Salt Lake City – 85 km

Chez Edwin et Cary

 

 

Sur 85 km nous en faisions bien 70 en ville. Entendons par là des zones commerciales sans fin, majoritairement constituées de fast food et de ventes de voitures. Cela doit en fait résumer à peu près la vie américaine. Et pendant tout ce long trajet en ville, nous ne verrons pas plus de deux piétons. Pour ce qui est des vélos, nous sommes seuls. Vu une file de voitures le long d’une cafeteria de station essence. Que faisaient-elles ? Leurs conducteurs étaient venus se chercher un café ou un coca en drive, c’est-à-dire sans quitter sa bagnole. On commande à travers un guichet et un bras vous tend le gobelet. On peut de la même façon passer chez le pharmacien ou  la banque sans descendre de son véhicule.

 

Dès le milieu de la matinée, Salt Lake City apparut à l’horizon sous des nuées couleurs d’encre. Mais nous ne rejoindrons la pluie qu’en début d’après-midi. Nous aurons la chance finalement de pouvoir nous abriter à chaque grosse averse. En arrivant en ville cependant nous verrons des routes barrées, des garages inondés. Il avait vraiment beaucoup plu ce jour là à Salt Lake City.

Edwin et Cary nous accueillirent de façon très chaleureuse. Ils mirent à notre disposition une chambre, un salon et une salle de bains au niveau inférieur de leur maison. Nos vélos étaient dans le garage. Ils n’ont encore jamais vraiment fait de longs voyages à vélo mais pédalent pour des œuvres, telles que la recherche pour le cancer. Leur grande aventure fut l’adoption de leur fille, Anovie, un bébé qu’ils sont allés chercher en Ethiopie après des démarches très longues et compliquées. Pour trouver suffisamment d'argent, car une adoption ça coûte cher, ils  pédalèrent sur 1000 miles (1 600 km) et vendirent leurs kilomètres. Anovie est maintenant une petite fille de deux ans passés, très entourée et épanouie. Le premier jour Cary nous emmena en voiture faire un tour de reconnaissance en ville et déjeuner au restaurant du CHU d’où l’on a une vue impressionnante sur la ville entourée de hautes montagnes couronnées de neige. Au Nord Ouest le lac, plus salé que l’océan, sépare la ville du désert qui s’étend sur plus de 800 km jusqu’à la Sierra Nevada, jusqu’à Reno.

En fin d’après-midi nous participions à la sortie hebdomadaire de leur groupe cycliste. 30 km tambour battant et nous avons dû oublier notre rythme pépère de routards pour les suivre jusqu’à un petit marché de nuit où nous dinions de hamburgers. Une sortie de 200 km était prévue en fin de semaine et nous étions ravis  de ne pas pouvoir y participer… Sur la quinzaine de cyclistes présents ce jour là nous étions bien sûr les seuls à ne pas avoir le costume et nos vélos semblaient des tanks à côté des leurs, légers et faits pour la vitesse. Nous étions les vilains petits canards.

Le lendemain nous retournions en ville par le tramway, pour la découvrir à pieds. Salt Lake City est la Mecque des Mormons et  dans l’enceinte de Temple Square, les « femmes-sœurs » originaires de différents pays accueillent les visiteurs dans toutes les langues pour leur expliquer la religion de « l’Eglise de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours ». Les mécréants ne peuvent pas entrer dans le temple qui ressemble vraiment à une cathédrale, tout au moins de l’extérieur, mais une maquette montre l’aménagement intérieur qui  a plutôt l’aspect et le confort d’une résidence 5 étoiles avec plusieurs salons. Pour y pénétrer donc, nous dit une « femme-sœur », il faut être préparé. Je n’étais pas préparée non plus à subir le récital d’orgue donné dans le tabernacle où sont admis les visiteurs. Il parait que la musique adoucit les mœurs et pourtant cette musique « céleste » m’a tout simplement tapé sur le système. Enfin tout cela, temple, tabernacle, chapelle, musée de l’histoire religieuse Mormon, est situé dans un grand jardin fleuri. Pour en savoir plus sur les Mormons, allez voir sur Wikipedia.

Ca fait semblant de regarder ou ça roupille ?
Ca fait semblant de regarder ou ça roupille ?

Article rédigé à Willits (Californie) le 29 juin 2016

 

Jeudi 16 juin 2016 – Reno (Nevada) – Une nuit de train

Chez Deborah et Colburn

 

 

A la gare de Reno Deborah nous attendait et nous reprenions la route encore une fois en voiture, les vélos fixés à l’arrière. Décidément les membres américains de Warmshowers ont un sens de l’accueil fantastique. Deborah, Colburn et leurs deux enfants venaient d’emménager deux jours auparavant dans leur nouvelle maison. La plupart de leurs affaires étaient encore dans des cartons et ils prenaient tout de même la peine de nous recevoir. En fait ils avaient quitté leur grande maison dans les bois pour une plus petite (mais pas mal quand même !) dans un lotissement afin de préparer leur prochain grand départ prévu pour l’an prochain : un grand voyage autour du monde, en famille, qui devrait s’étaler sur de longues années.

La ville de  Reno est située à 1 800 m d’altitude, comme Salt Lake City, et surmontée de hautes montagnes enneigées, mais il y fait beaucoup plus frais et moins humide. S’il n’y tombe que un à deux mètres de neige chaque hiver, dix mètres sont une bonne moyenne sur les hauteurs, à 3 000 m et plus. Des vents violents y soufflent toute l’année, 75 km/h étant assez courant.

Il nous fallait traverser la Sierra Nevada pour atteindre la plaine fertile de Californie. Nous avions renoncé à pousser jusqu’au lac Tahoe, de l’autre côté de la montagne, les campings promettant d’y être bondés et beaucoup trop chers. Mais Colburn décida que nous devions absolument voir ce lac et proposa de nous y emmener en voiture, avec vélos et sacoches, pour nous épargner en outre une sévère montée.

 

Vendredi 17-samedi 18 juin 2016 – Truckee – 1 h de voiture et 27 km à vélo (1800 m alt.)

 

 

 

Le lac Tahoe, immense et enchâssé dans un écrin de sommets enneigés culminant à 3 et 4 000 m valait la peine d’être vu en effet. Mais comme nous le découvrions et le longions en voiture nous n’avons pas eu le loisir de le prendre en photo. Colburn nous déposa à Tahoe City vers 10 h du matin. Nous étions entrés en Californie. Nous avions bien envie de rester pour la journée au bord du lac, mais impossible. Outre son prix (35$) le camping était complet. Nous partions vers Truckee à seulement 25 km au Nord, d’abord par une piste cyclable en bordure de la jolie  Truckee River, à travers les pins. Cependant le vacarme de l’intense trafic routier nous empêchait de goûter pleinement le charme de l’endroit. Et je me demandais comment les gens aisés qui occupaient les grandes maisons de bois construites en bordure du lac – et de la route – pouvaient supporter autant de bruit.

la Truckee River
la Truckee River

A Truckee évidemment le camping (35 $) affichait « complet ». Nous demandions timidement à la réception si, par hasard, il n’y aurait pas une petite place pour notre tente et nos vélos. « Mais si bien sûr ! ». Deux emplacements étaient réservés aux cyclistes et randonneurs pour 7 $ par personne. Et c’est ainsi que nous bénéficions d’un aussi grand emplacement que ceux qui, venus en voiture, payaient trois fois plus cher. De grands coffres en fer étaient à disposition pour ranger toute nourriture et produits de toilette à l’abri de la gourmandise des ours. Après les cerfs, les pumas et les écureuils, on nous promettait des ours !

Me croirez-vous si je vous dis que celui là fut pris en photo juste devant la tente ? Non ? Vous avez raison. Nous sommes dans un musée.

 

 

Le vent était glacial et nous ressortions les pulls du fond des sacoches. Il plut au lever du jour et jusque vers 8 h. Restés bien tard dans les duvets nous n’avions plus le courage de replier la tente et partir. Un  petit musée au Visitors Center près du camping retraçait l’épopée des premiers immigrants, la construction de la voie ferrée et de la route. Nous y passions un bon moment puis enfourchions les vélos à vide pour suivre l’ancienne route sur dix kilomètres, la Lyncoln hyghway, qui se fraye un chemin à travers les roches jusqu’à la Donner Pass, à 2 500 m d’altitude. Cette route aurait pu nous mener jusqu’à Sacramento puis San Francisco si elle n’avait été dévorée par une autoroute bien trop fréquentée et dangereuse pour être suivie à vélo. Nous nous rallongerons donc de plusieurs dizaines de kilomètres en traversant la Sierra Nevada plus au Nord.

La Donner Pass
La Donner Pass

Dimanche 9 juin –quelque part dans la forêt – 38 km – 2000 m d’alt.

 

 

La route montait tranquillement à 2 000 m d’altitude dans une forêt de pins. Nous avions repéré sur Internet deux campings gratuits -   donc sans point d’eau. Aussi trimbalions-nous 7 litres d’eau chacun. Mais surprise, le prix à payer pour camper était de 20 $. Facilités fournies : deux WC et un point d’eau. Les Seniors résidents n’étaient taxés que de 10 $, numéro de carte à l’appui. Nous décidions ne pas avoir tout compris et glissions 10 $ dans l’enveloppe. Affaire à suivre quand les Rangers passeront – et en fait ils ne passeront pas ce soir-là. Il n’y avait aucune boite pour protéger sa nourriture des ours mais il était indiqué de tout entreposer dans le coffre de sa voiture ou, à défaut, très haut dans un arbre. Les impressionnants pins Pondérosa faisaient environ 40 m de haut et ne portaient aucune branche à moins de 15 m. Facile !...

Bah alors Dany ! Tu grimpes ou pas ?

 

Notre voisin de camping – sa tente était plantée à au moins 50 m de la nôtre – nous proposa d’entreposer nos sacoches dans sa voiture. Je lui demandais s’il avait déjà vu des ours par ici. « Ici non, mais il y a deux ans, pas très loin d’ici, un ours est venu gratter la tente en pleine nuit et nous visiter dans la journée tandis que ma femme cuisinait ». Je me couchais quelque peu inquiète.

 

 

Lundi 20 – Mardi 21 juin 2016 – Sardine Lake – 40 km

 

Un froid de canard ce matin-là. Difficile de partir de bonne heure. De 2 000 m d’altitude la route descendait à 1 500 m jusqu’à Sierraville, un groupe de maisons en bois à la croisée de deux routes, puis traversait un très beau plateau d’herbages avant de regrimper pendant dix kilomètres dans une forêt de pins jusqu’à 2 000 m.

Malgré le dénivelé nous aimions bien rouler sur cette route presque déserte dans le silence. Enfin un peu de silence ! Des véhicules qui nous dépassaient, jamais un signe « bonjour » ou d’encouragement ne nous parvint. C’en est ainsi depuis que nous sommes aux USA et nous avons même l’impression parfois d’être regardés par ces motorisés comme des demeurés.

 

Pour atteindre le camping de la Sardine il nous fallut prendre à droite et regrimper encore, avec l’énorme montagne rocheuse de la Butte en point de mire. Une fois de plus le prix du camping géré par l’équivalent de l’ONF nous parut prohibitif. 24 $ pour des toilettes sèches et un point d’eau. De toute façon c’était complet. Nous étions prêts à repartir quand un jeune père de famille vint nous proposer l’emplacement qu’il avait réservé pour encore deux jours. « Le petit ne se sent pas bien. On rentre. Vous pouvez vous installer à notre place. » Nous lui proposions de lui payer une nuit, mais il refusa et il est vrai que nous n’insistions pas trop. Deux nuits offertes dans un tel décor, ça ne se refuse pas.

Mercredi 22 juin – Indian Valley – 50 km

 

 

50 km de descente à travers les pins, puis des feuillus, puis des chênes, en suivant la Yuba River. Des cyclistes nous doublèrent à fond la caisse, précédés d’une voiture et d’une remorque pour charger les vélos qui les attendrait  à Downieville avec le casse-croûte. Peut-être ne faisaient-ils que les descentes ? 

Descente de la Sierra Nevada
Descente de la Sierra Nevada

Nous, on se laissait glisser tranquillement et j’eus la certitude que nous allions arriver sur la place d’Annot (Alpes de Haute Provence) et que nous prendrions un café en regardant les joueurs de boules … Mais non, ce fut Downieville, un petit village aux jolies maisons de bois colorées. Mais des trois endroits où l’on pouvait boire un vrai café, deux étaient fermés et le troisième trop cher. Quant à faire le ravitaillement, nous ne trouvions au magasin d’alimentation ni café instantané, ni lait en poudre, ni fruits ni légumes. Conclusion : pour 20 $ nous déjeunerons de corn flakes à l’eau et d’un morceau de fromage et dînerons de pâtes et d’une boite de maquereaux, sans sauce. Notre régime se peaufine. On ne mange que parce que l’on a faim.

 

 

Et soudain j’en ai eu assez. Envie d’être en France, de manger des yaourts, des Petits Lu de chez Intermarché ou Leclerc, d’aller déjeuner chez Flunch*, d’arriver dans des villages aux maisons de vieilles pierres et visiter des chapelles romanes. 

20 km plus loin nous trouvions deux campings en bordure de rivière. Toujours le même prix et nous ferons à nouveau ceux qui n’ont rien compris pour déposer demi-tarif dans l’enveloppe. Avec ces campings basiques, cela faisait tout de même cinq jours que nous ne faisions que des toilettes de chat dans notre mini bassine après avoir transpiré toute la journée sur la route.

Toute cette région a été marquée par la ruée vers l’or du XIXème siècle et les mineurs avaient passé les rivières au tamis. Une petite famille française résidant à San Francisco campait non loin de nous. Le père s’était amusé à chercher fortune dans l’eau avec sa gamelle et un tamis et nous montra quelques minuscules paillettes au fond d’un verre. Mais un gars qui savait y faire, nous affirma-t-il, en avait trouvé la veille pour 150 $.

 

Nous avions perdu 1 300 m d’altitude et retrouvé la chaleur.

 

*A rajouter sur la liste : du chocolat noir, le meilleur, marque Eco de chez Leclerc.

 

 

Jeudi 23 juin – Colins Lake – 60 km

 

Nous quittions enfin le massif forestier de la Tahoe Forest après cinq jours. Bientôt la terre se dessécha et ce furent des chênes et même un superbe noyer qui nous réjouit. Dans le magasin de Camptown nous trouvions du café instantané – mais toujours pas de lait- et notre repas du soir : nouilles rapides + sardines. Ouah ! Il y avait des bananes ! 75 cents l’une. Deux jours plus tôt nous avions trouvé des tomates à 1,25 $ l’une !

Au bord du premier lac où nous pensions camper on nous indiqua qu’il fallait rebrousser chemin, c’est-à-dire remonter sur plusieurs miles ce que nous venions de descendre. Pas le courage. La route grimpa, puis redescendit. Nous faisions un crochet jusqu’au camping du Francis Lake. 41 $ ! Demi-tour. Et ne parlons pas de bivouac, le camping sauvage étant interdit dans toute la région. Au bord du Colins Lake il y avait aussi un camping : 380 emplacements étalés surtrois kilomètres, les douches au milieu et payantes. Les emplacements les moins chers étaient à 30 $.  Ambiance « peuple en vacances ». Mes poils dans ces cas-là se hérissent, je me renferme dans ma coquille. Je déteste la promiscuité et la vie en collectivité. Pourtant, par rapport à ce que nous avons pu vivre dans d’autres pays, les campings américains sont calmes et aérés. Nous plantions la tente tout au bout du terrain, loin de la plage, et des douches où nous ne retournerons pas.  Une trempette dans le lac tiendrait lieu de toilette. Dans le coin où nous étions installés, il y avait trois WC chimiques et un point d’eau pour une bonne centaine de personnes quand c’est complet. Les normes françaises, jugées parfois draconiennes par nous-mêmes, ne permettraient pas un tel laxisme.

 

 

Vendredi 24 juin 2016 – Yuba City – 44 km

 

Herbages complètement desséchés mais d’une belle couleur paille, chênes et noyers, lagerstroemias, albizzias et lauriers roses en fleurs … Nous retrouvions une végétation méditerranéenne. Et bientôt la ville, la circulation, les centres commerciaux, le bruit. Mais il nous fallait un supermarché, une douche et la wifi. Et les nerfs de l’équipe étant un peu à vif, il était urgent de faire un bon repas. Or, là où il y a une ville, il y a sûrement un Chinois…

Un peu avant la sortie de ville nous prenions un café sur un parking de zone commerciale. Il y avait deux tables dehors, inoccupées, tous les consommateurs étant confinés à l’intérieur. Je restais là avec les vélos tandis que Dany allait faire les courses. C’est alors que la serveuse, une rousse d’une cinquantaine d’années, revint avec sa cafetière. Voyant la chaise vide de Daniel, elle me dit : « Où est-il (ou plus exactement « Où-ce qu’il est »)? Encore un peu de café « my dear ? » OK pour un « refill ». Mais quand elle revint dix minutes plus tard pour remplir à nouveau mon mug, je refusai. Je venais d’avaler un demi-litre de café noir. C’était suffisant.

Après avoir visité un hôtel trop cher nous atterrissions à l’EconoLodge. Seulement ( !) 66 $ pour un luxe dont nous n’avions certes pas besoin. Lit King Size, deux bons fauteuils, réfrigérateurs, micro-ondes et cafetière… Nous en profitions pour faire la lessive, préparer les étapes suivantes sur Internet et mettre le blog à jour. Mais avant nous nous offrions un gueuleton chez le Chinois du coin qui affichait « Eat all you can » pour 9 $ - 10 % de discount aux Seniors. S’il accueille trop de cyclos seniors aussi affamés que nous, il va vite faire faillite.

 

 

Samedi 25 juin 2016 – Colusa – 38 km (15 m alt)

 

Il s’agissait maintenant de traverser sans trop traîner cette plaine fertile mais surchauffée, coincée entre les montagnes et située au niveau de la mer. La route n°20 filait tout droit vers l’Ouest le long de vergers de noyers, amandiers, pêchers et abricotiers, oliviers – tous ces arbres tronqués et serrés en alignements militaires pour un rendement maximum – et des rizières. Un avion arrosait copieusement les cultures de pesticides nous empestant.

Coluza n’avait pas grand intérêt mais nous y avions repéré un camping derrière le champ de foire sur Internet et la chaleur (40°) nous retint sous un arbre tout l’après-midi.  Ça sentait les produits chimiques et un peu le fumier dans le coin mais nous étions au calme. Etions-nous vraiment dans un camping ? Il y avait trois caravanes à l’autre bout du terrain, dont une habitée, des toilettes et un point d’eau. Dany me fit judicieusement remarquer que tous ces gens dans leurs grosses bagnoles et énormes caravanes devaient nous prendre pour des cheminots, des SDF, avec nos paquetages sur nos vélos. De fait, personne ne viendra nous parler ni même encaisser une redevance quelconque.

 

 Au moment de dîner, désagréable surprise. La boite de légumes assortis qui devait accompagner notre purée instantanée s’avéra pleine … d’eau. Uniquement de l’eau ! Rupture dans la chaîne de  fabrication ? Au menu donc : purée sans rien.

après midi de canicule à Colusa
après midi de canicule à Colusa

Dimanche 26 juin 2016 – Clear Lake – 80 km

 

Debout à 5 h du matin pour partir le plus tôt possible. A Williams nous trouvions un supermarché ouvert et achetions la nourriture de la journée.

 

Il allait falloir maintenant monter à 600 m d’altitude et la température promettait d’être forte. Journée éprouvante dans ces collines couleur paille. 38/ 40 ° à nouveau sans un poil d’air et pas d’ombre avec des pourcentages entre 12 et 17 %.

 Dans la matinée je m’offrais une petite hypoglycémie. Vue brouillée, mal au cœur, vite s’asseoir et téter le biberon de miel toujours à portée de main. 5 minutes plus tard ça va mieux, on peut repartir. Une circulation intense et bruyante et comme d’habitude personne ne nous faisant un signe d’amitié ou ayant l’idée de nous offrir un verre d’eau fraiche. Car celle de nos bidons aurait pu servir à faire infuser du thé. Cependant, alors que nous finissions la pause déjeuné sous un arbre à l’ombre fort chiche, une voiture de police arriva. Le flic nous demanda, par signe et sans baisser sa vitre, si tout allait bien. Nous répondions par l’affirmative, par signe également faute de pouvoir communiquer verbalement à travers la vitre. Cela voulait dire que quelqu’un, nous voyant assis sur le bas-côté de la route, avait téléphoné aux flics. Et j’eus une pensée pour le flic thaï qui,  spontanément, nous avait offert à chacun une bouteille d’eau glacée.

 

Je finis la dernière côte, un bon vent brûlant dans la figure (on ne transpirait même plus tellement tout était sec) à pied tandis que Dany me doublait en toute petite vitesse. Je ne savais plus ce qui était le plus difficile : pédaler ou pousser. Depuis 50 km nous grimpions et n’avions vu aucun endroit où avoir de l’eau fraiche. En haut de la côte, le GPS consulté nous indiqua une station essence à 4 km. Qui dit « essence » dit « coca ». Et nous en avons bu un litre ! A deux tout de même. Juste à côté de cette station était un motel et un restau chinois-thaï. Dans l’état de fatigue où nous étions, c’était trop nous tenter. Et, pour ceux qui connaissent, devinez ce que nous avons eu à dîner ? Des pad thaï, les meilleures jamais dégustées. Nous nous écroulions sur notre lit douillet pour un gros dodo de 9 h d’affilée.

 

En ce qui concerne la photo qui suit - "Diner pad Thaï", je ne voulais pas la mettre, mais Dany, très content de lui au moment de la prise de vue, a insisté pour qu'elle soit dans le blog.

Lundi 26 juin 2016 – Blue Lake – 50 km

 

 

Route facile le long du lac. Nous passerons devant deux ou trois campings fermés et traversons deux bourgades de villégiatures à moitié abandonnées. Aucun aménagement pour la promenade ni la pause sur les rives. Tout est privé mais on ne voit personne, ni dans les propriétés ni sur le lac. Tout était triste et vide.

Clear Lake
Clear Lake

Une petite étape de 45 km était prévue pour aller jusqu’à un camping familial peu après Upper Lake. Au moment de tourner sur la petite route qui devait nous y conduire, un panneau « Blue Lake Recreation Park » nous attira. D’un côté ce fut tant mieux car nous apprenions ensuite que le camping visé était fermé depuis un an. Nous demandions le prix de l’emplacement au « resort ! » du lac. 40 $ ! La réceptionniste nous proposa de nous emmener voir les emplacements pour tentes en voiturette électrique. Elle se fout de nous ou quoi cette empotée ? Il y avait 80 m à faire ! Ras le bol d’être entourée d’invalides. Les emplacements n’étaient que des parcelles de parking, certaines tellement bitumées qu’il était hors de question d’y planter un piquet. Pour toute commodités : deux WC et une douche.

Nous remercions et partions autour du lac à la recherche d’un endroit où planter la tente en « sauvage ». Nous passions un temps fou à chercher un endroit qui ne soit pas privé et clôturé. Rien. Pause déjeuné en bord de route, sur un dégagement pas très propre. Il faisait chaud à nouveau. Une grosse côte nous attendait et que trouverions-nous plus loin ? Rien d’autre à faire qu’aller jeter nos 40 $ sur le comptoir.
Je ne suivis pas Dany dans l’eau du lac, la trouvant trop froide. Mais quand j’appris que la douche était payante (merde alors !), nécessité faisant loi, je réussis à entrer dans le lac. Des familles étaient regroupées sur un bout de gazon de 100 m2 où elles pouvaient pique-niquer et se baigner pour10 $ par personne. Le soir, quand les baigneurs furent partis, les camping-caristes sortirent faire pisser leurs chiens sur la pelouse. Et demain les gens de l’extérieur viendront à nouveau étaler leurs serviettes.

Dans l’après-midi un vent chaud souffla en fortes rafales et, même si j’avais vraiment l’impression de me faire voler – ce que j’ai en horreur – j’étais contente de ne pas être sur la route.

 

Mardi 28 juin 2016 – Willits – 50 km

Chez Josh et Antonia (Warmshowers)

 

 

Et puis nous sommes arrivés au paradis. Josh et Antonia nous ont accueillis dans leur maison fraîche et confortable entourée d’un jardin plein de fleurs. Josh sait tout faire de ses  dix doigts et finit  l'aménagement de la maison et Antonia fait pousser, dans un désordre judicieux, fleurs et légumes. Une caravane-chalet  immobilisée par les fleurs sert de chambre d’hôtes. Nous sommes comme des « diables au paradis » et acceptons sans nous faire prier la possibilité de rester quelques jours, bien que nos hôtes doivent partir en vacances. 


Article rédigé le 22 juillet 2016 à San Francisco

 

Nous restions finalement 5 jours à Willits, chez Josh et Antonia, avec la charge de donner à manger aux poules, arroser les plantes et manger les œufs frais pendant leur absence.

Nous étions comme des « diables au paradis » (cf. Henri Miller). Le voisin vint bien sûr voir qui nous étions, ce qui était normal. La caissière du supermarché, où nous faisions quotidiennement les courses et avions été repérés, nous demanda le numéro de téléphone de nos hôtes, sous prétexte d’inscrire nos achats sur leur carte de fidélité s’ils en avaient une. Nous aurions été  bien incapables de le lui donner, même si nous en avions eu l’intention.

La suite du voyage nous inquiétait. Lundi 4 juillet, l’Indépendance Day, procurait un weekend end prolongé à tous les Américains qui en profiteraient pour prendre une semaine de vacances. Les problèmes d’hébergement allaient recommencer ! Quel casse-tête ! 

Lundi 4 – mercredi 6 juillet 2017 – Fort Bragg – 67 km

 

 

Tandis que nous fermions la porte du jardin de Willits et enfourchions les vélos dès 7 h du matin, des employés municipaux plantaient des drapeaux tout autour du square. Dans la rue principale des ribambelles de sièges pliants étaient alignés sur le trottoir, inoccupés pour l’instant, dans l’attente de la Parade du 4 juillet. La route n° 20 qui relie la plaine de Sacramento à la côte Pacifique traverse une région très vallonnée et une belle forêt de séquoias. 55 km plus loin nous retrouvions l’océan quitté voici presque trois mois après avoir caressé les baleines en Basse Californie. Soudainement nous plongions dans le brouillard et il fit froid Incroyable ! En 50 km nous avions perdu 17°. Nous sortions gilets et vestes. Les rouleaux frappaient une côte déchiquetée. Les mouettes et les cormorans pêchaient… Criel sur mer … J’avais tellement l’impression d’être transportée d’un seul coup sur une plage normande que je m’étonnais d’entendre parler Américain. Après la canicule, la fraîcheur. Après tant de mois de sécheresse, 95% d’humidité. Quel contraste !

Nous mangions nos céréales sur un banc face à un paysage style « côte sauvage » tout en regardant – et étant regardés par – une multitude d’écureuils gris vivant dans des terriers comme des lapins.

Une piste cyclable, bientôt devenue une simple ancienne route défoncée, nous amena à la plage de sable noir de Mackerricher, 5 km au nord de la ville. Malgré la température jugée par nous un peu basse, il y avait pas mal de monde, les uns assis sur des sièges pliants face à l’océan, les autres dormant enroulés dans leurs draps de bains. Quelques gamins jouaient à ne pas se faire mouiller par les vagues qui ramenaient de grosses algues sur le rivage. Pas très loin de là on pouvait observer une colonie de phoques affalés sur un rocher. 

Le camping était heureusement bien protégé du vent dans la végétation. Pour 5 $ par personne nous pouvions partager un emplacement réservé aux randonneurs et cyclos. Il allait seulement falloir supporter de jeunes Américains qui n’avaient certes pas appris la discrétion. Pas facile après ces quelques jours de solitude dans le jardin de Willits. Mais heureusement, à 22h, ce fut l’extinction des feux, comme dans tous les campings américains. « It is the law » (c’est la loi) et quand on a dit cela à un Américain, il n’a plus qu’à obtempérer, contrairement à d’autres pays où l’on s’en fout complètement, je ne donnerais pas de noms. Si nous n’avions pratiquement pas rencontré de cyclotouristes depuis le début de notre voyage, nous allions désormais en voir arriver tous les soirs. La Pacific Coast Bike Road est très réputée chez les cyclos américains ainsi que chez ceux qui font le fameux trajet Alaska-Ushuaia en deux ans. Au départ de Vancouver, cette Pacific Road rejoint San Diego, dernière ville avant la frontière mexicaine, sur environ 4 000 km. C’est, d’après les Américains,  « la plus longue véloroute du monde » (sic) – pourtant notre Eurovélo 6 de l’Atlantique à la Mer Noire doit bien l’être tout autant – et, bien sûr, « la plus belle du monde » (resic). Il faut les excuser, ça leur fait plaisir d’en être sûr et ils ne sortent pas beaucoup de chez eux.

 

Nous allions rester deux jours pleins à Fort Bragg afin de profiter des rares éclaircies pour croquer le paysage côtier la plupart du temps noyé de brouillard. De loin nous parvenait le son feutré d’une corne de brume. Sur un document touristique on pouvait être rassuré en lisant que juillet y est le mois le plus chaud de l’année, avec des maximum de 20°, à l’abri du vent bien évidemment. Pour ces jours la météo annonçait 17° à 15h, à condition bien sûr que le ciel puisse se dégager et le vent se calmer. Cela n’empêchait pas des vacanciers d’être en maillots de bains sur la plage tandis que d’autres étaient emmitouflés jusqu’au cou. 

d'autres sont en maillots de bains ... Où est l'erreur ?
d'autres sont en maillots de bains ... Où est l'erreur ?

Fort Bragg a vécu, jusqu’en 2002 de l’abattage et la transformation du bois. Malgré la côte rocheuse et la mer dangereuse, les grumes étaient chargées sur des navires puis, dans les années 50, la route et les camions prirent le relais. Il reste peu de traces de cette industrie, les structures, pour la plupart en bois, ayant pu être démontées facilement. En centre-ville est exposée une souche de séquoia abattu en 1943, un « Seigneur » âgé de 1 754 ans, haut de 100 m et large de 7, que les hommes se vantent d’avoir eu après 60 h d’efforts et qui finit débité en planches.

Jeudi 7 juillet 2016 – Elk – 46 km

 

Nous allions prendre notre temps sur cette côte Pacifique, faisant des étapes plus courtes que les semaines précédentes, d’abord parce que nous étions en avance sur notre programme et aussi parce qu’il y avait plus de campings avec des emplacements réservés aux cyclos et randonneurs. Des randonneurs en fait nous n’en verrons aucun.

La route n°1, beaucoup trop fréquentée, longe la côte rocheuse, de collines en criques, c’est-à-dire avec des montées et des descentes. A force de faire des tours et des allers-retours pour atteindre des points de vue nous rallongions l’étape. Nous avions une chance inouïe d’avoir autant de soleil, même si le vent restait vraiment frais. Petite pause à Mendosino, village très touristique composé de belles maisons de bois et où il n’y a rien à faire d’autre que s’enfermer dans un bar-salon de thé ou entrer dans des boutiques d’objets de luxe et souvenirs.

Les deux derniers kilomètres pour arriver chez Judy et son père nous réservaient une côte à 14%. Le brouillard avait maintenant complètement noyé le paysage et, si nous avions froid, cela ne nous empêchait pas d’être en sueur.

 

Nos hôtes habitaient une maison toute en bois et vitres, coiffée d’un toit à une pente couvert de capteurs solaires sur un grand terrain limité par de hauts sapins. Dans un enclos dormaient quelques moutons, dans un autre se pavanait un émeu. Dans un angle il y avait le bazar habituel de toutes les maisons américaines : des bâtiments de guingois de bois, tôles et bâches, quatre bagnoles et une vieille caravane de 4 m de large sur 15 de long pourvue de tout le confort et d’un grand lit qui allait être notre maison. Nous étions  conviés à dîner avec nos hôtes à 17h30 d’un verre de vin français et d’une assiette d’une sorte de goulasch ou irish stew fort bien venus. Une fois de plus cependant nous notions la frugalité du repas et nous faisions la réflexion : « Mais comment font-ils pour être aussi gros ? ». La discussion roula sur la pluie et le beau temps. La région reçoit plus d’un mètre d’eau par an. En revanche fuchsias, rhododendrons, hortensias et géraniums en pleine terre prouvent qu’il ne fait jamais très froid. Un climat très irlandais en somme. Judy nous conseilla de ne pas laisser les portes de la caravane ouvertes de peur de visites d’ours et de pumas. « Parce qu’il y en a vraiment des ours et des pumas si près de la côte ? » - « oui. Il m’arrive d’en voir en allant travailler et l’an passé un de nos moutons a été tué par un puma ». « Diantre ! »  - ou « My Godness ! », comme vous voulez.

Vendredi 8 juillet 2016 – Manchester -  36  km

 

 

Judy nous avait proposé de mettre nos bagages dans sa voiture le matin et de les récupérer 30 km plus au Sud, à la poste de Manchester où elle travaillait. Quelle aubaine ! Et nous la remercions du fond du cœur en grimpant une épouvantable côte qui, même à vide, nous fit mettre pied à terre. Un temps splendide, quasiment personne sur la route, un superbe  paysage de falaises et pitons rocheux. Ce fut une belle balade.

Il y avait deux campings à Manchester ; l’un dans les bois avec bungalows, épicerie, piscine, cuisine équipée, douches, etc. ; qui accueillait les cyclos pour 10$ par personne. Un autre avec deux WC et un point d’eau qui ne coûtait que 5$ par personne. Mais le deuxième était tellement beau, proposant des emplacements bien éloignés les uns des autres, comme des petits morceaux de nature, que nous décidions de nous passer de douche et de profiter de cette solitude. A 15 h le brouillard nous enveloppa mais la température resta étrangement douce.

Dimanche 10 juillet – Salt Point - - 68 km

 

 

Grand vent du nord qui couvrait la mer d’écume mais nous poussait dans les côtes. La route était belle, sillonnant en bord de falaise ou dans des bosquets de pins, mais étroite et toujours trop fréquentée à notre goût. Beaucoup de grosses villas et de lotissements résidentiels, toutes les maisons en bois évidemment. Pause devant la Sea Ranch Chapel, toute en bois elle aussi, œuvre contemporaine d’un artiste du coin. Ce lieu de paix et de création nous fit le plus grand bien. De plus en plus Européens, nous avons besoin d’art pour être heureux. 

la Sea Ranch Chapel
la Sea Ranch Chapel

Lundi 11 juillet 2016 – Jenner – 40 km

 

 

A Fort Ross il y eut un petit fortin en bois, témoignage de l’installation des premiers immigrants russes arrivés au 18èmesiècle et qui vécurent là d’agriculture et du commerce de peaux de phoques.

A 13 h nous étions à Jenner. Nous avions pris notre temps pour admirer en haut de chaque grimpette ce superbe paysage. C’est juste après Jenner que nous devions le lendemain bifurquer vers l’intérieur des terres par la route de Santa Rosa. Nous avions pour ce jour repérer sur Internet un camping à 12 $ pour les cyclos. Au Visitor Center pourtant on nous en indiqua un autre beaucoup plus près, au bord de la Russian River, sans aucun confort, même pas d’eau, mais gratuit. Qu’à cela ne tienne, nous trimballerions notre eau !
Une petite route descendait derrière, vers la rivière puis ce fut une piste et nous arrivions à l’entrée du Willow Creek campground. Ce n’était pas vraiment gratuit, non. C’était 25 $ ! Pour tout confort, des WC chimiques. Il fallait mettre l’argent dans une enveloppe puis dans une boite et un ranger passerait. Non seulement le gars du Visitor Center aurait pu le savoir, mais nous n’allions tout de même pas payer 25 $ pour des toilettes ! Tout d’abord nous décidions de passer outre, de nous installer, d’attendre et voir. Puis je me dis que si jamais un ranger venait nous taxer dans la soirée cela nous mettrait d’une humeur fracassante. Aux alentours des panneaux interdisaient le camping sauvage. Nous reprenions donc la route vers le camping tout d’abord prévu à 12 $, un peu plus loin. Il était 17 h passé quand nous y arrivions et là, nouvelle surprise ! Ce n’était pas 12 $, mais 45 ! avec pour tout confort un point d’eau et des toilettes. Et tous ces gens jetaient leur eau de vaisselle dans les buissons, faute d’évier. Et où se lavaient –ils et comment ? Car, pour ce prix là, il n’y avait évidemment pas de douche. Au point de vue hygiène les campings américains sont vraiment limites. Il y avait bien l’océan là tout près, mais personne ne risquaient de s’y baigner. La plage était annoncée la plus meurtrière de Californie. « Ne tournez pas le dos à l’Océan » était-il écrit sur de grands panneaux. 

Wright Beach, la plage la plus meurtrière de Californie
Wright Beach, la plage la plus meurtrière de Californie

Un vent glacial s’était levé. Nous étions frigorifiés et pourtant des gens mangeaient sur la plage. Des campeurs avaient choisi des emplacements face à la mer, en plein vent, et faisaient griller leurs saucisses sur le BBQ sans lequel un Américain ne saurait passer un weekend.

Nous lorgnions vers des emplacements de pique-nique situés à l’entrée. Camping formellement interdit. Nous faisions une fois de plus ceux qui n’ont pas tout compris auprès de la responsable. Elle était désolée mais c’était vraiment complet ; non, il n’y avait ni emplacement ni tarif spécial pour les cyclos. Il fallait aller au prochain camping, seulement 10 miles plus loin (16 km !). Nous jouions les épuisés, ne bougions pas de devant sa caravane, bref tentions de nous faire prendre en pitié. Et ça a marché. Elle téléphona à son supérieur et revint nous annoncer qu’elle avait l’autorisation de nous donner un carré d’herbe juste à côté des toilettes pour 10 $.

 

Mardi 12 – mercredi 13 juillet 2016 – Santa Rosa – 66 km

 

Nous revenions sur nos pas, retraversions la Russian River et remontions son cours vers Santa Rosa, vers l’Est. La route traversait une forêt de sequoias à l’ombre épaisse et fraîche, bientôt la bienvenue car nous allions rapidement retrouver la chaleur. Il y avait beaucoup de circulation sur cette route mais 15 km avant d’arriver nous bifurquions sur la droite, prenions à travers collines, vignes et oliviers et arrivions en ville par une belle piste cyclable, sans beaucoup de vélos.

 

Josh nous avait dit : « j’ai un ami qui parle Français et serait heureux de vous accueillir à Santa Rosa ». Nous faisions donc le détour pour rencontrer Paul. Et ce fut vraiment une bonne idée. Paul et sa femme Megan nous accueillirent de façon vraiment merveilleuse. A la retraite tous les deux, ils habitent un joli petit appartement dans une résidence qui en compte une trentaine répartis dans des maisons de bois entourées de végétation. Mais cette résidence a la particularité de fonctionner comme une coopérative. Les travaux d’entretiens sont faits en commun, le minuscule potager est aussi communautaire Nous étions présentés aux voisins  comme des originaux qui parcouraient le monde à vélo. Ils nous emmenèrent manger dans une sorte de pub une spécialité californienne : la Root Beer Ice Cream, une boule de glace à la vanille arrosée d’une boisson gazeuse 

avec Paul et Megan à Santa Rosa
avec Paul et Megan à Santa Rosa

Le centre-ville de santa Rosa n’est pas bien conséquent mais ce mercredi la rue principale était animée par un « marché nocturne ». Il n’y avait pas grand-chose à acheter sur ce marché qui me parut plutôt comme une « parade » américaine. Il y avait le stand des bouddhistes, celui de Jésus Christ, celui du Breton celte qui vendait des triskels, celui du Mexicain avec ses tacos et ses burritos, du thaï s’activant derrière ses gamelles. Il y avait le cyclo couché réclamant un air plus pur sur sa  pancarte, quelques jeunes artisans percés et tatoués vendant leur camelote, une chorale au coin de la rue qu’on n’entendait absolument car complètement couverte par un orchestre un peu plus loin de synthétiseurs et guitares électriques, un vieux beau déguisé en Elvis Presley fatigué poussant une rombière dans sa chaise roulante, un podium avec un noir qui chantait, entouré de nanas qui se dandinaient, tandis qu’à ses pieds des gens dansaient… Il y avait, il y avait pas mal de monde dans la rue, mais au bout d’une demi-heure nous en avions assez.
A Santa Rosa nous voyions les premiers noirs depuis notre arrivée aux Etats Unis, beaucoup de jeunes et beaucoup de SDF aussi qui campaient le long de la voie verte ou sous les ponts, quasiment les seuls à circuler à vélo.

Juillet 14 – vendredi 15 juillet 2016 – Bodega Bay – 48 km

 

 

Paul nous avait concocté un circuit pour rejoindre la côte « un peu difficile mais très beau » (sic). Mais dès la première longue montée, la sueur dans les yeux et la liquette trempée, nous options pour un trajet plus court, moins vallonné et plus ombragé. Et cela nous fit passer par le village de Bodega qui servit de cadre à Hitchcock  pour le tournage du film « les oiseaux ».

Bonjour Monsieur Hitchcock
Bonjour Monsieur Hitchcock

Inutile de préciser qu’en approchant de la côte Pacifique nous retrouvions fraîcheur et brouillard. Nous restions une journée supplémentaire à Bodega Bay afin de découvrir les environs, mais outre qu’il n’y a pas grand-chose à voir, le brouillard refusa de se lever de toute la journée et nous nous ennuyions copieusement.

Brouillard sur Bodega bay
Brouillard sur Bodega bay

Samedi 16 au lundi 18 juillet 2016 – Samuel P. Taylor Park – 70 km

 

Il a bruiné toute la nuit si bien que tout était trempé au matin. Nous partions vers 10 h par un épais brouillard qui se dissipa en fin de matinée et à midi nous déjeunions bras nus en plein soleil. Dommage que le vent ne soufflait pas dans le bon sens. Tout du long ce ne fut que des montagnes russes sur une route assez étroite et défoncée mais pas trop fréquentée. Dans la Tomales Bay plusieurs petites stations proposaient des huîtres, du crabe et du saumon mais bizarrement nous ne voyons, en passant, que des gens en train de manger des sandwichs.
La fameuse faille San Andrea passe à cet endroit le long de laquelle glissent les plaques continentales. Ce qui ne manque pas de provoquer de forts tremblements de terre comme celui de 1906 qui détruisit quasiment complètement la ville de San Francisco.

A Punta Reyes il régnait une ambiance de station balnéaire. Le tarif du camping nous fit fuir : 49 $ pour une tente ! On nous en signala un autre 10 km plus loin qui accueillait les cyclistes mais pas plus de huit. Pas le temps donc de faire une bonne pause. Il fallait arriver dans les huit premiers. Ces histoires d’hébergement nous agaçaient tellement que nous étions contents d’en finir dans quelques jours.

 

Le camping de ce soir là était situé en bordure de rivière dans un bois de très hauts séquoias qui empêchaient absolument le soleil de passer si bien qu’il y faisait glacial. Ici au 18ème siècle s’était implantée une colonie de pionniers qui avait construit un moulin à papier et une voie ferrée, puis un hôtel et un dancing, en utilisant bien sûr les séquoias millénaires du coin. Une photo de 1880 montre l’endroit complètement déboisé, mis à nu. En 1920 les lieux étaient abandonnés. On peut voir encore d’énormes souches d’arbres abattus. Leurs racines toujours vivantes permirent à des rejets de pousser, rejets qui ont atteint en 100 ans à peine des hauteurs de 50 m et plus et des circonférences tout à fait vénérables. En moins d’un siècle la forêt a reconquis l’espace.

Nous avions une journée d’avance sur notre planning, n’étant attendus par notre hôte de San Francisco que le mardi. Or il n’y avait aucun autre camping entre le Taylor Park et SF, exceptée une aire sans eau à 25 $ la nuit – mais là,on l’a déjà dit, on n’est pas d’accord. Nous décidions donc de rester trois nuits dans cette forêt un peu magique, mais cela n’allait pas être si simple. Les cyclistes, qui bénéficient d’un prix préférentiel, n’ont pas le droit de rester plus de deux nuits. Le lundi nous attendions la fin de la matinée pour remballer quelques affaires, et, tandis que Dany déplaçait la tente de quelques mètres, j’allais, vélo à moitié chargé et casque sur la tête, m’enregistrer à l’office sous mon nom de jeune fille, comme si nous venions tout juste d’arriver. Il était midi. La ranger de service me dit que l’heure d’arrivée permise était 14h. En l’occurrence je ne pouvais pas payer si tôt et nous devions attendre pour planter la tente. – « Mais mon mari l’a déjà plantée » - « Alors il doit l’enlever et la remettre à 14 h ». Je lui faisais remarquer qu’il n’y avait personne sur l’emplacement réservé aux cyclos et qu’il était affiché qu’on pouvait s’installer. « Oui, mais pas avant 14h. C’est le règlement ». Je partis en haussant les épaules, bien décidée à ne pas tenir compte de ses propos. Plus borné qu’un Ranger américain : deux Rangers américains.

Mardi 19 – vendredi 22 juillet 2016 – San Francisco – 54 km

 

Nous commencions par passer le pont, le fameux Golden Gate Bridge, avec la chance ce jour là de ne pas être dans le brouillard. Car il arrive bien souvent qu’on ne voit rien du tout de là haut. Il y avait un monde fou sur le trottoir réservé aux cyclistes et aux piétons si bien que nous descendions de nos montures pour réussir à voir un peu la baie et la ville plus loin en bas.

Cyndi nous avait donné rendez-vous dans un bar à vin et bière, en plein quartier chinois. Inutile de préciser que nous préférions une assiette de riz sauté et un thé à une bière avec un hamburger. Cyndi allait être notre hôte pendant 4 jours. Dans sa jolie maison  elle met à la disposition des cyclotouristes une belle chambre tout confort , dans un quartier très tranquille. Tellement agréable de finir un voyage dans ses conditions. 

San Francisco restera pour nous la ville des Chinois et des vélos, les Chinois n’étant pas forcément cyclistes et les cyclistes pas forcément chinois. C’est une ville pleine de contrastes avec ses tours et ses tramways rétros et ses quartiers de  maisons de bois. 

Et voici la fin de ce périple. Ca fait tout drôle mais finalement nous sommes assez contents de rentrer en France faire une petite pause, le temps de revoir la famille et les amis, et de retrouver les petites routes françaises, sans compter la bonne bouffe.

 

Demain nous nous envolerons pour Paris.

 

Nous avions démarré ici en novembre dernier.

Et nous finissons ici notre périple
Et nous finissons ici notre périple

Pour voir nos croquis réalisés aux USA, suivez le lien http://lescroquisdelescampette.jimdo.com/croquis-de-l-ouest-am%C3%A9ricain/