Voici maintenant deux semaines que nous sommes en Bulgarie.
Melnik, le 6 juillet
En arrivant le premier jour à Melnik, j’ai eu l’impression d’être passée directement des îles grecques arides à ce village montagnard entouré de falaises et ombragé d’énormes platanes. Nous n’étions qu’à 400 m d’altitude et pourtant le torrent dégringolait dans la verdure, les maisons étaient bâties de grosses pierres et de bois. Melnik est un village très touristique. Pratiquement chacune de ses grosses demeures est désormais un hôtel ou un restaurant et les magasins de souvenirs proposent du vin, du miel et des confitures locales. Nous y restions trois nuits dans un petit hôtel basic mais où nous furent servis des petits déjeuners pantagruéliques. Trois jours à prendre le pouls du pays, nous promener dans le village et jusqu’au monastère situé dans un alpage 7 km plus haut.
Le massif des Rhodopes
Je me faisais du souci pour la traversée du massif des Rhodopes et passer le col le plus haut à 1 700 m, Mais finalement nous en venions à bout sans trop de difficultés, avec quelques suées tout de même dans des côtes allant de 5 à 9 %. Aussi sommes nous trop chargés. Entre autres choses superflues nous trimballons dans nos sacoches 5 bouquins de poche et une bouteille d’Ouzo ! Mais l’avantage non négligeable, à cette saison tout au moins, en montagne c’est que plus on gagne de l’altitude plus l’air est frais. Il nous fallut monter jusqu’à 1 400 m d’altitude avant de redescendre sur Gotse Delchev et perdre 900 m en 10 km ! Nous retrouvions une ville à l’image de celles traversées l’an dernier, calme, large et aérée, avec des places et de nombreux bancs, et très peu de circulation. Il nous parut cependant que la région est moins pauvre que les bords du Danube.
Nous traversions un vaste plateau cultivé principalement de tabac et de maïs. Des travailleurs, hommes et femmes, étaient dans les champs, quelques voitures mais aussi des charrettes attelées à de petits chevaux garées sur le bord de la route. A Dronitsa les feuilles de tabac séchaient en guirlandes sous des appentis et il en émanait une bonne odeur de miel. Les femmes étaient habillées de pantalons bouffants, de gilets à manches longues et coiffées d’un fichu. Pendant ces trois jours de montagne dans un paysage très boisé nous traversions des villages ponctués de leurs minarets. C’était inattendu pour nous mais la région est peuplée de nombreux musulmans
.
A Sabotcha nous faisions une pause encas sur un banc public. Tsanko vint nous y rejoindre, trop content de pouvoir parler Français. Tsanko est professeur de gymnastique au collège local. Il a 54
ans et pendant ses congés d’été va travailler depuis trois ans aux travaux agricoles en France. Cela lui a permis d’apprendre le Français. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il doué
pour les langues, parce qu’atteindre un niveau pareil en 6 mois d’arrachage de patates, ce n’est pas donné à tout le monde. Cette année il n’a pas pu partir. Ce n’est pas que le travail manque en
France, mais les patrons ne proposent pas de logement. Et puis il faut trouver des compagnons pour partager les frais d’essence pour le voyage.
Le troisième jour, nous décidions de nous reposer au camping en bordure du lac de Batak, à 1 200 m d’altitude. Il faisait assez frais pour sortir les duvets. Non seulement le camping nous coûta le même prix qu’une chambre d’hôtel mais nous avions oublié que nous étions tombés un week end. Et ce fut, au menu : « beauf en daube à toute heure». Pour ponctuer notre séjour un groupe de jeunes en goguette, bien décidés à s’amuser et boire toute la nuit, vint s’installer juste devant notre tente. A 6 h du matin nous étions prêts à plier bagage sans l’intervention du gérant du camping qui vint les mettre dehors – un peu tardivement nous sembla-t-il.
Plovdiv
Dimanche 13 juillet nous arrivions à Plovdiv, d’abord avec 25 km de descente dans une gorge étroite et glaciale. A Peshtera nous buvions un café à une terrasse au soleil histoire de nous réchauffer. J’ai oublié de préciser que les Bulgares boivent d’innombrables petites tasses de café très noir à longueur de journée, au café, dans la rue ou autour des distributeurs automatiques. Une route toute plate allait directement à Plovdiv mais nous préférions suivre les collines au plus près et traverser des villages voués à l’agriculture fruitière. Pour une fois le GPS dont nous ne nous servons presque jamais nous permit de ne pas nous perdre parmi toutes ces petites routes campagnardes. Des étals de fruits et légumes étaient installés sur les trottoirs et nous nous régalions de pêches juteuses et mûres à point pour 0,50 € le kg
La première surprise que nous réservait Plovdiv fut une terrasse, un trou en plein milieu du centre ville, et en dessous des gradins de marbre. La rue est construite au dessus d’un stade romain de 240 m de long. Si nous nous attendions à voir un vieux quartier typique et de la peinture - grand plaisir dans ce pays où l’on aime l’art – nous ne nous attendions pas à autant de vestiges antiques. Nous passions deux jours à Plovdiv à flâner dans les vieilles rues pavées entre les superbes demeures du 19ème siècle, marchions dans le centre ville piétonnier très fréquenté par les locaux qui s’attablent aux terrasses de café ou mangent une glace le soir sur les places et dans les jardins publics. Le centre ville, malgré ses quelques bâtisses abandonnées aux côtés de façades fraîchement repeintes, est gai, décontracté mais des photos et des peintures montrent qu’il fait parfois très froid dans la région et que tout peut devenir alors carrément sinistre.
Bachkovo, le 16 juillet
Partis sous la pluie nous suivions une route très fréquentée, avec de nombreux camions. Heureusement nous n’avions que 30 km à parcourir, ce qui nous prit tout de même plus de quatre heures compte tenu des longs arrêts sous un parasol, une avancée de toit ou un garage pour nous mettre à l’abri de la pluie battante. Nous apprendrons qu’il y a eu de très gros orages à nouveau sur la côte de la Mer noire, entraînant des inondations. Les vendanges ne s’annoncent pas bonnes ainsi que la récolte de paprika dont la Bulgarie est un gros producteur. Peu après le village de Bachkovo une voie pavée monte au monastère entre deux rangées de stands de souvenirs et de café-brochettes-boulettes de viande. C’est la voie sacrée en quelque sorte.
Une voûte d’entrée décorée de fresques et l’on pénètre dans une cour dallée d’énormes plaques de pierres et entourée d’une galerie à arcades. De grands arbres, une église typiquement byzantine et les montagnes hautes et sombres qui enchâssent tout cela. Que c’est beau. Nous voyant quelque peu interdits un homme nous demanda en Anglais s’il pouvait nous aider. « Est-ce qu’on peut passer la nuit ici ? – « oui, bien sûr ! Nous avons des chambres avec salle d'eau commune à 5 Lb par personne, ou avec salle d’eau privée à 10 Lb » (soit 10€ pour nous deux). Soyons fous, prenons le grand confort. Persuadés de dormir en dortoir, quelle ne fut pas notre surprise quand le moine hospitalier nous ouvrit sur la galerie du premier étage la porte d’une chambre claire et spacieuse, avec une grande salle de bains, deux fenêtres donnant sur la montagne. Nos vélos furent mis sous clefs dans le cellier, entre les étagères chargées de bouteilles de vins et liqueurs aux belles couleurs ambrées, de gros bocaux de confitures et conserves. J’étais très impressionnée le soir, lorsque la lourde porte cloutée fut refermée derrière les derniers visiteurs, de nous savoir logés avec cette dizaine de moines à barbe de Père Noël. Et je me souvins d’un autre monastère dans lequel nous avions passé la nuit. C’était en Birmanie voici deux ans… Les moines d’ici, sévères et tout en noir, allaient-ils se faire un karaoké d’enfer cette nuit comme cela
avait été le cas chez les bonzes ?
L’intérieur de l’église, noir du sol à la coupole, est entière peint de fresques complètement masquées par la suie des cierges. Comme nous l’avions vu faire l’an dernier près de VelikoTarnovo, nous avions envie de prendre un peu d’eau savonneuse et une minuscule éponge pour révéler les couleurs. Mais nous apprenions qu’un nettoyage a déjà été fait il y a trente ans et que cinq ans plus tard c’était déjà à refaire. Une telle salissure causée seulement par quelques petites flammes (en fait plusieurs centaines de cierges allumés chaque jour) offerte au dieu !?
Nous marchions une bonne demi heure par un sentier bien tracé dans la montagne, jusqu’à une prairie dominée par des sommets rocheux et abrupts, et arrivions bientôt à une petite chapelle toute blanche dans son enclos, protégée par un érable gigantesque et tricentenaire. C’est la chapelle de Kluvia, construite à l’emplacement où fut retrouvée la sainte icône cachée pendant l’occupation turque et qui attire foule de fidèles au monastère. C’est d’ailleurs sans doute pour la protéger qu’un policier armé est au monastère de l’ouverture à la fermeture des portes. Mais revenons à Kluvia. C’est un endroit très clos, enfoui dans les bois. On n’y entend qu’une cigale pour peu qu’on y soit seul comme ce fut notre chance. Nous y passions une heure délicieuse à dessiner. Avant de rebrousser chemin nous faisions quelques pas plus loin, puis encorequelques-uns, et découvrions un escalier qui grimpait le long d’une roche jusqu’à une petite grotte avec des restes de peintures murales. J’y aurais bien vu un petit bouddha doré sous d’autres cieux. L’escalier contourna la roche, se transforma en chemin et ce fut une petite église aux parois intérieures couvertes de fresques à peine esquintées. La porte était peinte en bleu, ainsi que le banc sur lequel nous nous asseyions pour manger nos gâteaux secs, toujours dans un profond silence.
C’est le son métallique du marteau sur la simandre de bois qui nous prévint qu’il était 7 h et que les « mâtines »
allaient commencer. La lumière entrait à flots par les fenêtres sans rideau de notre chambre et le ciel était à nouveau bleu.
Nous avons eu du mal à quitter notre monastère et entrions une dernière fois dans l’église pour écouter les chants religieux avant d’enfourcher les vélos.
Contrairement à notre idée de rejoindre Sofia, nous prenions la direction de Stara Zagora où nous n’avions fait que passer l’an dernier. Après avoir traversé le massif des Rhodopes nous voulons faire une petite incursion dans la chaîne centrale.
A Kazanlak, café frappé au coin d’une rue puis nous cherchions le « complexe » Kransko, situé à 3 km du centre. Les bâtiments avaient l’air de dater de l’époque communiste. On se pose souvent la question : « ça fonctionne encore ? C’est ouvert ou fermé ? » C’était désert, mais ouvert. C’était marqué « camping » mais il n’y avait pas de point d’eau pour faire la vaisselle. En fait, il n’y avait rien sauf un grand pré planté de grands arbres et le chant des oiseaux.
Impossible de partir très tôt quand on campe, surtout avec la condensation et la rosée qui font que la toile de tente est aussi trempée à l’intérieur qu’à l’extérieur. Pourtant le ciel était bien dégagé et le soleil était chaud dès 8 h du matin. Nous prenions la route de Sofia, plein Ouest, tracée au cordeau dans cette large « Vallée des Roses » où nous verrons surtout du maïs et du blé. Quelques roseraies semblaient abandonnées, envahies par les herbes. Trois grands champs de lavande, et dans l’un d’eux des ouvriers qui faisaient la récolte, faucille à la main. Des arbres fruitiers et des noyers. Tout semblait bien pousser dans cette région. Nous longions, sur notre droite, une haute chaîne de montagnes très vertes qui culminaient à 2 300 m. De l’autre côté de ce massif nous savions la grande plaine qui s’étend jusqu’au Danube.
Sofia, nous n’irons pas. Pas envie d’être en ville.
Notre but était Karlovo, la ville de Vassily Levsky, héros révolutionnaire vénéré. Mais ce qui nous retint dans cette ville, c’est sa vieille rue pavée et son parc qui vient
buter contre la montagne, véritable mur qui protège la ville du vent du Nord. La rue qui partait de la place principale se transforma bientôt en allée de parc, longea un torrent impétueux, et
aboutit à une petite centrale électrique. Derrière le bâtiment au pied des pipelines qui semblaient tomber du ciel et captaient l’eau au sommet de la montagne, un bassin naturel dans les
rochers invitait à la baignade. A 6 h du soir les jeunes en redescendaient par groupes, serviette à l’épaule. Et comme toujours dans ce pays, des gens se promenaient, tranquillement,
dans le silence, sous de grands beaux arbres, entre autres érables et noyers vénérables.
Nous avions prévu une journée entière à nous promener et dessiner dans le vieux quartier pavé aux allures de village, mais passions toute l’après-midi enfermés dans notre chambre tandis que dehors les orages se succédaient.
La visite de Troyan et son monastère nous tentait. Il suffisait de passer un col à 1 500 m. Nous l’avions déjà fait. Toutefois, par curiosité, nous allions voir le tracé de la route chez Google. 1 000 m à gagner en 10 km, avec des côtes de 15 à 25 % ! Diable ! Nous laissions tomber Troyan.
Nous attendions que le premier orage de la journée s’achève pour quitter Karlovo. Tout était trempé et les odeurs de végétation en étaient exaltées. Aux montagnes couleur d’encre s’accrochaient des bandes de nuages gris clair. Nous espérions bien atteindre Isaria sans être mouillés mais il s’en fallut de 2 km. Et nous dûmes attendre, sur le bord de la route, tandis qu’une pluie drue et dure comme grêle nous cinglait le dos.
Isaria est une ville thermale, une petite ville jardin un peu désuète et l’on se promène dans les ruines romaines ombragées de grands tilleuls et érables. Quelques hôtels neufs et beaucoup de gros bâtiments, complexes hôteliers ou pensions de famille abandonnés aux herbes folles, toits crevés, vitres cassées. Là encore beaucoup de monde dans les parcs et sur les bancs publics. Nous faisions comme tout le monde et remplissions notre bidon à l’une des fontaines d’eau minérale. Surprise, l’eau était chaude.
Une route de campagne, entre vergers et champs de tournesols, traversant des villages agricoles, avec les montagnes – celles qui nous séparaient définitivement de Troyan – sur notre droite. A 8 h du matin c’était le bonheur des fraîches matinées d’été.
Vers midi, nous déjeunions sur un banc tandis que le ciel s’obscurcissait dangereusement. Il restait 25 km de montagne à parcourir. Après avoir un peu hésité
nous partions pour ce dernier tronçon et commencions à grimper à travers une forêt de feuillus et pins mêlés. La côte dura 20 km pour atteindre 1 200 m et ce fut alors un plateau très beau,
très « cantalien », avec en fond de toile des sommets à 2000 m et plus. J’aurais bien mis des troupeaux de Salers en pâturage dans ces prairies, mais il n’y avait que des champs de
pommes de terre.
Nous arrivions bientôt à Koprivshtitsa où la première maison hôtelière où nous demandions le prix d’une chambre fut la bonne : 17 € avec cuisine toute équipée à
disposition. Ce qui ne nous empêcha pas de goûter à une spécialité de Bulgarie, lekavarma, mélange de poulet, fromage, œufs, tomates, poivrons, enfin tout ce qui leur tombe sous la main
semble-t-il, cuit dans un pot de terre. C’est bon.
En entrant dans le jardin de la maison d’hôtes, à la vue de ce couple assis tranquillement et que nous dérangions, qui se leva pour nous accueillir, je nous ai vus au Kouloury. « Zut, voilà du monde et tant mieux s’il y a du monde ».
Le village de Koprivshtitsa est en fait un gros bourg de montagne qui s’étire des deux côtés d’une petite rivière. Ce ne sont que des ponts et des ruelles pavées entre de grosses maisons du même style que celles de Plovdiv, mais c’est pourtant encore autre chose. D’abord parce qu’elles sont souvent entourées d’un jardin ombragé ou d’une cour fermé de hauts murs, ensuite parce qu’elles sont construites essentiellement de bois. Celle dans laquelle nous logions, la « Bobihouse », était typique. De la rue on apercevait la façade du bâtiment principale peinte d’un beau bleu azur et un grand porche de bois protégé par un auvent de tuiles. Sur les côtés des battants du portail des poutres incurvées s’avançaient en contrefort. Passé le porche on pénètre dans une cour, ici transformée en un jardin gazonné et très fleuri, entourée de bâtiments secondaires. L’un était une grange ou un abri sous lequel s’empilaient les bûches pour l’hiver, l’autre une maisonnette aménagée en maison d’hôtes. Classée ville musée, Koprivshtitsa fut habitée par de riches marchands ensuite partis s’établir à Sofia. Six de ces grosses maisons de bois sont transformées en musée. Nous notions, comme dans les maisons de notables de Plovdiv, le grand hall central et les chambres aménagées tout autour. En revanche les intérieurs étaient beaucoup plus modestes et le mobilier se résumait à des banquettes recouvertes de tissus très colorés, des coffres de bois et des placards de bois sculpté en noyer. Les planchers étaient recouverts de superbes tapis de laine feutrée, blancs à motifs bleus ou rouges, fabriqués ici même et vendus dans toute l’Asie Mineure. Il est tout de même étonnant qu’une vie intellectuelle intense se soit développée dans cette bourgade coincée dans les montagnes, pas facile d’accès, au milieu du XIXème siècle, à cette époque appelée par les Bulgares « Renouveau National », au moment de la révolte contre l’occupant ottoman. De nos jours, Koprivshtitsa tente de vivre du tourisme, bien qu’en plein mois de juillet il n’y ait quasiment personne.
Nous discutions un peu avec notre hôte qui parlait Anglais. Il fait froid ici l’hiver et la neige peut atteindre un mètre. On allume poêles et cheminées dès le mois de septembre, quand les gelées blanches commencent et le chauffage est nécessaire jusqu’au mois de juin. Cependant les étés sont habituellement chauds et secs, au contraire de cette année où il pleut beaucoup plus que la normale. De l’avis de notre hôte c’est peut-être à cause des Russes. « Tout ce qui est mauvais vient-il des Russes ? » lui demandai-je en riant, croyant à une bonne blague. « Non, mais, vous savez, l’Europe a dit « non » au gaz russe, et alors il se pourrait qu’ils envoient des choses dans le ciel pour se venger… »
Nous nous trouvions bien à cette altitude et dans ce décor et décidions d’y rester quelques jours. Mais un mariage envahissant notre maison d’hôtes, il nous fallut déménager. Et nous fûmes logés dans une maison traditionnelle toute en bois, exactement comme celles que nous dessinions à longueur de journée. Un orage avait rafraîchi les températures et nous supportions couettes et couvertures.
Des avis de décès, avec photos, sont placardés sur quasiment toutes les portes des maisons du village. Car bien sûr chaque demeure a ses défunts. Les mêmes sont d’ailleurs affichés aussi chez les amis ou les autres membres de la famille. Si bien qu’on ne doit pouvoir entrer chez quelqu’un ou aller visiter un voisin sans qu’il soit rappelé dès l’entrée : « vous vous rappelez, mon mari, ou ma femme est morte ». Ou bien « j’ai perdu un fils ». Et cela peut dater de plusieurs années, les affichettes déchirées étant remplacées. Comment alors afficher sa joie de vivre et la déverser alentours ? Comment ne pas prendre une mine compassée à chaque visite ? Et comment ouvrir sa propre porte et être accueilli chaque fois par la tête de son cher disparu ? Comment faire son deuil ? Et l’envie de crier : « Eh les morts, laissez nous vivre un peu ! »
Monastère de Rila
Au matin le ciel était encore très couvert et nous prenions la route avec la conviction de se faire rincer avant midi. A Dupnitsa nous rejoignîmes la Nale 1 qui
relie Sofia à Thessalonique, deux voies seulement et un intense trafic, autant de camions que de voitures particulières. Nous parcourions les vingt kilomètres sur cette route infernale bon
train et sans pause, soulagés seulement en prenant enfin à gauche la route de Rila.
Vers le Sud, c’était la Grèce et le ciel y était bleu. Nous allions aborder cette fois ci, après l’avoir contourné, le massif de Rila par l’Est, et dès le début de la montée de lourdes nuées nous
menacèrent à nouveau. 22 km avant le monastère il y a la bourgade de Rila, sans attrait, avec trois petits supermarchés où nous ne sûmes pas quoi acheter. Nous verrions près du monastère, il y
aurait bien quelque chose. Et nous continuions à monter, tantôt suffoquant de chaleur, tantôt rafraîchis par les nuages et les passages très ombragés d’une forêt de hêtres le long d’un torrent.
Et la pluie se mit à tomber violemment au moment où nous mettions pied à terre devant le monastère dans la cour duquel nous nous engouffrions avec les vélos comme dans une bouche de métro pour
aller nous abriter sous la galerie à arcades. Nous cherchions la réception de l’hôtellerie, espérant pouvoir coucher dans le monastère. La porte était fermée, malgré les horaires d’ouverture
indiqués. Nous attendions. De toutes façons il pleuvait trop pour chercher plus loin. Le moine hospitalier arriva enfin et nous annonça la couleur : « Dans le monastère, c’est 20 Lb le
lit en dortoir (20€ à nous deux), avec toilettes communes mais pas de douche et pas d’eau chaude. A l’extérieur, il y a l’hôtel du monastère où la chambre avec salle d’eau privée est à 50 Lb
(soit 25 €) ». La sueur nous glaçait le dos et nous étions une fois de plus trempés du fond de culotte jusqu’à la casquette. Il y avait bien un camping quelques kilomètres plus loin, mais le
temps ne nous incitait guère à planter la tente. Lorsque la pluie se calma nous allions donc prendre une chambre un peu sinistre hors les murs dans un hôtel tenu par des gardiens de prison. Le
restaurant de l’hôtel était indiqué comme servant une savoureuse cuisine bulgare dans le Lonely Planet. Nous y attendions plus d’une heure une saucisse grillée servie sans aucun accompagnement
sur fond de musique rap, les frites de garniture étant arrivées bien avant. C’était cher et pas terrible. Nous remontions dans notre chambre manger un bout de fromage et boire une camomille en
nous disant que la magie du séjour au monastère de Bachkovo ne saurait se renouveler.
Bachkovo est le deuxième monastère de Bulgarie après celui de Rila. Et nous l’avions senti habité. Le responsable des « nourritures terrestres » qui nous avait accueillis et le guide qui parlait Français avaient tout à fait l’air d’être chez eux. C’était un peu leur monastère et ils l’aimaient.
Ici, à Rila, tout était beaucoup plus anonyme et plus froid. Les lieux étaient superbes, l’architecture de ces bâtiments classés par l’Unesco exceptionnelle sans doute, l’église immense et couverte de peintures, mais voilà, ce n’était plus qu’un monument à visiter.
Le lendemain dès 9 h nous étions au monastère, non sans avoir attendu que la première averse de la matinée se termine. C’était l’heure d’une messe qui rassemblait tout de même 5 moines et une vingtaine de fidèles, locaux et randonneurs ayant logé dans les lieux. Nous traînions dans la cour, prenions quelques photos, retournions dans l’église admirer les fresques dont la quantité, à mon avis, est plus impressionnante que la qualité, mais rien ne se passait. Toujours aucune émotion. Nous décidions donc de quitter les lieux, contrairement à une première idée de passer le week end ici. Le Lonely Planet indiquait une très belle prairie avec vue grandiose 7 km plus loin. Nous reprenions donc la route qui continuait à grimper le long d’un torrent, à travers une forêt de grands hêtres. Tout était trempé des pluies de la nuit et de celles du matin. Et nous arrivions enfin au niveau d’une petite prairie, en bout de route, avec des départs de randonnées auxquels nous ne comprenions rien, deux buvettes et un restaurant. Mais de la vue, nous ne devinions qu’un bout de crête encore mille mètres plus haut, le reste étant noyé dans le brouillard qui ne tarda pas à se transformer en pluie. Nous filions maintenant vers Rila, 22 km plus bas, espérant y trouver un peu de chaleur et une chambre. Peu avant le bourg il y a une petite nonnerie, simple grosse maison dans une cour pleine de fleurs et une chapelle peinte de fresques qui, elles, surent nous émouvoir. Et ce fut à nouveau l’ orage tandis que nous cherchions une chambre agréable dans nos prix, vainement. Hôteliers et propriétaires de chambres à louer nous accueillirent comme des emmerdeurs et nous dirent des tarifs sans rapport avec ce qu’ils proposaient. Nous continuions vers la prochaine bourgade quelques 6 km plus loin. Pas le choix : un seul hôtel, mais où nous fut proposée une grande et belle chambre avec terrasse, ce qui nous permit de dîner d’une salade.
« Clac-clac-clac ». Mon vélo fait un drôle de bruit. Je m’arrête. Le bruit continue. Je lève la tête. Juste au-dessus de moi, au sommet d’un poteau, deux cigognes discutent.
De notre terrasse nous avons la vue sur les montagnes du massif du Rila à plus de 2 700 m d’altitude, toujours dans les nuages et parcourues de brume et, tout près de nous, deux nids de cigognes dont nous suivons les allées et venues pour nourrir les petits. Il ne nous reste plus qu’une centaine de km pour arriver à la frontière Macédonienne. Nous allons encore une fois changer de monde, tout en restant dans ces Balkans si montagneux et orageux.
PS. Passé dans un bourg spécialisé dans ... le PQ ! Tout au long de la rue principale, des kiosques proposant des rouleaux par 2-4-10-12 ou 24...
« Il est très bon en voyage d’emporter, outre son sac, provision d’entrain, de gaieté, de courage et de bonne humeur » (Toepffer)
Dimanche 17 août 2014
Nous passions les deux premiers jours en « Ex République Yougoslave de Macédoine » dans le Monastère St Joachim de Kriva Palanka Il est moins richement ouvragé et décoré que les deux précédents visités en Bulgarie. Tout y est plus simple. Pas de pope, pas de messe, pas de chants. Mais on s’y sent bien, sans hauts murs cachant l’extérieur, sans lourde porte fermée. Des terrasses dallées reliées par des volées d’escaliers, certaines ombragées de treilles, s’ouvrent sur un paysage de montagnes très boisées. Nous quittions les lieux par la route Skopje – Sofia peu empruntée et facile.En fait le poste de douane par lequel nous étions arrivés ne semblait pas très utilisé.Sur le bord de la route, des gens attendaient le passage d’un camion, bidons pleins de lait à leurs pieds. Notre but : Kumanovo, 65 km plus loin où il n’y avait sûrement rien à voir. Nous n’avions décidément pas l’âme citadine et freinions un peu à l’idée d’aller dans la capitale macédonienne. Il n’était pas 11 h qu’un orage menaçait déjà.C’est alors qu’un panneau touristique nous attira : « Kratovo, ville des ponts de pierre et des tours. Un tourisme alternatif ». C’était à 20 km sur notre gauche. Nous tournions le dos à l’orage et pédalions bon train sur la petite route de Kratovo, dans un paysage campagnard de basse montagne. Les hameaux sentaient la paille et le purin mais les maisons, entourées de beaux potagers, nous parurent cependant plus récentes et moins fatiguées qu’en Bulgarie, les gens moins réservés aussi et il y eut quelques signes bonjour à notre intention. En fait il semble que les Bulgares aient pris l’habitude de ne surtout pas s’occuper de ce qui ne les regarde pas, si bien que la plupart du temps nous avions l’impression d’être invisibles.
Kratovo est une grosse bourgade animée en fond de vallée, avec des rues pavées et des ponts. Le ciel était si menaçant que nous décidions de chercher d’abord une chambre. Le seul hôtel affichait quatre étoiles, 46 € la chambre. Ce n’est certes pas cher pour un quatre étoiles, mais c’était tout de même trop pour notre bourse. Nous mangions notre pita sur un banc à côté d’une terrasse de café remplie d’hommes à grosses voix et parlant fort. Comme en Serbie, nous étions dans un pays essentiellement masculin. Au bout d’un moment, comme nous n’attirions la curiosité de personne, j’allais demander à l’épicerie voisine s’il y avait des chambres à louer . Oui, il y avait peut-être quelque chose. Mais en dépit de tous ses efforts, elle ne trouva jamais rien. A Probistip, 17 km plus loin, nous devrions trouver moins cher. Le ciel s’était dégagé, il faisait très chaud, et nous repartions sans rien avoir vu de Kratovo. Deux bonnes côtes, une descente, et nous arrivions dans une ville laide, avec un hôtel laid dans lequel nous devions être les seuls clients, et un supermarché bruyant et vide derrière la station essence. Le temps de prendre une douche et tenter d’inventer un repas avec ce que nous trouvions dans le magasin et il se mit à pleuvoir.
Départ de bonne heure de Probistip, en fait dès 7 h du matin car nous étions restés à l’heure bulgare.
Route de campagne facile entre des rizières dont la présence nous surprit. Finis les noyers plantés sur le bord de la route pour faire de l’ombrage. Après environ 30 km nous rattrapions la route plus fréquentée Stip-Veles. Et c’est 10 km plus loin que le cours des choses changea.
Un quinquagénaire rentrait chez lui au volant de sa voiture. Et en une fraction de seconde, cet automobiliste « honnête », à cause de son addiction au téléphone, partagée par 80% de l’humanité, se transformait en chauffard, fuyard, et aurait bien pu être aussi un meurtrier s’il y avait eu deux piétons sur le bas-côté de la chaussée. Mais il n’y avait que deux cyclistes qui roulaient. Dans son mouvement de volant incontrôlé, il les heurta l’un après l’autre par l’arrière, les faisant valdinguer tous les deux. Il s’arrêta, descendit de voiture, constata que son pare choc était cassé, et à la vue des deux cyclistes par terre, s’écria « Oh ! Mon téléphone ! », se remit au volant et embraya. Mais Dany, car les deux cyclistes, c’était nous, était déjà debout. Je me relevai à mon tour. Pas de panique. Nous avions tous nos abattis. Des gnons et des écorchures. Plus de peur que de mal. Mais les vélos, eux, étaient par terre, sacoches arrachées. Le mien surtout était bien amoché, ayant été touché exactement à l’arrière, contrairement à celui de Dany qui avait été heurté au niveau d’une sacoche. Quand je vis mon cher biclou tordu de douleur sur le talus, je crus bien l’avoir perdu pour toujours, mais le matos chinois, c’est du costaud je vous le dis. Nous ramassions le tout tant bien que mal, portions bagages et vélos par toutes petites étapes, tout en claudiquant, jusqu’à un parking situé quelque 300 m plus loin. Des vendeurs de fruits et légumes occupaient ledit parking. Je demandais si quelqu’un parlait Anglais, ou Allemand. Un jeune fut appelé à qui j’expliquai ce qui venait de se passer et s’il pouvait appeler la police. Ce qu’il fit. Gentils les Macédoniens, mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils manquent de spontanéité. Nous aurions été en Chine, cela n’aurait pas été pire. Il fallut demander un verre d’eau pour que l’on nous en donne un pour deux, une fois, pas deux, pendant les trois heures que nous allions rester là, le temps que la police arrive, que nous racontions trois ou quatre fois la même chose, que des photos des vélos endommagés soient faites, qu’une ambulance arrive avec des infirmières prêtes à m’embarquer à l’hôpital à cause d’un gros bleu à la fesse, en laissant Dany et le matériel là, sur le bord de la route – bah voyons !-. Elles se donnèrent bonne conscience en désinfectant mes bobos – ce que j’avais déjà fait moi-même. Les flics apparemment ne savaient pas quoi faire de nous. Ils téléphonèrent à l’Ambassade de France à Skopje qui ne pouvait pas grand-chose non plus. Je finis par leur demander de trouver un camion qui nous emmène à la ville la plus proche et nous dépose dans un hôtel. Il se trouvait justement là trois hommes avec une remorque de dépannage. Ils se proposèrent gratuitement et en 20 minutes de conduite rapide de la main gauche, tout en téléphonant de la main droite, nous amenèrent dans un hôtel 3 étoiles, on se demande bien pourquoi vu l’état des installations, à 50 € la nuit, prix rabaissé à 40 € parce que nous étions accidentés ! Il était 17 h, nous n’avions rien mangé. Dany remit son vélo en état de marche et repartit jusqu’en ville, à 3 km de là, pour chercher de l’argent et quelque chose à manger. Nous n’avions pas le courage d’affronter la musique tonitruante du restaurant de l’hôtel.
Nous arrivions le lendemain à Skopje en taxi, vélos accrochés à l’arrière, qui déposait mon destrier blessé dans un atelier de réparation (j’en avais trouvé un sur Internet), puis nous-mêmes dans une Auberge de jeunesse trouvée également sur Internet.
Puisque nous étions à Skopje, nous allions visiter un peu. Le centre de la capitale est en pleins travaux. Des bâtiments monstrueux, néo antiques, un arc de triomphe, des sculptures de personnages historiques en veux-tu en voilà, à commencer par un Alexandre le Grand gigantesque sur la place centrale, rebaptisé pour ne pas s’attirer trop d’ennuis avec les Grecs, « le grand guerrier à cheval », des fontaines, des passerelles piétonnes sur la rivière, tout cela en marbre blanc et bronze… Un vrai Disney Land imaginé par un gouvernement complètement mégalo qui se revendique une identité macédonienne descendant de l’antiquité, de Philippe et son fils Alexandre. Et il faut se répéter devant cette folie financière : « La Macédoine ne compte que 2 millions d’habitants.» Skopje est l’image d’une ville de dictateur, ni plus ni moins. Ces investissements, dans un pays où tout semble à faire question équipement, ne plaisent pas à tout le monde. Le monument à la mémoire de Mère Térésa, enfant du pays est plus modeste. Pour en savoir un peu plus sur les aménagements de Skopje, voir sur Internet Skopje 2014 et Skopjechez Wikipedia
Comme nous avions faim nous achetions une part de pita au fromage que nous mangions dans la rue. Et tout le monde nous regardait, certains avec un sourire, d’autres non. Et nous réalisions que personne ne mangeait ni ne buvait dans la rue dans cette ville, personne même ne marchait cannette en main comme c’est devenu la mode un peu partout. C‘est peut-être la raison pour laquelle le centre-ville est propre. Mais, même plus tard dans la station balnéaire d’ Ohrid et sur la plage nous ne verrons jamais quelqu’un boire ou manger en extérieur.
Petit tour dans le quartier musulman dit « vieux bazar ». Des ruelles, des mosquées, mes magasins de mode préférés avec robes à paillettes et perlouses et manteaux gris boutonnés jusqu’en haut et descendant jusqu’au pied. Le quartier est devenu celui des bars et restaurants de la ville, magasins souvenirs. Nous y buvions un café turc – ou grec ou macédonien au choix- délicieux sous un platane en attendant l’ouverture d’un petit musée didactique aménagé dans un ancien amam.
Jamais vu autant de plaques d’avocats et de notaires qu’en Macédoine. Je fais provision aussi dans les très nombreuses pharmacies de Paracétamol à 0,20 € la boite.
Ce petit pays est envahi par la bagnole et nous remarquions la conduite anarchique des automobilistes. Il n’est pas rare de voir un feu rouge grillé et il faut vraiment être très prudent pour traverser la chaussée. Les carrefours, passages piétons et terre-pleins au centre des carrefours sont traversés par les voitures dans le sens qui les arrange pour tourner au plus court ou bien aller se garer à un emplacement repéré de loin. Stops, passages piétons, bandes blanches, priorités à droite, interdictions de doubler et limitations de vitesses sont des notions totalement inconnues des conducteurs macédoniens et tout dessins sur la chaussée –tels justement les passages piétons et les bandes blanches – sont purement décoratifs. Les vélos circulent également dans n’importe quel sens, et bien souvent à contre sens. C’est un peu à la cambodgienne, mais plus rapide. Et bien sûr tout le monde a une main occupée par le téléphone portable, même les cyclistes et chauffeurs de bus. Le téléphone est devenu l’objet fétiche des conducteurs. Dès qu’on se met au volant on sort son téléphone, un peu comme les vieux Grecs sortent leur komboloï en s’asseyant à une terrasse de café. Les bus sont rouges et à impériales. Rachetés d’occasion à l’Angleterre ? Pas du tout, neufs et fabriqués en Chine.
Nous passions 4 jours à nous reposer dans cette Auberge de Jeunesse très calme. Les deux premiers jours nous aurions dormi tout le temps. Etait-ce le contre coup ? nous étions crevés. Et puis le 4ème jour, alors que nous passions devant une agence de voyage affichant des bus pour Vienne, Daniel émit l’idée de changer d’itinéraire et de rallier le Danube pour poursuivre en terrain plus plat que l’Epire prévu. C’est vrai que j’avais toujours mal à mon genou et à la hanche et je n’y vis pas d’objection. Mais aussitôt les billets pris je regrettai cette décision. Quoi, pour un simple bleu nous remettions un voyage en question ? Et nous allions encore passer deux semaines dans cette Allemagne si peu aimable ? Sous la pluie qui plus est , car la météo n’était guère optimiste et nous annonçait des 19° contre 30° ici. C’était assez stupide et nous aurions peut-être pu aller continuer à nous reposer vers Ohrid avant de reprendre tout simplement notre itinéraire. L’idée de retourner en Autriche et en Allemagne me mettait de mauvaise humeur. Nous annulions notre billet et prenions un bus pour Ohrid.
Le 12 août nous arrivions dans cette station de vacances très peuplée à cette saison, au bord d’un lac à 600 m d’altitude, par le bus en fin d’après-midi sans rien avoir réservé et un peu inquiets quant au prix qu’il allait falloir payer pour se loger. Il y avait bien des campings à quelques kilomètres de la ville mais j’avais juré de ne pas camper un week end de 15 août. A la descente du bus deux femmes nous proposèrent des chambres à 6 € par personne. D’accord. La chambre était située dans une maison particulière tout près du centre, à 5 minutes à pied du lac et dans un quartier très calme. En fait nous avions le choix entre une chambre simple mais petite à 12 € et une grande chambre avec balcon à 18 €. Nos habitudes de luxe et de grandeur nous firent bien évidement choisir la seconde.
Nous étions tellement épuisés par ces trois heures de bus que je me demandais dans quel état nous serions arrivés à Vienne après une nuit entière de route. Une pizza au coin de la rue et nous rentrions nous écrouler sur notre lit.
Un réchaud nous permet de nous faire chauffer quelque chose dans un coin de la cour de notre guesthouse, mais nous commençons à ne plus savoir quoi inventer pour dîner. Les rayons de supermarchés sont bien pauvres pour celui qui ne veut pas manger de charcuterie bien grasse et de chips et les seuls légumes en conserve que nous trouvons sont des petits pois bien durs. Pas de rayons traiteurs non plus. De temps en temps nous nous achetons un borek, sorte de pita fourrée de fromage ou de viande. Mais trouver un borek sachant bourrer sans barbouiller, ce n’est pas facile. La qualité des produits nous rappelle celle de Serbie et nous avons hâte de retrouver les bons produits grecs, Ah ! Que ne donnerais-je pour une cuisse de poulet grillée et une part de riz gluant ou une soupe de nouilles chinoise !
Se retrouver à Ohrid au bord du lac, c’était un peu comme se retrouver au bord du lac d’Annecy. Une grande étendue d’eau bleu pâle entourée de hautes montagnes. La ville neuve n’a rien d’intéressant qui puisse retenir, à part une promenade piétonne au bord de l’eau où tout le monde vient déambuler et prendre le frais le soir, habillé comme pour une réception. La vieille ville est située sur une colline surmontée d’une forteresse. Les maisons ne sont pas très anciennes, excepté quelques-unes, et il y a surtout des chambres à louer, des bars et des restaurants. L’église Ste Sophie renferme de belles fresques du XIème siècle à dominante de bleue.
Il faisait chaud et nous décidions de laisser passer la cohue du 15 août avant de reprendre la route vers l’Albanie et la Grèce.
Ohrid , c’est La station balnéaire du pays. Les tenues sont éloquentes, il y a les bars adéquats et s’il n’y a pas vraiment de plage, tout au long de la promenade qui longe le lac les gens étalent leurs serviettes, leur pommade, leurs bourrelets, brefs font comme s’ils étaient à la plage. Cependant très peu de bruit et une ambiance plutôt bon enfant. A remarquer qu’à part les petites familles, hommes et femmes ne se mélangent guère et les adolescents sont en grande majorité du sexe masculin. Pas de canettes ni de part de pizza, je l’ai déjà dit, ce qui signifie aussi pas de papiers gras ou autres déchets par terre. Pas de ski nautique, pas de grand aqualand, mais on peut s’initier au parapente et sauter du haut de la montagne la plus proche avec un moniteur pour un baptême. Pour terrain d’atterrissage, un petit square où se prélassent les familles sur leurs serviettes, entouré de réverbères, poteaux électriques et arbres, des plots de béton dans le milieu et des buts de foot dans le fond. On en a les cheveux qui se dressent sur la tête quand on voit la voile arriver beaucoup trop vite sur le mini carré de gazon qui reste.
La jeune femme chez qui nous logeons nous a donné des légumes de son jardin situé à quelques kilomètres hors la ville. C’est gentil. Dommage qu’elle ne soit pas plus accro du ménage. Son mari nous a demandé si nous étions allés voir la forteresse d’Ohrid. Non ? Il fallait absolument que nous y allions car cela fait dix ans que chaque Macédonien paye pour sa reconstruction. Nous y sommes donc allés, mais il n’y a rien à y voir. Ce n’est qu’un grand vieux rempart neuf entourant un espace vide.
En cette journée d’affluence du 15 août, où l’été semble atteindre son paroxysme et surexciter tout le monde, nous n’avons pas trop bougé de notre balcon et
avons passé notre temps sur Internet à la recherche de la meilleure solution pour rentrer en France en septembre. Notre retour par Venise semble compromis. Nous ne nous y sommes pas pris assez
tôt et les bateaux sont pleins.
Demain nous quitterons la République de Macédoine en pensant que, décidément, nous avons bien aimé la Bulgarie.
Ps.
Le faramineux et très kitsch projet « Skopje 2014 » doit redorer le blason de la Macédoine. Fontaines, ponts, statues par dizaines, arc de triomphe et opéra, le tout dans un style néo-classique des plus kitsch, doivent en outre attirer les touristes et faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. Coût de ce projet pharaonique ? Impossible de le savoir tant l’opacité règne sur son financement. L’exaltation de l’antique n’a rien pour satisfaire la communauté albanaise du pays, et tout pour énerver un peu plus les voisins grecs...(Le courrier des Balkans)
Pour lire la suite du voyage, aller en page "Retour en Grèce - Août-septembre 2014,